Le guitariste Kristian Niemann nous l’avait annoncé lors de notre interview réalisée en 2022 au Hellfest : Sorcerer comptait bien sortir un nouvel album avant la fin de l’année 2023. La promesse est tenue puisqu’en cette fin octobre débarque son quatrième opus intitulé Reign Of The Reaper. Et il y a un peu de changement.
Au niveau du line-up déjà : le batteur Richard Evensand (membre fondateur) est parti. Cependant, il a enregistré ses parties avant de quitter la formation. Lorsque vous aurez l’occasion (qu’il faudra saisir) de voir Sorcerer en concert prochainement, c’est Stefan Norgren (Seventh Wonder) qui sera derrière les fûts. Changement plus notable et immédiat : le style musical. Sorcerer est considéré comme un groupe de doom épique... dans lequel de plus en plus d’éléments heavy metal sont venus se greffer au fur et à mesure des sorties. Avec Reign Of The Reaper, l’évolution des Suédois continue. Et j’en reviens à notre interview de 2022 où Niemann disait ceci : "Je pense que le prochain album sera un peu plus agressif et plus varié. Nous sommes catalogués comme un groupe "epic doom" mais je pense que cette description ne nous correspond pas vraiment. Nous sommes un groupe de metal et nous pouvons proposer de nombreuses choses différentes". Nous avons donc été prévenus. Là aussi, point de mensonge : les titres sont globalement moins doomesques et plus concis. Cinq pistes dépassent légèrement les six minutes, trois autres se situent entre quatre et cinq minutes alors que le groupe proposait régulièrement des compos de huit ou neuf minutes auparavant (sur ses deux albums précédents en tout cas : The Crowning Of The Fire King et Lamenting Of The Innocent), ce qui fait de ce quatrième effort le plus court (avec quarante-sept minutes au compteur) jamais sorti par ces messieurs.
Plus concis donc... mais aussi plus remuant. Oui, pour aller vite, on peut toujours dire que la musique de Sorcerer évoque un mélange de Candlemass et Black Sabbath période Tony Martin (je reprends le descriptif assez juste de mon confrère Orion dans sa chronique de l’album précédent) mais, cette fois-ci, certaines compos sont un peu plus musclées et le nombre de titres heavy a augmenté. Si vous avez apprécié des morceaux comme Sirens (sur The Crowning Of The Fire King), Hammer Of The Witches ou Institoris (sur Lamenting Of The Innocent), vous allez aimer Reign Of The Reaper. Alors que sur les disques précédents, vous trouviez un ou deux titres "costauds" (plus typés heavy metal) perdus au milieu de chansons plus lourdes, longues, lentes et mélancoliques, la tendance a changé en 2023. Car cette fois, une piste sur deux explore ce type de metal plus rythmé et conquérant. Dès le début, le ton est donné avec l’excellente Morning Star. Riff conquérant et épique sur son lit de batterie martiale, chant de haute volée (comme toujours avec Anders Engberg), solo qui tue, beau refrain... et un superbe final avec le riff de départ repris par des chœurs lugubres pendant que la batterie passe en mode double grosse caisse. Puissant.
Et donc, comme je vous le disais, Morning Star ne sera pas le seul titre à vous permettre de vous adonner au headbanging. Vous aurez le loisir de retrouver ce type d’énergie sur des morceaux comme Thy Kingdom Will Come, Curse Of Medusa (qui possède une touche orientale sympa) ou The Underworld (certainement la chanson la plus bastonnante jamais sortie par Sorcerer), tous épiques avec en commun de gros riffs puissants et une batterie plus massive, rapide ou costaude que sur les premiers albums du groupe. Les mélodies sont toujours classes et on se régale tant Engberg chante bien (en plus d’avoir une belle voix). Il y a plus de chœurs sur ce cru 2023 également. La production de l’album est soignée, rien à redire à ce niveau-là non plus. Evidemment, ceux qui veulent du doom ne sont pas oubliés. La chanson titre, en deuxième position dans la tracklist, rassurera immédiatement les auditeurs venus pour une musique plus sombre et pesante. Là aussi, l’écriture est de grande qualité, avec de belles mélodies... et le duo Niemann / Hallgren qui se livre à un échange assez passionnant (où la dextérité n’est pas en reste) au moment des solos. Le bassiste Justin Biggs apporte même une touche de noirceur supplémentaire en déposant quelques growls belliqueux. Unveiling Blasphemy et Break Of Dawn officient dans un style comparable et ne sont pas avares en mélodies classes et interprétation de haute volée. Mais le titre qui retient le plus mon attention est le magnifique Eternal Sleep. Lent, mélancolique, proche de la ballade sur son couplet, majestueux lors de son refrain, il remporte - à mon sens - la palme du plus beau chorus de la galette. Avec, encore une fois, un vocaliste en état de grâce.
Reign Of The Reaper est, d’après moi, ce que Sorcerer a sorti de mieux à ce stade de sa carrière. Certes, il navigue dans des eaux connues mais avec un talent d’écriture et d’exécution indéniable. Rien n’est à jeter. Cerise sur le gâteau, l’édition limitée contiendra Reverence, un EP de reprises sorti fin 2021 fort sympathique mais pas évident à se procurer physiquement (le groupe vendait quelques pressages CD lors de ses concerts... mais à part ça, il était essentiellement disponible de façon numérique). Mon vœu a donc été exaucé (dans ma chronique j’écrivais "j’espère que Metal Blade aura la bonne idée de l’ajouter en bonus dans une édition spéciale du prochain album de ces messieurs"). Merci !
Tracklist de Reign Of The Reaper :
01. Morning Star 02. Reign Of The Reaper 03. Thy Kingdom Will Come 04. Eternal Sleep 05. Curse Of Medusa 06. Unveiling Blasphemy 07. The Underworld 08. Break Of Dawn