Groupe:

Summer Breeze - Jour 3 & 4

Date:

19 Aout 2022

Lieu:

DInkelsbühl

Chroniqueur:

ced12

Tag drei

Quatre mois que je n’ai pas vu de pluie, la marge d’orages en terre bulgare, quatre mois qu’on pète de chaleur, quatre moins que la Nature en crève jaunissant jour après jour ! Pour son retour, la pluie ne va pas faire semblant. De midi jusque 20h, c’est une pluie ininterrompue que nous offre le ciel bavarois. C’est donc le retour des bottes, des ponchos et autres casquettes pour s’en protéger. Cela fait partie du jeu de l’open air, aussi génial par beau temps que compliqué par météo pluvieuse. C’est le deal, on ne peut pas tout avoir, il faut l’accepter. Les héros cyclistes de Juillet sur leurs vélos ne se plaignent pas, après tout. On pense tout de même aux groupes ne pouvant bénéficier de bonnes conditions, aux commerçants sur le site voyant leur chiffre d’affaire à la baisse. Pour nous, la journée sera inversement légère à ce ciel bien plombé. Mais comment ne pas se déplacer pour un des groupes phénomènes du technical brutal death scène bien underground s’il en est ? Arrive donc Cytotoxin qui se présente comme venant de Tchernobyl. Bon en fait ils sont allemands, mais là est le concept du groupe avec ce décorum de drame nucléaire, masques à gaz et autres fausses bombonnes de plutonium. Monstrueusement carré, porté par un chanteur au physique bien solide envoyant pig-squeals à la pelle, Cytotoxin envoie la purée, bénéficie d’un son hyper clair. On retrouve ces rythmiques si spécifiques, cet univers qu'ils parviennent bien à retranscrire sur scène et ce jeu de public si codifié (en gros, on bouge la main en rythme à 200 bpm). Impeccable lancement, groupe généreux, Cytotoxin est avec Ingested une vraie pointure du style. Et que serait un fest Metal sans un bon concert de technical brutal death ? Pour finir, le chanteur nous rappelle à ne jamais oublier Tchernobyl. Il a raison. 

Il offre ainsi une drôle de transition avec la présence de Jinjer, formation qu’on ne présente plus. Déjà commenté via les reports du Hellfest, je ne vais pas faire trop long. Sauf à dire que c’est impressionnant de maîtrise, que les musiciens sont des dingues. Les parties s’enchaînent dans tous les sens, c’est barré et on se demande sincèrement comment ça fonctionne. Parce que ça fonctionne ! Quand le rendu disque est parfois un peu étouffant, en live, c’est varié, ouvert et ça fonctionne à merveille. L’élément fort reste Tatiana, bluffante déjà par ses fameux vocaux mais aussi par sa présence. Très souriante, avec son eye-liner phosphorescent, elle précise même que le dernier show proposé au dernier Summer Breeze reste une des plus belles journées de Jinjer, sans qu’on n'en sache plus sur la raison de ce commentaire. La setlist est un best of avec le fameux Pisces mais aussi tous les singles accrocheurs du combo. Un groupe génial, original et dans une dynamique incroyable mais bien malmené par un contexte international qui les dépasse. Un des shows du week-end assurément.

Autre show majeur : Insomnium.  Le groupe de death mélo finlandais de Nilo Sevänen se fait plus rare. L’intensité est énorme, les mélodies mélancoliques sont immersives, ça joue bien, propre, les ambiances sont ébouriffantes. Le rendu est hyper compact, puissant avec une belle osmose entre les musiciens. De nuit, avec cette forêt lugubrement éclairée, le rendu est sincèrement bluffant. Pour les parties en chant clair, c’est le second guitariste qui s’y colle et contraste bien avec la profondeur du chant de Sevänen. Hyper réputé, très attendu (une fan suisse romande très sympa m’a dit « eux c’était juste inratable»), Insomnium a assurément tapé fort et rappelé qu’en terme de death mélo immersif, ils étaient sans équivalents. (Ced12)

Alors que le taux d'humidité de l'air ambiant doit avoisiner les 1000 pour 100, il est grand temps de s'occuper du taux d'humidité intérieur du festivalier. En cas de forte déshydratation, on doit consulter prestement les maîtres de la musique à boire catégorie metal. Nos Écossais d'Alestorm sont les maîtres en la matière et leur prestation va en désoiffer et en décoiffer plus d'un. Le public allemand est en symbiose avec les cinq agités qui délivrent un concert sérieux, puissant et punchy. Le groupe maîtrise son art, la communion naturelle et festive avec son public se vit comme une évidence. Alestorm peut se traduire par « tempête de bière ». Tout est dit dans le titre, ils donnent la pêche.

