Nightmare, vétéran de la scène française (Waiting For The Twilight, son premier méfait, est sorti il y a quarante ans !), ne cesse d’avancer et de se réinventer. Encrypted, son douzième album, est là pour confirmer la phrase précédente et remettre les pendules à l’heure. Cependant, sa tâche n’est pas si aisée dans la mesure où il ne débarque pas après n’importe quel disque : Aeternam était - à mon sens - une très belle réussite qui surpassait pas mal de ses prédécesseurs (il s’agit pour moi d’un des meilleurs opus de la discographie de Nightmare et, en tout cas, du plus convaincant depuis The Burden Of God). La chanteuse Madie assurait et j’avais été emballé par la prestation du groupe lors du Hellfest 2022. Sauf que voilà, Madie a été remerciée... welcome Barbara Mogore (c’est quand même la troisième chanteuse en trois albums... la stabilité vocale n’est pas aisée depuis le départ de Jo Amore) ! Le reste du line-up n’a pas bougé, on retrouve l’inamovible Yves Campion (basse), la paire de guitaristes Franck Milleliri / Matts Asselberghs et le batteur Niels Quiais. Au programme du jour : neuf nouvelles chansons et le réenregistrement d’un morceau plus ancien. Que donne Barbara ? Et que valent ces nouvelles compositions ? Réponse ci-dessous. 

Le démarrage se fait avec Nexus Inferis. On le voyait venir avec son artwork rouge et sombre, Encrypted n’annonçait pas un adoucissement du propos... et ça se confirme avec ce premier titre : le heavy de Nightmare est toujours sacrément heavy ! Les influences thrash, ça n’est pas une nouveauté chez le groupe et on est ravi de les retrouver (ça riffe sévère)... l’ambiance est dark dès les premières secondes, quelque chose de menaçant s’approche, le son est costaud et de très bonne qualité... et ce titre qui alterne couplet rapide (avec double pédale) et refrain plus pesant (et accrocheur, on retient bien le "Am I a saint, am I a sinner") marque des points d’entrée de jeu. C’est metal, entraînant, costaud, bien arrangé (petit arrière plan sympho au moment du refrain qui lui donne un caractère épique bienvenu)... Et Mogore a un timbre de voix qui colle bien à l’ensemble, car plus "rugueux" que celui de Madie. Sans être un clone de Magali Luyten (sur Dead Sun), elle se rapproche tout de même plus de cette dernière que de Madie. Bref, ça démarre bien. 

Et ça continue encore mieux avec The Blossom Of My Hate qui montre bien la direction envisagée sur cet album. Elle est là, la petite évolution ! Excellent riff, rythmique en béton armé, lead plus mélodique... on sent poindre chez les Français une influence mélodeath, ce qui se confirme avec Barbara qui nous livre un chant growlé convaincant sur le couplet. C’est entraînant, bastonnant... et me fait penser à Arch Enemy. Si des touches plus extrêmes étaient parfois décelables chez Nightmare auparavant, il ne me semble pas qu’elles étaient autant exploitées ou assumées qu’ici. Barbara peut donc apporter cette dimension au groupe et elle le refera régulièrement tout au long du disque (un peu sur Saviours Of The Damned qui ne plaisante pas non plus niveau riffs qui déboitent et atmosphère épique, sur Incandescent également, un titre plus costaud bien représentatif de la nouvelle facette de Nightmare... et sur deux petits passages de Borderlines). Même le réenregistrement d’Eternal Winter s’est fait ajouter son passage growlé (par contre, je ne trouve pas que cette version fasse oublier l’original porté par l’excellent Jo Amore). N’allez cependant pas croire que Nightmare s’est transformé en groupe de death mélodique, vous retrouverez ses racines heavy metal sur des titres mid-tempo plus "simples" ou accessibles (comme Wake The Night ou White Lines). J’aime aussi beaucoup Voices From The Inside qui compte une intervention chantée de Matts le guitariste ainsi que des passages instrumentaux excellents, dont un à mi-parcours, avec cloches et guitares, dont le thème me rappelle un vieux (très bon) titre de King Diamond (The Exorcist, pour les curieux). 

Maintenant, la partie un peu plus délicate de la chronique : Encrypted a plein de qualités et j’aime beaucoup Nightmare. Il y a de nombreuses choses qui me plaisent ici et j’ai envie d’être emballé par cet album... mais malheureusement, malgré toute ma bonne volonté, je me rends compte qu’en cours de route, je perds un peu de mon enthousiasme. Un sentiment de (légère) déception s’installe et une fois l’écoute terminée, je ne suis pas aussi conquis que prévu. Et j’ai identifié le problème, du moins une partie de ce qui me pose souci. Et malheureusement, c’est le chant de Mogore qui, bien que loin d’être mauvais, fait - à mon sens - qu’Encrypted n’est pas tout à fait aussi percutant qu’il pourrait l’être. En effet, même si j’aime son timbre et le fait qu’elle apporte quelque chose de nouveau au groupe (et que je ne me permettrais pas de dire qu’elle n’est pas une bonne chanteuse), ses lignes sur les couplets ont tendance à se ressembler et je trouve qu’elles manquent de peps (je ne parle pas de son côté "evil" quand elle enclenche le mode "growl" mais plutôt de son chant clair qui ne m’emporte pas toujours). Avec un chant à la hauteur de la partie instrumentale et de la production, Encrypted aurait été un excellent album. En l’état, il est très solide (et a suffisamment d’arguments pour convaincre, notamment ceux qui ne partageront pas mon ressenti) mais me laisse un petit goût de frustration. J’avais été davantage conquis par Aeternam et suis donc un peu moins enthousiaste cette fois-ci. Cependant, chez Nightmare, le niveau reste haut et le groupe mérite attention et soutien. Je vous conseille donc vivement de jeter une oreille sur ce nouvel opus qui, bien que je ne le trouve pas incroyable, va vous administrer quelques classes bien senties... et avec une certaine classe. Certes, je ne trouve pas le disque parfait... mais - question rhétorique - n’écoutons-nous que des œuvres parfaites ?

Tracklist de Encrypted :

01. Nexus Inferis
02. The Blossom Of My Hate
03. Voices From The Other Side
04. Saviours Of The Damned
05. Wake The Night
06. Encrypted
07. Incandescent
08. White Lines
09. Borderlines
10. Eternal Winter (2023 Version)