Mine de rien, cela fait déjà cinq ans que le dernier album des attachants Mass Hysteria est sorti. Oui je me suis étonné de ce laps de temps car les Parisiens ne m’avaient pas semblé être sortis des radars. Et en y repensant me sont revenus ces quelques shows marquants (Download 2018, Hellfest 2019), une présence massive sur scène entre tournées réussies et plus récemment les Zénith avec le Gros 4. J’avais même pu apercevoir Mouss au dernier Summer Breezeen terre allemande preuve s’il en fallait que tout allait bien pour les Mass, désormais invités sur des fests étrangers. Ce ne fut pas toujours le cas, on s’en souvient (ou pas) mais après un démarrage en furia à la fin des 90’s avec leur metal festif, nos amis avaient connu un gros trou d’air et même la peur du vide, n’ayons pas peur des mots. Reprise en main, église remise au centre du village, remobilisation générale autour d’un Yann en mode leader inspirant et fédérateur, recrutement de l’excellent et multi-tâches Frédéric Duquesne qui a su façonner un son identifiable et retour en grâce, avec en point d’orgue une année 2015 marquante avec ce Matière Noire, très grand disque qui au passage avait pour la première fois totalement emballé l’auteur de ces lignes. Et comme sur scène, la force de frappe était bien là, Mass Hysteria, très bien cornaqué par un management ultra professionnel, pouvait enfin s’accomplir et devenir ce grand groupe, confirmant ainsi le potentiel entrevu dès leurs débuts. Maniac avait à mon sens un peu marqué le pas malgré de réelles qualités mais il en ressortait ce qui m’avait semblé être un léger manque d’inspiration. La bonne dynamique n’en fut point affecté, les Mass étant désormais une valeur sûre live.
Lors de la production de ce dixième album, le groupe fut endeuillé par le décès du regretté Stephan Jaquet, bassiste fondateur du groupe certes parti depuis 2011 mais ami de jeunesse de Mouss et Raphaël. Pas évident à gérer on s’en doute. Alors que le groupe avait initialement envisagé un album percutant de dix titres, le programme a été révisé avec un album produit en deux parties de sept titres chacune, la seconde étant prévue pour le dernier trimestre 2023. Adaptation au marché où le modèle EP est redevenu tendance, gestion simplifiée du process de production ainsi plus étalé dans le temps, volonté de mieux occuper l’espace médiatique, les raisons sont multiples et le groupe ose une nouvelle approche qui me semble plutôt intéressante (même si on pourrait regretter le tarif pratiqué et la démarche commerciale peu en ligne avec les propos d’un Mouss). Est-il nécessaire de préciser que les deux disques seront « associés » jusqu’au bout y compris sur le plan du packaging ce qui semble évident vu le "1" clairement indiqué sur l’artwork ? Cela me fait penser au modèle Load / Reload ou plus récemment Hypnotize/ Mesmerize de SOAD, deux belles références s’il en est (Oui Load est bon mais Reload plus contestable... mais je dévie de mon sujet !).
Sept pistes donc, vingt-six minutes soit un gros EP même si là, je précise qu’on ne trouve point de faces B, reprises ou autres pistes de complément. C’est bien un vrai album que nous avons là. A l’écoute, on le sent vite car le niveau général est très bon. Toujours ce Mass Hysteria en lien avec ces productions - depuis Matière Noire (et même un peu avant) - au rendu très costaud, épais, écrasant. Le metal festif plus superficiel des débuts est loin, depuis un bon moment déjà il est vrai, et même si le recours aux machines reste un élément important du son Mass Hysteria, c’est toujours le mode rouleau compresseur. L’aspect groovy et les gros riffs font mal et ne manqueront pas d’impressionner live, c’est certain. Les musiciens rappellent d’ailleurs que cet aspect est clairement intégré dans la composition des pistes. La recette Mass Hysteria est désormais bien établie. Pour autant, ce Tenace envoie du lourd, est diablement efficace et tant pis pour le manque de surprise générale. Quoique le dernier morceau, Le Grand Réveil, surprend très agréablement avec le « duo » avec Marguerite Boulc’h dite Fréhel (décédée en 1951 et évidemment intégrée au morceau de manière post-mortem), chanteuse à la voix typiquement parisienne pouvant faire penser à Edith Piaf. Mass Hysteria renvoie ainsi à ses origines parisiennes, mais pas n’importe quel Paris, le Populaire, celui du Peuple. Aucune surprise quand on connaît Mouss et son univers. Petit aparté sur ce chanteur qui me laisse toujours un peu en suspension de jugement. J’adore sa voix, son style immédiatement reconnaissable tant dans la tessiture vocale que dans les thèmes abordés. Ce qui m’embête plus, c’est le décalage forme et fond. Autant j’adore les sonorités vocales, l’époustouflante capacité à trouver des formules marquantes et mémorisables, cette poésie urbaine (les "chiens de la casse" devenus loups sont de nouveau cités, les références à la problématique écologique très bien amenées et j’en passe tant une étude de textes ne serait pas déplaisante) mais le caractère politique engagé me gêne, point par différence de pensée mais par principe car voilà, je tique un peu sur le mélange des genres. Ce n’est que moi, ma vision des choses et pour être honnête, autant en concert, cela m’insupporte parfois, autant sur album, c’est vraiment bien fait, écrit au cordeau avec encore une fois un sens des mots, une utilisation remarquable de ces derniers avec de chouettes références et un réel point de vue.
Première partie très réussie donc pour les Mass Hysteria qui ont tapé fort sur ces sept premières pistes. Le groupe a de plus créé l’événement avec un clip intégralement réalisé par une IA, preuve d’une réelle modernité sur ce sujet très controversé (et que pour tout dire je n’aurais pas attendu chez les Mass, tant l’Humain et l’altérité sont centraux dans leurs thématiques). Musicalement, c’est impeccable, puissant, inspiré et on attendra avec impatience la seconde partie. Toujours aussi attachants, les Mass.