Les pieds dans une boue de 15cm de hauteur, le poncho dégoulinant, le slip divinement trempé et installé juste devant la première rambarde, on peut affirmer que j'étais bien en place… Eh oui, parce que je m'intéresse à Within Temptation depuis une quinzaine d'années, et donc j'avais grande hâte de vivre leur concert et ce pour la première fois. Et cela fut magistral ! Leur set-list mêlant classiques et dernières grandes nouveautés, laissait entrevoir un spectacle de haut niveau. Ce fut au-delà des attentes, sans lassitude, sans que la magie ne retombe, à aucun instant.

Le groupe tient son rang d'un point de vue niveau collectif, même si je trouve que les musiciens peuvent se situer un peu en-dessous d'autres camarades du même style (Metal symphonique). Sur scène ça claque bien metal, la maîtrise des interprétations est totale et la prestation de Sharon den Adel demeure tout simplement incroyable. C'est juste et quelle maîtrise de voix ! Elle donne le frisson… Je ne comprendrai jamais pourquoi les captations de sa voix en live laissent un arrière goût de fausseté…. si un ingénieur du son pouvait m'expliquer. Un spectacle pur !

Bien plus tardivement, alors que la pluie redoublait, fatigués par une journée marathon, les fidèles ponchos proches d'une éponge, les slips prenant fonction d'objets de contention, nous nous retrouvions en train d'attendre Amorphis. Et dès l'intro, la bande des Ogres réussit le miracle de nous réchauffer, de nous bouger et de nous sortir de notre torpeur. Les morceaux s'enchaînent presque trop rapidement, tellement on souhaiterait que ce spectacle perdure. Il s'agissait de ma quatrième rencontre avec ce groupe, et finalement malgré un environnement rendu compliqué par les conditions météo et un horaire peu entrain à la rigolade, ce fut leur prestation la plus aboutie. Spectacle totalement maîtrisé grâce à la virtuosité des protagonistes et la puissance qu'ils délivrent. Magique, simple, puissant, rare. (Le Diable Bleu)

Tag vier

Ah ceux-là, je les attendais de pied ferme, et d'ailleurs dans la fraîcheur de cette dernière journée, nous n'étions que trop rares. L’entrée de Jennie-Ann, la chanteuse d'Avatarium, comme une prêtresse dans une ambiance grise, donne le ton avec le premier riff de Voices. Elle me capte d'emblée. Les sons puissants et lourds comme le style Doom les impose bercent déjà les festivaliers. La prestation va être exceptionnelle. La solidité de l'ensemble est tenue par chaque musicien, leur symbiose transpire à chaque instant. Seul Insomnium me donnera cette même impression.
Le concert se termine déjà par  le fameux Moonhorse extrait du premier album. Quel concert incroyable qui marquera j'espère les veinards qui étaient présents ce jour-là (Note de Ced12 : je partage cet excellent ressenti) ! Trop court, trop trop court... j'aimerais tant les revoir sur la grande scène du festival avec le gros son. J'adorais ce groupe, me voila tombé raide dingue de Jennie-Ann maintenant. Vivement la découverte de leur prochain album, évoqué, mais dont aucun morceau n'a été joué ce jour. (Le Diable Bleu)
 

C’est un bel orage qui nous accueille ce jour. Arrivée rugueuse mais bon timing, nous étions encore en train de nous garer. Le hic c’est que le site ne s’en relèvera pas. On dit que la boue c’est bon pour la peau mais quelle galère ! C’est limite impraticable et les allers et venues entre les deux scènes sont une galère sans nom, les légères pentes n’aidant pas. Ah l’open air, ça ne pardonne pas. La journée sera donc rude mais le programme bien alléchant. Alors on s’accroche ! Démarrage irish avec les Allemands de Fiddler’s Green qui pratiquent un folk celtique typique des expatriés irlandais (qui sont VRAIMENT partout). Festif souvent, mélancolique parfois, le irish rock marche bien, met de bonne humeur en dépit d’un ciel menaçant. Une bonne mise en jambe avant l’un des shows les plus brutaux du week-end. 

