Artiste/Groupe:

Enslaved

CD:

Heimdal

Date de sortie:

Mars 2023

Label:

Nuclear Blast

Style:

Black Metal Progressif

Chroniqueur:

Ignatius

Note:

14/20

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Trois ans après un Utgard controversé, qui n’avait pas totalement convaincu les fans du groupe, Enslaved revient avec une nouvelle offrande, Heimdal et sa magnifique pochette. Enchanteresse et vicieuse, faite de faux semblants, de faux reflets mais malheureusement pas suffisante pour me faire plonger corps et âmes dans les mondes cachés qu’elle suggère avec tant de subtilités. Allons-y tout de go, Heimdal ne m’a pas transporté, resté sur le bord de cette route pleine de promesses, je n’ai jamais réussi à embarquer pleinement dans ce nouveau voyage sonore proposé par les maîtres Norvégiens.

Heimdal émerveille autant qu’il déçoit, tel Congelia qui semble n’aller nulle part, lancé sur un blast minimaliste qui fonce en aveugle, avant de dévoiler un final apothéotique que n’aurait pas renié le Bathory de Twilight Of The Gods, Heimdal est un album un peu décousu, un peu inégal qui voit se côtoyer sur toute sa longueur le désuet, l’oubliable et le sublime, plans anecdotiques et purs moments de grâce. A l’exception de Behind The Mirror, majestueux et captivant de bout en bout, les compositions de cette nouvelle offrande avancent avec trop d’hésitations. The Eternal Sea se noie durant deux bonnes minutes dans une intro sans réel intérêt pour se terminer, alors grandiose, sur une chevauchée épique et solennelle. Kingdom est magnifique pendant son auguste couplet aux relents Floydien et ses chœurs aériens mais se perd sur sa partie centrale qui n’en finit pas de tourner sur elle-même et de répéter à l’envi un riff loin d’être bouleversant. Enslaved est surprenant quand il laisse King Crimson désarticuler le riff introductif de Heimdal mais laisse indifférent quand il se fâche presque artificiellement sur Forest Dweller et son riffing black metal moins pertinent qu’il ne le fût jadis

Côté production c’est évidemment parfait, propre, clair, puissant mais à l’écoute de ses anciens albums je me demande si Enslaved ne sonnait pas mieux avant de rejoindre  Nuclear Blast. Il me manque ce son plus approximatif, plus rugueux qui donnait tout leur caractère à des œuvres comme Below The Light ou Vertebrae par exemple, ce petit supplément d’âme hérité d’un passé black metal aujourd’hui totalement absent de la musique du groupe. Grutle a beau continuer de croasser dans son micro pour tenter de rappeler ces sombres échos d’antan, ce passé est désormais révolu, ce feeling spécifique a disparu et le groupe devrait peut-être s’en délester définitivement pour assumer pleinement ses envies progressives et atmosphériques. Car s’il excelle dans ces registres, force est de constater qu’il n’a plus l’impact d’antan quand il veut paraître méchant. N’est-il pas temps de déposer ces armes là et d’aller enfin explorer plus profondément les territoires qui sont effleurés ici avec une classe folle et un talent insolent. Même si le groupe semble désireux de ne jamais trop s’en éloigner Frost, Eld et Mardraum appartiennent désormais au passé, glorieusement ancrés dans leur époque. Cette agressivité ne va plus si bien à ces Vikings plus mystiques que guerriers et l’approche musicale qui est aujourd’hui la leur ne la justifie plus vraiment. Enslaved était impérial quand il était bouillonnant, il est aujourd’hui immense quand il est beau.

Heimdal est un bel album, nous parlons d’Enslaved, mais il me laisse au final le même sentiment que son prédécesseur, l’impression d’avoir entre les mains une œuvre lisse, tiède et bridée par ses propres créateurs, l’album d’un groupe qui n’ose pas s’affranchir de ses racines extrêmes, comme l’a par exemple fait Opeth il y a maintenant longtemps pour s’envoler librement vers des territoires musicaux plein de promesses. Enslaved, audacieux parmi les audacieux, franchira t-il ce dernier cap ? Je l’espère, ils semblent avoir encore tant à dire…

Tracklist de Heimdal :

01. Behind The Mirror
02. Congelia
03. Forest Dweller
04. Kingdom
05. The Eternal Sea
06. Caravans To The Outer Worlds
07. Heimdal

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