Voilà typiquement l'album que je n'attendais pas de la part de ce groupe... Green Day, comme beaucoup à l'époque, je l'avais découvert avec leur gros succès, Basket Case, tiré de leur troisième album, Dookie (1994). Puis j'avais trouvé l'album suivant, Insomniac (1995), pas mal du tout. Le suivant par contre (Nimrod, 1997), je n’ai pas aimé, et puis la mode est passée et j'ai lâché l'affaire. Et c'est près de dix ans plus tard, en découvrant un peu par hasard leur live Bullet In A Bible que j'ai été bluffé par les compos que j'entendais, en fait toutes celles extraites de cet album, American Idiot. Il n'en fallut pas plus pour que je me précipite acheter ce disque dans la foulée.
On dit parfois d’un disque qu’il est l'album de la maturité. Pour moi, American Idiot, c'est exactement ça. Le trio a ici changé son mode d’écriture et a pris le temps de composer de vrais morceaux, fouillés, pas uniquement basés sur trois accords qui se répètent, comme à son habitude. Et c’est presque un coup de bol, cet album. Green Day était en effet parti pour enregistrer des morceaux dans la lignée des albums précédents, pas excellents paraît-il, mais les enregistrements furent volés (?), et au lieu d’essayer de réenregistrer ces morceaux, le groupe décida d’en composer de nouveaux. Bien lui en a pris… Au niveau des textes aussi, on passe carrément à un autre monde. American Idiot est en fait un album concept puisqu'il relate les péripéties d'un personnage, Jesus Of Suburbia, qui arrive de sa banlieue pour chercher une vie meilleure en ville, qu’il ne trouvera pas. C’est aussi et surtout un hymne à la révolte (l’artwork est assez explicite à ce niveau), on y revient plus bas. Mais la surprise vient principalement du fait que musicalement, ce Green Day là ne ressemble finalement plus à celui que j'avais connu dix ans plus tôt. Si on peut encore parler de Punk Rock sur les morceaux American Idiot, Holiday (quel refrain !), She's A Rebel, Letterbomb et l'énergique St Jimmy, titres courts et efficaces, comme le trio avait l’habitude d’en composer, ce n'est pas le cas sur tout l'album.
Le groupe tente notamment une approche quasiment progressive avec des titres tels que Jesus Of Suburbia et Homecoming, tout deux de neuf minutes (du jamais vu chez Green Day, plutôt habitué à composer des titres de trois minutes) et tout deux découpés en plusieurs parties. Si le premier est une vraie réussite, le second apparaît nettement plus décousu. On y trouve d’ailleurs deux parties dont les paroles ont été écrites et sont chantées par Mike Dirnt (Nobody Likes You) et Tré Cool (Rock And Roll Girlfriend). En fait, il s’agit de l’un des tout premiers morceaux écrit pour cet album. Chaque musicien avait commencé à composer un titre court et en les assemblant tous, ils ont obtenu ce Homecoming. C’est donc un patchwork de plusieurs morceaux, d’où cette impression de titre décousu. Ce qui n'empêche pas qu'il s'écoute bien. Jesus Of Suburbia n’a pas ce problème (entièrement composé par Billie Joe Armstrong, comme le reste des paroles de l'album) et ses cinq chapitres forment une véritable entité cohérente. On voyage entre parties bien rock (I Don’t Care) et parties plus pop (Dearly Beloved) sans que l'on ait l'impression de changer de titre. Un morceau varié (sur la partie City Of The Damned, on peut même noter un emprunt de la mélodie du On With The Show de Mötley Crüe), on ne voit pas passer les neuf minutes. C’est très vite devenu mon titre préféré de l’album. Le groupe marque aussi sa différence avec les albums précédents avec deux superbes ballades : Boulevard Of Broken Dreams et Wake Me Up When September Ends (dotée d’une vidéo qui tient plus du court-métrage de fiction que du clip musical).
Le reste n’est pas mal non plus, entre l’hymne tout en douceur Are We The Waiting que l’on verrait bien scandé le poing levé sur les barricades, un Give Me Novacaine qui souffle le chaud et le froid, avec sa mélodie hawaïenne sur le couplet et son refrain nettement plus pêchu, un Extraordinary Girl entre pop et punk et un Whatsername qui conclut superbement cet album sans fausse note.
Le côté punk du groupe est aussi et surtout à retrouver dans les textes : à travers cette histoire, Green Day fait une critique assez acerbe de l’Amérique sous l'ère Bush (l’american idiot, c’est lui). Appeler son album American Idiot était déjà un beau doigt d'honneur. La chanson titre dit en substance qu’ils ne veulent pas que les Américains suivent comme des idiots un président encore plus idiot, représentant un pays détesté du monde entier. Bref, une diatribe parfaite pour définir l’Amérique de George Bush et qui résonne encore parfaitement dans l’Amérique de Donald Trump. Les Américains auraient peut-être dû écouter un peu mieux cet album pour ne pas refaire la même erreur…
L'album connut un gros succès, populaire et critique, il se plaça à la première position du billboard (une première pour le groupe) et reçut le Grammy Award de meilleur album rock de l'année. Une consécration pour Green Day, considéré jusqu’alors un peu comme un groupe d’adolescents attardés. Alors, Punk ? Rock ? Pop ? On s’en fout des étiquettes, American Idiot est un excellent album, varié et très bien composé, le meilleur de Green Day assurément à ce jour, et il serait vraiment dommage de passer à côté.
Tracklist de American Idiot :
01. American Idiot 02. Jesus Of Suburbia I. Jesus Of Suburbia II. City Of The Damned III. I Don't Care IV. Dearly Beloved V. Tales Of Another Broken Home 03. Holiday 04. Boulevard Of Broken Dreams 05. Are We The Waiting 06. St Jimmy 07. Give Me Novacaine 08. She's A Rebel 09. Extraordinary Girl 10. Letterbomb 11. Wake Me Up When September Ends 12. Homecoming I. The Death Of St Jimmy II. East 12th St. III. Noboby Likes You IV. Rock And Roll Girlfriend V. We're Coming Home Again 13. Whatsername
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