Arrive en effet Dark Funeral, légende du black suédois. Un groupe de black à 16h ?! Quelle mouche a pu piquer les organisateurs ? (enfin ce serait plutôt les guêpes, bien pénibles dans notre cas). Eh bien, la faute en revient à la compagnie d’avion qui a semble-t-il avancé leur vol. Oui notre époque semble si peu en maîtrise qu’avant on décomptait des retards quand dorénavant, on part en avance parfois (vécu professionnel !). Les Allemands de J.B.O. se sont gentiment dévoués pour leur laisser leur créneau et voilà une légende du black jouant à la lumière du jour. Le ciel demeurant grisâtre, la thématique reste pas si incohérente. D’une impressionnante clarté là encore, Dark Funeral distille un show bien dark, abouti avec un chanteur très présent ne nous épargnant aucun cliché du genre. On passera ces passages obligés pour ne retenir que les excellentes interprétations, les quelques variations dissonantes générant une belle tension pour des explosions typiques du genre. Majestueux. Hyper attendu des vrais, des true, Dark Funeral n’a pas déçu malgré un horaire inhabituel ne rendant pas un grand hommage au travail scénique proposé.

Changement drastique de registre, encore une fois indépendant des organisateurs, avec Primal Fear sur la T-Stage. Valeur sûre des fest, les Allemands assurent la dose de heavy qui va bien avec un Ralph Sheepers égal à lui-même. Chant haut perché, présence physique impeccable, toujours aussi charismatique et dégageant de la sympathie, le solide gaillard tient sa scène en dépit de circonstances particulières. Il semble que ce soit la première date du groupe post-crise sanitaire pour un Primal Fear qui délivre toujours un bon heavy des familles, certes hyper Judas Priestien mais de valeur. On signalera l’émotion du chanteur alors qu'un Mat Sinner très affaibli vient l’accompagner sur Metal Is Forever. Voir Ralph Sheepers, ce colosse, si fragilisé et essuyant ses yeux embués restera comme un moment bien émouvant où, derrière un show carré, très pro se cache une belle sincérité. Au final, un show vraiment sympa à haute charge émotionnelle quand on devine l'état de santé de Mat Sinner

On passera les rockeurs indie à tendance punk nous venant de Norvège de Lüt, un peu bordéliques, le death old-school de Benediction pour s’intéresser aux deux têtes d’affiche du jour. Blind Guardian a déjà été chroniqué sur sa perf au Hellfest donc là encore, je vais faire léger. Le ciel est enfin redevenu clément et nous avons droit à de biens belles couleurs orangées qui font du bien après un tel déluge. Décidément jamais satisfait, le Français ! Juste dire que j’ai découvert le groupe via ce show (je sais, c’est un peu la honte surtout que j’ai beaucoup écouté Powerplant de Gamma Ray lors de sa sortie) et sincèrement c’est la grande classe, le heavy power du combo. En dépit de son look de vendeur d’assurances et d’une certaine nonchalance, Hansi Kürsch impressionne avec des vocaux haut de gamme et une présence scénique impeccable. Grande classe. André Olbrich gère les solos à la perfection et la formule du groupe, avec une setlist identique à celle du Hellfest, et vraiment plaisante. Point fort supplémentaire, le groupe joue à domicile, les Allemands les adorent (et je les comprends mieux désormais et cela montre qu’on peut parfois être prophète en son pays) et reprennent en cœur les paroles. Sur The Bard’s Song c’est déjà impressionnant. Sur Valhalla, en final d’un superbe show, c’est carrément bluffant, le public n’en finissant plus de reprendre ce merveilleux refrain, même alors que le groupe a cessé de jouer. Magnifique moment de partage et un groupe ayant sincèrement l’air heureux ! Blind Guardian à domicile, c'est quelque chose. 

