Load, LE disque qui a fait l’objet de sacrées
controverses lors de sa sortie en 1996. Et il n’y avait alors pas de réseaux sociaux. Un
rappel se justifie car il faut bien remettre en perspective le contexte de l’époque.
Metallica après un incroyable démarrage thrash dans les années 80,
avec la publication de disques de référence, avait réorienté son style vers
un heavy bien costaud mais autrement plus accessible pour ne pas oser le mot qui fâche :
commercial. Cela avait déjà bien râlé chez les fans, les « true
», ceux qui hurlaient à la trahison dès que « leur » groupe
délaissait le style origine. Le changement était violemment contesté quand
l’absence d’évolution pouvait aussi être regretté. Même si
l’argument est bien balisé et probablement surjoué, on comprend que certains groupes
préfèrent faire fi des avis, contradictoires, de leur public. Pour le Black Album, les Mets s’en étaient sortis
sans trop de problème : immense et délirant succès populaire, dynamique incroyable,
shows dévastateurs, tournée "bigger than life", tout allait bien et même mieux que
bien. Les rageux devaient de fait s’incliner temporairement mais n’en attendaient pas moins
leur heure pour déboulonner leurs idoles passées. Ce Load allait leur offrir
cette opportunité et les Mets, manquant tout de même de lucidité et
souffrant probablement d’un syndrome rock-star critiquable mais compréhensible, allaient
tendre le bâton pour se faire battre.
Imaginez, les Mets avaient toujours opté pour un
look qui n’aurait pas déplu à un Pierre Soulages avec du noir,
encore du noir et toujours du noir. Sur Load, on a droit à une pochette arty
contemporain (après celle ultra sobre du Black Album ça fait tout drôle),
un livret avec maquillages (légers, on n’est pas chez Kiss), manteau à plumes et poses à gogo. Et je passe
sur le changement de logo avec un nouveau bien plus sobre (et donc interprété comme
commercialement plus compatible avec un grand public). Même principe sur le premier clip
proposé, Until It Sleeps, titre sur lequel je reviendrai (spoiler alert : ce sera pour
dire que ce morceau est un joyau !). Pire même, les musiciens s’étaient coupés
les cheveux. J’avais entendu parler autour de moi de trahison pour cause de cheveux coupés.
Véridique ! Et sur ce Load, James nous envoyait une ballade
countrysante. Autant Nothing Else Matters était contestable par principe car ballade
mais, comme pour mon point initial sur le Black Album, difficile tout de même de dire
qu’elle n’est pas magnifique (sauf à jouer les gros durs de mauvaise foi). Mama
Said est plutôt sympathique mais ne boxe pas dans la même catégorie que sa
devancière. Elle en est même franchement loin. D’ailleurs, c’est globalement
assez symptomatique de ce Load. Beaucoup de (très) bonnes choses mais rien
d’exceptionnel. Pas d’Enter Sandman, point de Wherever I May Roam ni
d’Unforgiven.
Le démarrage de ce Load est franchement poussif.
Ain’t My Bitch tape un peu à côté, ne manque certes pas de rythme
mais ne propose rien de transcendant. Ce morceau a tout de même ses fans alors je vais nuancer mon
jugement sur cette ouverture mais je persiste et signe : on reste loin des démarrages fracassants
des précédents disques (ni du suivant d’ailleurs !). Ce ne sont pas les 2x4
et The House Jack Built qui relèvent le niveau, pour ne pas dire qu’ils le tirent
vers le bas pour le deuxième titre cité. Je nuance encore avec l’excellent solo de
Kirk Hammett sur 2x4, passage d’autant plus remarquable que l’ami
Kirk semble en pilotage automatique sur ce Load (et qu’il semble
toujours l’être depuis au passage). La doublette Until It Sleeps - King
Nothing remet à propos les pendules à l’heure et on retrouve le grand
Metallica. Until It Sleeps brille de mille feux, le clip rend hommage à
Cliff Burton, preuve que le groupe n’a pas oublié d’où il
venait. Hero Of The Day dégage une superbe vibe et Bleeding Me, et son
hallucinant final, arrache tout. Metallica reste un grand, capable du meilleur.
