Artiste/Groupe:

Gojira

CD:

Fortitude

Date de sortie:

Mai 2021

Label:

Roadrunner

Style:

Gojira

Chroniqueur:

Ignatius

Note:

18/20

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Il en aura fallu du temps pour que votre site préféré vous propose la chronique de ce nouvel album de Gojira. Le temps pour votre serviteur d’écouter l’album une première fois, de le trouver insipide, trop simple, trop évident et trop influencé par quelques groupes qui forgent, ou ont forgé au fil des années, le son de nos Frenchies. Morbid Angel dans le passé et puis Sepultura, Meshuggah et Mastodon qui doit, depuis quelques temps, tourner en rotation intensive sur la platine des frères Duplantier. Une première écoute non pas décevante, car je n’attendais rien du groupe auquel je ne me suis plus intéressé depuis From Mars To Sirius, mais simplement insignifiante.

Et pourtant, pourtant, quelques jours après j’avais encore des mélodies en tête, un ou deux de ces refrains obsédants déjà ancrés dans mon inconscient et l’étrange envie d’y retourner. J’y suis donc retourné, curieux et bien décidé à laisser à l’album le soin de me donner tort et je n’ai pas été déçu. J’avais tort, je l’avoue, sur toute la ligne et j’ai adoré le reconnaître à chaque nouvelle écoute.

De Born For One Thing au final mélancolique de Grind, Gojira m’a séduit en jouant avec mes émotions et mes nerfs, alternant le riffing saccadé dont il est coutumier avec des moments inattendus, surprenants, choquant diront certains pour qui The Chant et son approche résolument rock, stoner même, est une limite qu’il ne fallait pas dépasser, ni même atteindre. Rien ne m’a dérangé, bien au contraire, cette étonnante diversité forme un ensemble d’une cohérence incroyable qui m’a permis d’envisager Fortitude comme un voyage musical empreint d’une certaine solennité, un périple logique avec un début et une fin et dont chaque nouvelle étape succède naturellement à la précédente. Fortitude est une œuvre pensée, réfléchie et méthodiquement construite pour transporter l’auditeur d’un point A à un point B pour peu qu’il accepte de se laisser aller sans s’encombrer de cette rengaine lassante qui, en boucle, assène "c’était mieux avant, c’était mieux avant…”

Je ne comparerai donc pas à avant car un disque est un travail unique, abouti, qui se suffit à lui-même et n’a pas à être écouté “par rapport à”. Comment fait celui qui découvre Gojira aujourd’hui ? Doit-il avaler toute la discographie du groupe avant de savoir s’il aime ou non Fortitude ? Bien sûr que non et son oreille néophyte lui évitera bien des questionnements stériles et lui permettra d’apprécier ce qu’il entend, là, maintenant. Suivons donc ce chemin de sagesse et apprécions pour ce qu’elles sont ces onze compositions d’une efficacité sans failles, recevons avec humilité et plaisir cette masterclass de songwritting, apprécions cette science du refrain décisif qui s’affine album après album et semble avoir atteint son paroxysme sur celui-ci et apprécions, enfin, la richesse de ce disque aux contrastes magnifiques dont certains moments sont d’une beauté à tomber. Fortitude est une structure de riffs et d’émotions.

Fortitude est évidemment merveilleusement produit et magnifiquement arrangé, l’album fourmille de détails qui ne se révèlent qu’au fil des écoutes. Le soin apporté aux voix est particulièrement bluffant, qu’elles soient au premier plan pour scander ces refrains imparables ou plus en retrait, faisant parfois office de nappes atmosphériques à peine audibles et pourtant indispensables à l’ensemble. Le travail et les progrès de Joe Duplantier à ce niveau sont en tous points remarquables, de “simple” growler il est devenu, au fil des albums, un chanteur talentueux et inventif proposant des idées mélodiques toujours judicieuses et prenantes. Il me faut aussi parler de Mario, batteur techniquement impressionnant et musicalement intelligent qui orne chaque titre de cet album de subtilités qui explosent à chaque coin de riff et enrichissent considérablement des compositions beaucoup moins simples qu’elles n’en ont l’air aux premiers abords. Capable de nous faire fondre quelques neurones avec des polyrythmiques qu’il maîtrise trop facilement, cet insolent, (ce plan de dingue sur Into The Storm), il sait aussi s’effacer pour aller au plus simple et servir sobrement la proposition artistique de morceaux plus intimistes comme The Chant ou The Trails, interprétés tout en finesse. 

On parle trop souvent d’album de la maturité, l’expression, largement galvaudée, est devenue un cliché ridicule mais elle prend ici tout son sens. Gojira s’est ouvert et maîtrise l’entièreté de son univers en expansion, le chaos de son metal lourd et saccadé mais aussi cette ambiance toute nouvelle, quasi mystique par endroits, ces atmosphères profondes, envoûtantes, qui donnent une épaisseur presque adulte à sa musique de plus en plus riche. 
Gojira avance, évolue logiquement, change, laisse probablement quelques fans sur le bord de la route mais s’ouvre au monde comme un certain Metallica l’a fait en 1991... la comparaison n’est pas hasardeuse.

 

Tracklist de Fortitude : 
 
01. Born For One Thing
02. Amazonia
03. Another World
04. Hold On
05. New Found
06. Fortitude
07. The Chant
08. Sphinx
09. Into The Storm
10. The Trails
11. Grind

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