Lors de ma chronique du précédent album du grand, que dis-je, du titanesque Alice Cooper, je m’étais laissé aller à une digression sur l’état de nos dinosaures du hard rock. Deux ans et demi plus tard, ma conclusion est toujours la même : heureusement qu’il est là, notre Alice. Sacré lui, quelle forme, quelle énergie à son âge ! Parce qu’on ne dirait pas comme ça, à entendre sa voix impeccable mais il a déjà 75 balais ! Et que dire de son rythme de travail ? On parle quand même d’un type qui, entre 2010 et aujourd’hui, a sorti cinq albums (plus deux avec les Hollywood Vampires), cinq live (plus un avec les Hollywood Vampires), deux EP et qui n’a dû s’arrêter de tourner que pendant deux jours et demi, grand max. Pas de retraite au programme : notre première ministre serait bien fière de lui.
Donc, quand il nous annonce il y a quelques mois que son groupe et lui bossent sur deux albums, au fond, ça n’étonne personne. Il n’a pas reparlé du deuxième album depuis, mais voilà déjà le premier : Road. On nous annonce un pur album de hard rock composé par à peu près tout le monde qui parlerait de la route -bien vu, ça- et des tournées. Rien de bien révolutionnaire en somme, pas de Welcome To My Nightmare 3, mais si c’est de la même trempe que Detroit Stories, alors ça me convient parfaitement.
Niveau pochette, ça n’est pas du tout de la même trempe, en revanche. En effet, si celle de la galette précédente était, il faut le dire, très moche -mais je l’aime bien quand même-, cette petite nouvelle est plus sobre, plus réussie. En ce qui concerne les singles, en revanche, Alice a fait un choix bizarre. Je me souviens encore de ma semi-déception à la mi-juin quand I’m Alice était sortie... Non pas que le titre soit mauvais, j’ai même fini par l’apprécier mais... je sais pas, il me manquait un petit truc. Le riff du deuxième single, White Line Frankenstein, m’avait bien botté, j’étais déjà plus enthousiaste. Et le petit dernier, Welcome to the Show m’avait totalement convaincu. De toute façon, quoiqu’il arrive, j’attends toujours les albums du Boss avec une sacrée impatience !
Petite critique d’entrée de jeu, histoire d’être vilain tout de suite : il aurait mieux valu que ce disque sorte à un autre moment. En effet, j’aurais préféré pouvoir me repaître de cette galette tout l’été, notamment sur la route des vacances. Là, c’est la rentrée, ça s’adapte moins à la situation, c’est presque dommage. Et c’est franchement tout ce que je peux reprocher à ce Road. Tout le reste est impeccable, du moins pour l’humble petit disque de hard rock que cet album prétend être. L’on pourrait à la rigueur pester contre le nombre un peu élevé de titres -je suis un partisan du "dix titres, pas plus"- mais j’aurais bien du mal à supprimer quelconque chanson de la liste... Même l’espèce de "ballade" un peu pop, Baby Please Don’t Go, est très agréable à écouter, j’adore quand l’ami Alice chante en voix claire et pas avec sa voix éraillée tellement caractéristique (le meilleur exemple de sa carrière demeure Only Women Bleed, bien entendu).
Tiens, parlons-en, d’Alice : il est impérial, comme d’habitude. Sérieux, vous pouvez me citer ne serait-ce qu’un seul chanteur dont la voix a aussi bien vieilli ? Il sonne exactement comme dans les 70’s, c’est assez fou. Et le tout sans fioritures, sans bidouillages. Respect ! Pareil sur scène. Et il demeure un monstre de charisme, un type admirablement humble et sympathique. Ecoutez-le parler de son groupe, des étoiles dans les yeux, c’est presque attendrissant. Après, faut admettre que quand t’as le zinzin multi-instrumentiste Tommy Henriksen ou la magnifique et super "badass" Nita Strauss dans ton équipe, t’as de quoi être fier ! A noter d’ailleurs qu’ils ont tenu à ce que l’album soit le plus dépouillé possible, sans overdubs et compagnie -Bob Ezrin et son amour du grandiloquent ont dû être frustrés, d’ailleurs- pour montrer à quel point le groupe est bon.
Et ce sera difficile de mieux le montrer qu’avec ces chansons, assez variées et franchement réussies. Tiens, prenez les bons p’tits rocks que sont All Over The World et son saxo sexy, Big Boots -ce piano de bar qui porte le super refrain, quel bonheur- ou Rules of the Road : comment résister à leur simplicité, leurs paroles assez marrantes ou leurs refrains qui tuent ? Pas difficile d’imaginer le public les chanter en cœur lors de la prochaine tournée (qui a déjà commencé, évidemment, il avait peur de s’ennuyer après celle des Vampires, qui s’est terminée fin juillet...). Mais si vous préférez les trucs un peu plus heavy, Alice a pensé à vous : écoutez donc le gros riff très Zakk Wyldien de Dead Don’t Dance ou The Big Goodbye, très heavy rock ! Il semblerait aussi qu’il a décidé de lancer un nouveau petit machin. En effet, après avoir repris son propre Detroit City sur l’album précédent (le morceau original était sorti sur son album de de 2003), c’est cette fois-ci le Road Rats de Lace and Whiskey -un album pas aussi nul qu’on veut bien le dire- qui a le droit à une nouvelle version, un peu musclée. Si j’apprécie le morceau de base sans grand plus, cette réinterprétation est une belle réussite. J’espère qu’il continuera ce nouveau délire de reprendre des titres passés inaperçus. Mais ce n’est pas la seule reprise de l’album, puisque Road se conclut sur une chouette version hard rock du non-moins chouette Magic Bus des Who. Très cool ! Même si j’aurais peut être préféré que tout ça se conclue sur l’ambiance un peu mélancolique de la très joie 100 More Miles. M’enfin, hein, je pinaille.
J’ai beau réfléchir, j’ai du mal à trouver un vrai défaut à cet album : tout les morceaux sont au minimum sympas, y’a de chouettes riffs (tiens, le riff très bluesy de Go Away, par exemple), des refrains à brailler, des paroles souvent marrantes à défaut d’être merveilleuses, une belle pochette, des invités prestigieux (on parle de Tom Morello, de Roger Glover ou de Kane Roberts) et le Patron qui patronne. Pourtant, je ne sais pas, il me manque un petit quelque chose pour m’extasier, mais allez savoir quoi... Peut être que voir ces morceaux sur scène m’aiderait à mettre le doigt sur le problème ? Pas sûr, mais ce serait dommage de m’en priver, non ?
Habituel aparté : j’ai évidemment investi quelques deniers dans l’édition CD de l’album, édition deluxe de surcroit. Et, tout comme en 2021, je vous recommande de vous jeter sur celle-ci les yeux fermés parce qu’en plus d’être plutôt jolie, elle contient un dvd/blu-ray du concert du groupe au Hellfest de l’an dernier, avec une setlist particulièrement géniale (je vous renvoie à ce que mon estimé collègue Blaster en avait dit dans son report). L’occasion de découvrir d’autres morceaux du Coop’, si vous ne le connaissez pas encore bien et de passer un excellent moment avec moult tubes et des musiciens au top si vous êtes fan..