Les années 2000 ont offert deux courants musicaux (dans la sphère
guitares) quelque peu contestés avec le Metalcore, naviguant sur les cendres de la scène
néo et intégrant des éléments de la scène death mélo de
Göteborg mais aussi la scène émo, plus apparentée au rock. Ultra moquée
pour son côté gothique aseptisé, l’appartenance à ce mouvement
était même reniée par les groupes eux-mêmes et My Chemical
Romance était mal à l’aise sur ce sujet. Pour tout ce petit monde, les
mèches étaient de rigueur et les fans d’émo y ajoutaient un look assez
référencé, poseur, aisément moquable. Les thématiques plus
émotionnelles étaient aussi raillées avec ce côté victimaire parfois
surjoué. Comme souvent, lorsqu’un nouveau courant émerge, on recherche les
précurseurs et le Green Day périodeAmerican Idiotme semble être le responsable (coupable ?). Un punk
énergique, catchy à souhait, simple en apparence mais bien troussé avec un sens du
hit imparable et des mélodies marquantes.
Mais dans chaque scène se cache du très et du moins bon (souvent
constitué de suiveurs arrivistes) et My Chemical Romance, en dépit
d’un déni étonnant tant ils incarnent ce style jusqu’à la caricature,
fait partie des pépites d’un genre par ailleurs très peu intéressant.
Déjà par ses qualités musicales, un sens du refrain imparable remarquable, mais
aussi un concept volontairement plus abouti avec un chanteur en mode Bruce Dickinson du
punk. Oui, Gérard Way n’a pas seulement une voix reconnaissable mais aussi
la volonté de proposer un concept audacieux, abouti et il y mettait tant de cœur à
l’ouvrage qu’il allait jusqu’à changer de look d’un disque à
l’autre pour mieux encore illustrer le thème du dernier disque. Pour cette Black
Parade (produit par Rob Cavallo, producteur historique derrière les
meilleurs disques de Green Day ce qui est tout sauf une surprise), la mèche a
été coupée, place à un look 100% gothique car oui, le sujet ici c’est
la mort. Un peu cliché et attendu mais porté par un type allant au bout du concept,
ça fonctionne. Surtout, les hits sont là : Dead! magistralement
enchaîné après une intro qui met dans l’ambiance avec un final qui peut
rappeler le Oasis des débuts ; The Sharpest Lives propose un refrain
classe mondiale ; Welcome To The Black Parade titre iconique du combo du New Jersey aux
faux airs de Bohemian Rhapsody. Hyper ambitieuse dans son format, excellemment construite avec
une intro parlée devenue culte (« My Father told me, one day I’ll leave you
… and join The Black Parade », sérieux je trouve que ça sonne bien
même s’il n’est pas certain qu’il faille le dire aux enfants pour citer
Marcel Pagnol) et un final grandiloquent. Le groupe a tout mis, n’a peur de rien
et, inspiration présente oblige, ça marche bien. Bien sûr, cela sonne très
rock mainstream, catchy, un peu facile par moments mais comme sur le disque précédent,
Three Chers For Sweet Revenge, on retrouve une capacité à pondre du tube,
idéal pour le modèle radio US. Le groupe avait d’ailleurs rencontré un grand
succès populaire mais critique aussi, ce qui mérite d’être signalé.
Alors qu’en ayant enchainé deux très bons disques My Chemical Romance
semblait avoir un boulevard (de la mort ?) devant lui, le succès du groupe a
décliné dans la même tendance que cette scène émo à laquelle il
n’aura finalement pu échapper. Un autre album, Danger Days: The True Lives of the
Fabulous Killjoys, bien que bien reçu, allait s’avérer le dernier, le groupe
arrêtant les frais en 2013, tout en précisant que cela n’était pas dû
à des problèmes relationnels internes. My Chemical Romance a cependant
acquis un statut culte avec un retour hyper attendu en 2019, temporairement retardé par la
situation sanitaire, mais alignant par la suite en 2022 des dates archi sold-out. Culte donc dans la
sphère rock bien évidemment. Et aujourd’hui, je ne serais pas surpris que My
Chemical Romance ait été la porte d’entrée vers le Metal pour
moult adolescents, comme The Offspring le fut pour l’auteur de ces lignes. Il y a
certainement un aspect régressif et post-adolescent dans cette scène punk mélodique
qui aura finalement duré une bonne décennie de Dookie à la fin des années 2000, mais il est
indéniable que cela a marqué une génération. Le succès actuel des Sum 41 (bien revenus), de The Offspring (Bercy)
et même de GreenDay, capable de blinder des Arenas, montre que
l’attachement reste présent. Et s’il est bien commode de moquer les looks
rétrospectivement (comme si les 80’s c’était la classe !),
c’était une époque où les guitares avaient encore leur place auprès du
grand public. Et sincèrement, il y a eu de bons disques, plaisants, référentiels
même pour certains. Et The Black Parade en fait incontestablement partie.