Au vu de son parcours chaotique, ça fait bien plaisir de retrouver Phil Anselmo sur nos radars. On ne fera pas l’injure à nos lecteurs de rappeler la trajectoire du natif de la Nouvelle-Orléans, les glorieuses années 90 avec Pantera, l’excellent side-project Down en excellente compagnie puis la traversée du désert entre polémiques, conflits divers et variés jusqu’à ce geste regrettable qui lui a tant coûté (quand d’autres qui auraient commis le même semblent bénéficier d’un passe-droit, confirmant l’éternelle pratique du Fort avec les Faibles, Faible avec les Forts). Même si on le pressent toujours aussi tourmenté intérieurement, le garçon est résilient et a repris du poil de la bête en relançant "Pantera" qui en dépit des réserves liées à l’usage du nom du groupe sans les frangins délivre de sacrés shows depuis 2023. Le récent duo - improbable - avec Bruce Dickinson sur un Walk dantesque a marqué la capitale dans un concert par ailleurs d’excellente facture.
Aussi, depuis quelques années, Phillou avec des potes à lui (mais sans son accordéon) a monté un autre projet en hommage à sa grande passion pour le black, style qu’il a toujours défendu y compris à la grande époque Pantera. Dans Scour, il a organisé un cercle de poètes non disparus avec pour rappel Derek Engemann (Philipp H. Anselmo & The Illegals), John Jarvis (Nest, Agoraphobic Nosebleed), Mark Kloeppel (Misery Index) et Adam Jarvis (Pig Destroyer, Lock Up). Fondé en 2015 Scour a déjà publié trois EP chacun affublé du nom d’une couleur. Et oui, comme Picasso en son temps, Phillou a ses périodes colorées.
Après ces trois EP, Scour a décidé de sortir son premier vrai album. Déjà, première inquiétude, l’excellent Jean-Mich’Hell faisait remarquer que si les EP étaient bons, il n’y reviendrait pas forcément "pour son petit déjeuner". Et là, il faut s’envoyer non pas six titres mais treize pour une petite quarantaine de minutes. Bonjour l’indigestion. Parce que ça attaque pied au plancher, un petit roulement de batterie et hop un premier hurlement pour bien faire comprendre que nous ne sommes pas là pour s’amuser. L’ambiance est dark, horrifique, le black ici se fait... bourrin, agressif (que le lecteur me pardonne ce pléonasme). On va bien trouver un petit solo de Gary Holt (Exodus, Slayer) mais sinon une déflagration de black qu’on réservera aux amoureux du genre (pensées amicales pour l’estimé Azag). C’est sauvage, percutant avec un petit côté grindcore, un soupçon de thrash et de punk. Ici il n’y a guère de répit sur cette écoute un peu roborative pour le non initié que je suis avec une volonté de mixer des styles extrêmes dont je ne suis guère friand, ce qui n’arrange pas mon cas.
On recommandera donc ce premier disque à celles et ceux que les EP ont conquis. Pour les autres, on actera le retour aux affaires d’un Phil Anselmo dont on ne sait pas s’il est apaisé mais qui apparait impliqué, ne chante ma foi pas si mal (même si dans le cadre de Scour il éructe plus qu’il ne chante) et qui entre les Down, Pantera et donc Scour multiplie les projets de qualité. Il en propose en plus pour tous les goûts.