Le retour de Therion à une musique plus directe, enlevée et accrocheuse avec Leviathan, premier du nom, m’avait bien convaincu en début d’année dernière. Certes, il ne s’agissait pas de leur œuvre la plus ambitieuse, originale ou surprenante... mais les compos étaient sacrément bien fichues, efficaces et rappelaient les bons souvenirs d’une époque qui semblait révolue (depuis une dizaine d’années, le groupe m’avait nettement moins convaincu que par le passé). Nous voici un peu plus d’un an et demi après pour découvrir et déguster le deuxième volet de cette trilogie d’albums. Leviathan II confirme-t-il le come-back du combo suédois ? Eh bien... oui mais il y a des bémols.
Christofer Johnsson l’avait annoncé : Leviathan II sera plus sombre et mélancolique, dans une veine plus proche d’un album comme Vovin. En effet, cela se vérifie (en partie). Il y a même des compos qui ont des airs de titres sortis à l’époque... Marijin Min Nar, par exemple, évoque bien l’esprit sautillant et orientalisant de Wine Of Aluqah. Et comme dans l’album de 1998, on trouve un certain nombre de titres au tempo plus posé. Il y a aussi, cette fois-ci, une plus grande homogénéité. Cela peut être perçu comme une qualité, d’autres auront la sensation d’un disque peut-être un peu moins riche ou aventureux.
Je parlais de tempos tranquilles juste au-dessus mais quelques compos ont tout de même la bonne idée d’être remuantes ou enlevées. La concise Aeon Of Maat (avec son intro à l’instrumentation très Nightwishesque) qui ouvre l’album, par exemple. Lucifuge Rofocale, qui met les guitares un peu plus en avant et propose des voix plus agressives (choses rares sur cet album), fait également partie des pistes qui insufflent une certaine vitalité au disque. Ajoutons à cela les couplets de Marijin Min Nar et la première moitié de Midnight Star.
Pour ce qui est des quelques surprises ou morceaux qui se démarquent d’un reste assez homogène, on notera Litany Of The Fallen qui possède une rythmique plus complexe et s’affiche comme une compo aux aspirations plus progressives (avec pas mal de changements de tempo)... tout en restant très accessible, grâce à un focus important sur les mélodies vocales accrocheuses (de façon générale, j’ai le sentiment que le chant porte davantage l’album que les guitares ou instrumentations). Il y a une chanson que j’aime beaucoup, il s’agit de Pazuzu, une conclusion légèrement étonnante dans la mesure où l’on sent une orientation plus hard rock 70s (et pour cause, Johnsson et Vikström avaient d’abord écrit ce titre pour Alice Cooper). En plus, c’est le Suédois Erik Martensson (Eclipse, W.E.T.) qui se charge des couplets et il est excellent. Evidemment, les orchestrations et chœurs font que l’identité Therion demeure.
Le reste de l’album surprend moins avec du mid-tempo symphonique et lyrique mélangeant hard rock, mélodies pop (on connaît l’amour de Johnsson pour ce style) et metal. Le travail des vocalistes est à souligner (on retrouve notamment les fidèles Thomas Vikström, Lori Lewis et la chorale Hellscore), on remarquera qu’une place importante est accordée aux voix féminines (autre point commun avec Vovin). L’ensemble passe bien même s’il manque parfois de fraicheur, de singularité (il arrive qu’on ait l’impression d’avoir déjà entendu certains passages par le passé) ou de complexité (avec des titres souvent assez courts et immédiats). Le tout est agréable (et beau) mais pas toujours scotchant.
Bref, Leviathan II, c’est bien. Quand on a aimé le Therion de la fin des années 90 ou du début des années 2000, on ne peut pas passer un mauvais moment. Cependant, le cru 2021 me semblait plus équilibré et varié, plus percutant aussi. On a toujours de bonnes mélodies à se mettre sous la dent, des ambiances sombres ou mélancoliques bien rendues, des harmonies vocales ou chœurs travaillés (avec des chanteurs / chanteuses qui livrent de belles prestations) mais, maintenant que l’effet de surprise suscité par le premier volet est passé et vu que ce second épisode est moins rythmé et manque un peu de riffs qui claquent, un petit sentiment de "peut mieux faire" subsiste une fois l’écoute terminée. Je n’irai pas jusqu’à qualifier Leviathan II de grosse déception, il reste plus que convenable... mais il n’a pas - à mon sens - la brillance ou l’originalité des plus grandes œuvres du groupe, ni l’efficacité de la collection de "hits" sortie l’année dernière. Il offre tout de même de belles choses et reste plus divertissant que Sitra Ahra (avis personnel, toujours), plus "therionesque" (= classique) que Les Fleurs du Mal et nettement plus digeste que Beloved Antichrist.
Tracklist de Leviathan II :
01. Aeon Of Maat 02. Litany Of The Fallen 03. Alchemy Of The Soul 04. Lunar Coloured Fields 05. Lucifuge Rofocale 06. Marijin Min Nar 07. Hades And Elysium 08. Midnight Star 09. Cavern Cold As Ice 10. Codex Gigas 11. Pazuzu