Groupe culte de la scène hardcore, Biohazard a connu un destin fulgurant et fait figure de comète de la scène hardcore primitive si on veut bien m’accorder cette formule. Car oui, si le groupe est depuis revenu et continue de délivrer shows et nouveaux disques, c’est vers cet Urban Discipline, pierre angulaire du style sorti en 1992, que le souvenir de Biohazard renvoie. Formé en 1987, soit un an après l’accident de Tchernobyl (d’où le patronyme retenu selon moi), Biohazard nous venant de Brooklyn, développait d’emblée une culture typiquement urbaine de cette époque et symbolise parfaitement la fusion entre hardcore, metal et des éléments d’une scène rap alors naissante. C’était dans l’air du temps et le paroxysme de ces fusions sera atteint de l’autre côté des USA avec Rage Against The Machine qui décrochera la timbale en plus d’un tube éternel. D’abord trio puis devenu quatuor avec le recrutement du guitariste chanteur Billy Graziadei rejoignant le bassiste chanteur Evan Seinfeld, le guitariste Bobby Hambel et le batteur Anthony Meo.
Nos quatre mousquetaires du hardcore allaient pondre ce que certains considèrent comme un des plus grands disques de hardcore avec Urban Discipline dont le patronyme culte renvoie aux thématiques chères à une scène profondément urbaine. Dans un contexte porteur, Biohazard obtint un contrat chez les surpuissants Roadrunner et cet Urban Discipline se vendra à plus d’un million d’exemplaires, bien soutenu il est vrai par un MTV alors tout puissant (et qui ne faisait donc pas que dans le hard rock !!). On retrouve ici ce qui sera la scène hardcore new-yorkaise, riffs de guitares tranchants et chant rappé avec refrains scandés, chœurs très travaillés. Le résultat est hyper efficace, hautement fédérateur, même si à la réécoute on voit bien que la / les scènes hardcore ont plus que durci le ton ; mais à l’époque, c’était révolutionnaire, efficace et Biohazard était alors de tous les bons coups. En plus, les thématiques urbaines avaient le vent en poupe, les émeutes liées à l’incident Rodney King appuyant des revendications qu’elles soient sociétales ou raciales dans une Amérique post-Reagan torturée et victime de ses contradictions. Petit détail, sur le morceau Punishment, la phrase est tirée du film The Punisher avec Dolph Lundgren (inoubliable Drago dans Rocky IV comme chacun sait !).
Intégrant un système qu’ils pourfendaient par ailleurs, les musiciens de Biohazard quittèrent Roadrunner pour Warner Bros Records, publièrent un qualitatif State Of The World Address mais déjà le vent avait tourné, et ça allait bien vite alors. Bobby Hambel plia les gaules en 1995, Evan Seinfeld se lança dans une carrière d’acteur dans la série Oz (mais aussi dans une carrière plus underground avec Madame) et pour tout dire, Biohazard n’a plus proposé grand-chose d’intéressant depuis cette époque malgré une reformation en bonne et due forme et des shows événementiels basés sur cet Urban Discipline preuve à la fois de la grandeur de ce disque mais aussi de l’incapacité du groupe à reproposer quelque chose de vraiment qualitatif depuis. Symbole d’une époque où hardcore, metal et rap se mélangeaient à loisir, préfigurant alors une scène néo qui n’en sera finalement que la version kitsche, Biohazard fut un groupe majeur dans un contexte a posteriori étrange entre contestations sociales et ultra-capitalisme consumériste sur fond d’effondrement soviétique. Le destin des musiciens de Biohazard, rebelles et contestataires d’un système qui dans un paradoxe magistral allait les rendre riches et célèbres, laisse a posteriori sceptiques mais finalement en dit long sur une époque. Reste un excellent disque de hardcore, percutant et vieillissant plutôt bien. Et d’une importance capitale pour toute une scène.