Je déteste devoir écrire cette chronique. Mais, en même temps, je suis super content de le faire. Oh punaise, ça y est, l’autre pète un plomb dès le liminaire de son papier, c’est n’importe quoi, de pire en pire, ces Portes du Metal. Calmez-vous, je m’explique ! Je suis particulièrement ravi d’enfin pouvoir parler de Devin Townsend en ces lieux. J’avais passé la main à la sortie d’Empath, sur lequel j’avais un peu de mal à avoir un avis sur le moment à l’époque (je l’aime beaucoup, finalement) et Lightwork qui sans être nul ne m’avait pas passionné plus que ça. Et depuis, entre une réédition de l’excellent Infinity (sur laquelle je n’avais rien à dire) et les deux albums ambiant sortis en 2021, pas de sortie du chauve à me caler entre les oreilles. Ce qui est presque étonnant, tant l’homme nous avait habitué à pondre des nouveaux disques à une vitesse presque inquiétante.
Mais me voilà donc enfin dans la capacité de jacqueter d’un artiste que j’aime particulièrement, à la carrière aussi variée -entre City et Ghost, y’a plus qu’un monde- que passionnante, de surcroît sur un album qui, spoiler alert, m’a tellement plu. Pas très objectif, pour le coup, j’avais presque déjà décrété que j’allais adorer ce Powernerd dès la sortie du single éponyme. Un machin presque hard rock, avec le son caractéristique de Devin, et super accrocheur. Autant dire qu’à sa sortie, je l’ai écouté pas mal de fois. En revanche, je n’ai écouté aucun autre single, préférant attendre l’album complet pour me faire un vrai avis.
Vous aurez vu la note, vous aurez vu la mention coup de cœur : ce Powernerd est excellent. Il rejoint même la liste de mes albums préférés du canadien chauve, rien que ça. Pourquoi ? Déjà parce que, pour une fois, Devin a fait court. La dernière fois qu’il nous avait pondu un album en dessous des 50 minutes, c’était Addicted et ça remonte à... 2009 ! En règle générale, ses galettes dépassent tranquillement l’heure. Cette fois, ce sont trois petit quarts d’heure, pour dix titres et une interlude. À titre de comparaison, le dernier titre d’Empath durait vingt-cinq minutes ! De plus, on tient là un album quand même vachement varié : Powernerd est hard rock, Knuckledragger lorgne sur les terres de Rob Zombie -à noter que je n’arrête pas de fredonner ce refrain toute la journée depuis que j’ai écouté l’album pour la première fois-, Dreams of Light et Younger Lover rappellent Ghost, Falling Apart ou Goodbye nous ramènent à Ocean Machine, Gratitude se fait presque "arena rock"... Impossible de s’ennuyer ! Tout ça sans dire, puisqu’on le sait tous, que Devin est un chanteur exceptionnel, avec une voix de dingue.
Mais ce qui frappe aussi en écoutant ce Powernerd, c’est la mélancolie et la résilience qui l’habitent. Marrant, ce sont ses copains de Gojira qui parlaient de "fortitude" sur leur dernier effort. Townsend sort d’une période qu’il définie comme la plus difficile de sa vie -on parle de pote décédé, de famille qui s’éloigne et tout ça- et ça se sent. Ce disque, c’est Devin qui nous dit que oui, la vie c’est effectivement de la merde, mais qu’il convient de serrer les dents, de vivre l’instant présent malgré la douleur parce que, sait-on jamais, ça ira peut être mieux demain. Un beau message, en somme.
Message véhiculé de la plus "towsendienne" des manières avec ce dernier titre. Après une phase franchement mélancolique dans l’album, option "poils qui se lèvent et gorge qui se noue" quand Devin chante, arrive le dernier titre, Ruby Quaker. Le refrain ? "Coffee, coffee, I love my coffee". Quoi ? Ouaip, les amis. Après tout ça, Powernerd se ferme sur une petite comptine, qui devient country et metal, dans laquelle notre chanteur déclare sa flamme à son café du matin. Le morceau est, tout comme le café du matin, particulièrement addictif et capable de vous donner une patate d’enfer. Et il est bien marrant, forcément. Voilà, tout est là : après la tristesse, c’est un nouveau jour, on boit notre café et on est repartis pour un tour. M*rde, il est fort !
En interview, Devin parlait d’un album qu’il avait pondu en onze jours seulement, s’amusant à se mettre au défi de faire un album plus "simple". Et, si vous avez déjà écouté Deconstruction, par exemple, vous savez que notre bon canadien sait très bien faire "pas simple du tout". Onze jours, à raison de trois heures de taf par jours, Devin expliquant qu’avec l’âge, il consacrait moins de temps à son art, histoire de ne pas passer trop de temps à composer n’importe quoi. Cela dit, ce disque s’inscrivait dans une trilogie d’albums. Et puis, finalement, il a annoncé que ce serait une quadrilogie. Et que le deuxième album, donc son prochain, serait sûrement le truc le plus zinzin de sa carrière, voilà qui promet... J’en profite, ça en étonnera certains mais qu’importe, pour vous conseiller de jeter un œil, si ce n’est les deux, à l’entretien du bon Devin dans le célèbre magazine RockHard, entretien particulièrement passionnant.
Mais je m’égare. Vous comprenez donc, compte tenu du gaillard et de la complexité de son œuvre, pourquoi je déteste devoir écrire ce papier. La peur d’oublier des trucs, de mal en interpréter d’autres. Va me falloir un bon p’tit truc de thrash bien neuneu pour compenser ! Mais je ne pouvais pas ne pas parler de ce merveilleux disque, l’un de mes préférés de son timbré de géniteur. Chapeau, mon Devin, chapeau. Quant à vous, amis lecteurs, allez donc m’écouter ça, vous m’en direz des nouvelles. Allez, "give me another, another beer, man" !
Addendum : notez que, sur certaines plate-formes d’écoute numériques, on vous propose une version de l’album commentée par Devin en personne. Je ne l’ai pas encore écoutée, mais je compte bien me ruer dessus très prochainement !