Les titres ensuite sont plus contestés / contestables,
j’épargne Mama Said déjà citée (que j’aime bien au
demeurant mais ça reste du sympathique, pas du très bon). Wasting My Hate et
Thorn Within sont de bonne facture mais sans plus. Ronnie a un petit côté
southern rock. Quant à The Outlaw Torn, survendu maladroitement alors par un
Lars annonçant le retour d’un très long titre pour la
première fois depuis ... Justice et laissant espérer un
Orion-bis, il souffre d’une deuxième partie moins intéressante mais sa
première moitié reste impériale avec une mention spéciale pour les parties
de batterie.
Côté production, Metallica continuait son
chemin avec Bob Rock pour une production franchement excellente, un son chaleureux,
vraiment réussi. Ce Load peut être vu comme la parfaite continuité du
Black Album, plus heavy-rock mais avec le recul, la filiation entre ces deux disques semble
assez naturelle. Cela n’en rend les critiques a posteriori que plus étonnantes car la vraie
rupture, c’était bel et bien ce Black Album. Oui mais avec Load,
Metallica récoltait alors le revers de la médaille de l’immense
succès populaire, autant critiqué qu’il avait été aimé cinq
années plus tôt. Le contexte avait aussi évolué et les Mets,
qui avaient devancé et même généré des styles et des suiveurs, se
retrouvaient à la traîne. Le grunge était passé par là, les Guns avaient entamé une longue éclipse
suite à une série d’excès en tous genres et les Mets
continuaient selon les anciens codes incarnant de fait "l’ancien monde". Une horde de jeunes loups
talentueux pointait son museau, sens logique de l’histoire qui ne s’arrête jamais
(autre belle croyance des 90’s). Il serait abusif de nier que ce Load n’est pas
exempt de défauts, bien trop long et comptant bien trop de titres donnant l’impression de
ne pas être finalisés / aboutis. Surtout qu’un an plus tard, Reload, issu
des mêmes sessions, allait reproduire mécaniquement les mêmes défauts. Les
Mets avaient eu beau jeu de moquer les Guns mais, en reproduisant le
schéma des Illusion, a commis, je le pense, la même erreur avec
trop de quantité pour finalement moins de qualité et un impact bien moindre. Rappelons que
Master Of Puppets ne contenait que huit titres... mais
quels titres !!!
Reste que ce Load, aussi imparfait soit-il, présente de
vraies qualités, d’excellents morceaux et que le groupe avait pu reprendre la route pour un
rendu spectaculaire. Assumant jusqu’au bout leur démarche, les Mets
avaient semblé (malgré eux ?) nier leur période thrash passée. Comment
oublier ce medley Kill / Ride interprété en live avec un
côté presque édulcoré ? Une volonté de crédibilité
artistique ? Un excès d’orgueil ? Le contexte de l’époque me semble à
rappeler, la volonté des membres d’assumer une part plus rock a pu paraître
maladroite, surtout avec un Lars aussi volubile que parfois piètre communiquant
et dernier reste d’une période où les rock stars n’étaient plus de
mode. Le milieu des 90’s se montrait dur envers les Mets et Reload,
continuant le chemin, allait encore accentuer le malaise et les critiques envers le groupe, paraissant
(comme tant de leurs homologues de leur génération) bien perdus dans une décennie
qui, avec le recul, ne l’était pas moins.
Tracklist de Load :
01. Ain’t My
Bitch 02. 2 x 4 03. The House Jack Built 04. Until It
Sleeps 05. King Nothing 06. Hero Of the Day 07. Bleeding
Me 08. Cure 09. Poor Twisted Me 10. Wasting My
Hate 11. Mama Said 12. Thorn Within 13.
Ronnie 14. The Outlaw Torn