Ce moment a tant plu à tout le monde que le chanteur de Heaven Shall Burn arrive sur scène et reprend ce refrain avec le public. Démarrage incongru, déstabilisant. Un peu raté même. On a rarement vu des têtes d’affiche arrivant presque en catimini sur scène. Comme si passer après Blind Guardian les intimidait ! Je suis un peu dur car une fois lancé, la machine HSB va tout arracher sur son passage, délivrer un show fantastique. Batterie en mode double-pédale avec pilonnage permanent et ces deux guitares, incisives, hyper créatives avec des motifs rock mais réhaussés à la sauce deathcore. La nuit tombée, le jeu pyrotechnique prend une ampleur folle. Le chanteur, bien que trop bavard par moment, hurle magnifiquement avec une présence scénique d’une grande intensité. Hunters Will Be Hunted avec son immense mélodie vient parachever un concert d’1h20 démentiel, surpuissant, inspiré et inspirant. Ah, le groupe a tout fait bien, très bien ! Reste à revoir le démarrage (une bande d’intro suffirait les gars !!) et c’est parfait. Groupe immense, injustement trop méconnu par chez nous. La grosse baffe et assurément une des plus belles perfs du week-end. 

Je délaisse Hypocrisy (« excellent mec, quel show, c’est carré, c’est du super bon, ça m’a coûté de partir avant la fin ! » sera le commentaire du pote) dont j’ai pourtant adoré le dernier disque mais je n’ai pas eu ma dose de hardcore, ayant manqué Comeback Kid pour cause de météo. Born From Pain, old-school, va ravager la tente avec un show hardcore d’école. Alternant grande vitesse sur le début du show (avec des riffs presque stoner bien dynamiques) avant de proposer de bien bons breaks et une énergie démente. On retrouve un chanteur avec un chapeau presque de plagiste, bien dans la tradition hardcore cool en mode LA ce qui étonne un peu pour les Hollandais. Les trois quarts d’heure sont dingues, reboostent et on regrette que le sol, boueux, empêche d'avoir une fosse encore plus remuante. Voilà qui fait un bien fou.

Combichrist a semblé subir des problèmes de micro, ceci expliquant le final abrégé semble-t-il ce qui est bien dommage tant la formule presque dansante du groupe indus passe plutôt pas mal. Toutes les bonnes choses ont une fin dit-on ("non pas toutes a rappelé Jennie-Ann). Et c’est Cypecore, groupe chouchou du pote qui conclura notre fest après une dernière traversée épique d’un site labouré de partout. Le concept apocalyptique avec ces lumières très Terminator impressionne encore et toujours et musicalement, le death mélodique mâtiné d’indus passe à merveille. Morceaux bien travaillés, refrains à tendance hymniques (« Cause We Are One »), guitares bien acérées avec des gratteux bien en place, le groupe de Mannheim fait très forte impression et achève un auditoire ravi en dépit de conditions délicates. Je ne résiste pas à tenter de décrire un des wall of death les plus improbables qui soient avec des festivaliers volontaires et vaillants mais freinés par cette boue infernale avec pour rendu visuel un wall of death en mode "ralenti" tant les guerriers du pit étaient obligés de rivaliser d'attention pour… juste avancer, en fait. On attend de pied ferme un nouveau disque de Cypecore au passage. (ced12)

C’est heureux et repus que nous retournons à nos pénates. Comment conclure sur le Summer Breeze sauf à dire que ce Fest est génial, parfaitement paramétré en termes de taille, que l’offre musicale est excellente (les types qui font l'affiche sont de sacrés connaisseurs avec des goûts très sûrs), que l’Allemagne est un pays génial, à découvrir / arpenter surtout pour sa partie Sud chaleureuse et au doux charme provincial. Et pour citer Olivier (aka le Diable Bleu), un festival à découvrir urgemment avant qu’il ne devienne trop gros.

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