Enfin, ENFIN, le grand Devin est de retour ! Non pas que le Canadien chauve avait disparu des écrans radars mais il m’avait un peu perdu dans son prog, un brin soporifique, et qui commençait sérieusement à me lasser. Une fois le Devin Townsend Project rangé, Sir Devin annonce un Empath qui : « est, musicalement, un mélange de tout ce que j’ai fait auparavant ». Sacré challenge…
Et pour réussir ce challenge, Devin a fait appel à son réseau, qui à l’image de son spectre musical est également très large et ouvert. Et puis tant qu’à faire, autant prendre la crème de la crème, regardez-moi ce casting : Morgan Ågren (Zappa), Mike Keneally (ex-Zappa), Elliot Desgagnés (Beneath the Massacre), Samus Paulicelli (Decrepit Birth), Fredrik Thordendal (Meshuggah), Anup Sastry (Monuments), Steve Vai (comme on se retrouve…), et les amies Anneke Van Giersbergen (ex-The Gathering) et Ché Aimee Dorval (Casualties of Cool entre autres)… Ce n’est plus un super groupe, c’est carrément un gang bang musical !
Mais il y en a un qui a particulièrement contribué à cette album, c’est Chad Kroeger de Nickelback. Alors vous allez me dire que c’est le choc des cultures entre Nickelback et l’univers Townsend, je vous le concède. Pour mieux comprendre, voilà un extrait de l’excellent interview de nos confrères de Radio Metal au sujet de la mise en route de l’album par Townsend : « J’ai dit à Chad Kroeger : “Tu sais, peut-être que je devrais faire un truc commercial, et peut-être que tu pourrais m’aider.” Car il est brillant dans ce domaine. Mais il était là : Tu ne devrais pas faire de la musique commerciale. Tu devrais investir tous tes efforts, ton temps et tes finances à faire quelque chose sans compromis. C’était celui qui, à bien des égards, m’a aidé à prendre la décision de faire cet album. » J’ai simplement envie de remercier M. Kroeger pour ce coup de motivation salvateur, Devin refait enfin du Townsend.
Pour ma part, je considère que la carrière du Canadien se compose avec des hauts (SYL, Ocean Machine, Ziltoïd, Deconstruction, Addicted…) et des moins hauts (Casualties of Cool, la fin de carrière de DTP…) mais ce que j’apprécie avant tout chez le bonhomme, c’est le fait qu’il ne prend pas la musique comme une unicité. Perpétuellement à la recherche de nouvelle sensation musicale, il est capable de s’attaquer à des genres et des styles tellement différents, en ayant en plus l’honnêteté intellectuelle de créer une entité par concept.
Et bien, sur Empath, il reproduit cette idée avec pratiquement un concept par chanson, ce qui va m’obliger à vous faire un track by track :
Castaway, ou « l’introduction typique ». Le son monte petit à petit, la mer, le ukulele et un chant tout en finesse digne des plus belles ambiances tahitiennes. Titre qui s’enchaine directement avec…
Genesis, ou « la genèse d’une carrière ». On retrouve sur ce titre pratiquement l’intégralité de l’univers de Townsend. Un titre pour le coup, assez varié (ben oui, on ne concentre pas une telle carrière comme ça) qui a le mérite d’être assez digeste malgré la multiplicité de changement, de la pop, au funk, en allant jusqu’au blast (miaulement de chats inclus).
Spirits Will Collide, ou « finalement il en reste un peu, je vous mets avec ? » C’est certainement le titre qui se rapproche le plus des dernières productions en date. Beaucoup de chœurs, des riffs grandiloquents et un Devin qui fait encore son numéro prog, mais le pire c’est que ça fonctionne encore.
Evermore, ou « la terre des contrastes ». Sur ce morceau, les enchainements ne sont pas toujours évidents à appréhender, avec une rythmique saccadée, ou par instant très simple. Le titre navigue entre des mélodies très accrocheuses, des riffs très lourds, et une accélération à vous scotcher au siège. Un voyage aux confins de la schizophrénie, là où les frontières se confondent.
Sprite, « c’est léger comme une bulle ». Bon désolé pour ce jeu de mot de bas étage mais ce titre très aérien se veut comme une pause au milieu de quelques titres plutôt lourds. Mais l’histoire qui nous est contée ici est de l’ordre de la cinématographie musicale.
Hear Me, ou « SYL te plaît, dessine-moi un blaster… » Il est impossible de ne pas penser à Strapping Young Lad en écoutant ce titre. Ici ça joue vite, très vite, et avec peu de changements de rythme, et malgré le saupoudrage de chœurs par-ci, par-là, c’est le titre énervé de l’album.
Why, ou « bienvenue dans mon conte de fée ». Nous aurions pu entendre ce morceau dans n’importe quelle introduction d’un film de « la World Company ». Une double porte s'ouvre sur un univers de guimauve, déchiré par un growl, mais malgré tout rempli d’oiseaux, de fées, et de questions métaphysiques…
Borderlands, ou « le retour au bord de l’eau ». C’est tout en douceur, que nous retrouvons l’univers de l’introduction, douceur, coquillages et crustacés. Mais une fois que le titre se met en route, il est très entrainant et limite dansant. Une autre parenthèse enchantée…
Requiem, ou « un dernier pour la route ». Ce titre léger, d’une beauté dramatique, avec beaucoup de chœurs, offre une pause avant l’énorme dernier titre.
Singularity, ou « le pavé de vingt-deux minutes totalement indigeste ». Sur le papier, je me dis qu’il faut, avant d’attaquer ce titre, que je prenne un Citrate de Bétaïne, histoire d’être bien prêt à la digestion. Mais finalement, ce titre de clôture m’aura, lui aussi, pris dans ses filets. Il offre une sorte de synthèse de l’album qui est, lui-même, vous l’aurez compris, une synthèse de la carrière de Devin. Mais là où il est fort, c’est que tel un troubadour, il raconte musicalement une dernière histoire, et pas n’importe laquelle puisque c’est peut-être bien la sienne… Le titre, compte tenu de sa longueur, passe par toutes les étapes, à l’image des multiples vies qu’a déjà eu Devin.
Pour conclure, avec Empath ("Empathie" en français), Devin nous demande de reconnaître et comprendre la foule de sentiments ou d’émotions qu’il transmet aussi bien dans ce disque, que dans l’ensemble de sa carrière. Me concernant je suis totalement conquis, pas forcément par la qualité intrinsèque de toutes les compositions mais par le fait que cet album ouvre à nouveau les vannes de sa créativité qui éclabousse avec classe ce nouveau chef-d’œuvre.
Tracklist de Empath :
01. Castaway 02. Genesis 03. Spirits Will Collide 04. Evermore 05. Sprite 06. Hear Me 07. Why 08. Borderlands 09. Requiem 10. Singularity
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