Ca n’aura échappé à personne : on est en 2021 et le hard rock n’est
plus vraiment le genre le plus prolifique du monde. J’en veux pour preuve qu’on a encore un
peu de mal à discerner qui seront les prochains groupes fédérateurs. D’aucun
diront qu’on n’en trouvera plus vraiment, je fais même partie de ces fameux
"d’aucun". Ca n’empêchera pas de chouettes disques de sortir et de bons groupes de
pointer le bout de leur nez, bien entendu. Mais l’époque des légendes est bel et
bien révolue. Mais ces fameuses légendes, sont-elles encore pertinentes ?
Je ne parle pas de live, ce n’est pas la question. Je parle albums. Réfléchissons
aux grands, aux légendaires. Ont-ils su vieillir ? Led Zeppelin, c’est fini depuis 1980, problème
réglé. Itou pareil pour Thin Lizzy après la mort de Lynott. AC/DC vivote, mais est mort artistiquement au début des
90’s. Aerosmith n’a rien sorti depuis l’un peu chiant
Music From Another Dimension en 2012. KISS est mort artistiquement en 1992, après le
génial Revenge. S’ils sont sympathiques, leurs deux derniers albums
n’ont franchement rien de vraiment palpitant. Je ne parlerai pas de Queen,
puisque techniquement l’album avec Paul Rodgers -pas mal au demeurant- ne compte
pas vraiment. Scorpions, dites-vous ? Ca remonte à quand,
leur dernier excellent album ? 1990, en gros... Bon Jovi ? Depuis Keep the Faith, c’est mort aussi
! Def Leppard ? Mort depuis 87 ! Metallica ? Oh, vous voulez vraiment en parler ?
Constat pessimiste, je l’admets. Mais force est de constater que ces messieurs, aussi
extraordinaires eussent-ils été, n’ont plus grand chose à dire. Pas bien
grave, ils nous ont bien gâtés au fil des années. Attention, je précise que
je ne souhaite en aucun cas nier leur discographie fabuleuse ou leur importance, je n’ai
cité que des artistes que j’adore ou que je vénère carrément. Mais. Il
y a deux artistes légendaires qui ont su rester pertinents. Le premier, tu l’auras
deviné si tu lis assidument mes chroniques -et j’ose espérer que c’est le cas
: c’est Deep Purple. Je ne suis pas le plus grand fan du
groupe, mais Whoosh! faisait partie de mon top 2020 et il tourne encore
régulièrement sur la platine.
Le deuxième, tu t’en doutes après cet interminable liminaire, c’est Alice Cooper. J’ai hésité à citer Whitesnake aussi, mais pas aussi légendaire que les
artistes que j’ai cité... Alice Cooper, donc. Légende parmi les
légendes, un des plus grands sieurs de notre douce musique. Carrière longue comme un jour
sans pain, un tas d’excellents disques au compteur, un paquet de styles abordés et,
surtout, aucune trahison à la cause. Pas de Load, pas de Risk, pas de Eye
II Eye, pas de Hot Space. Alors oui, il a eu une période difficile au
début des années 80, en rapport avec ses gros problèmes avec la bouteille, mais il
ne nous a jamais trahis. Toujours prêt à prendre des risques, à se transformer,
à évoluer, à muer, tel le boa constrictor -hihi- : du hard 70’s, des
concept-albums perchés, du hard US, de l’indus... Il a tout essayé et est un des
rares à pouvoir prétendre avoir sorti au moins un très bon disque par
décennie. Incroyable. Un peu d’humilité tout de même, histoire de flinguer ma
réputation de chroniqueur : je connais assez mal la carrière du bonhomme, je m’y
mets tout doucement, je me régale.
Bref. Revenons à 2021. Après une suite réussie à son Welcome to my
Nightmare et un très chouette Paranormal, autant te dire que j’avais assez
hâte de poser mon oreille sur la nouvelle cuvée Cooper. Cela dit, je ne me
suis pas jeté sur les singles, j’ai attendu patiemment l’album. J’ai un petit
faible pour les pochettes d’Alice, je l’avoue. Si certaines sont sympas,
elles basculent assez souvent dans le mauvais goût (coucou Raise Your Fist), et cette
nouvelle n’échappe pas à la règle. Disons-le, elle est moche. Mais, le fan de
comics que je suis ne peut s’empêcher d’y trouver un petit parallèle avec
Batman et son Bat-Signal : corrompu par la musique de merde, le monde allume le Rock-Signal et Bat-Alice
va tous venir nous sauver !
Et c’est exactement ça, cet album ! 15 titres, 55 minutes de rock à
l’état pur. Un bien joli rocher. Si j’aurais tendance à trouver l’album
trop long et trop chargé, l’incroyable diversité des titres et leur durée
ultra courte -on est sur du trois minutes en gros- font que tout passe à la vitesse de la
lumière et qu’on a envie de relancer la galette dès la fin de East Side
Story. Pas mal. Sans compter qu’en plus, il n’y a pas vraiment de mauvais titres ou
de fillers. Tout s’écoute avec plaisir et est bigrement accrocheur : dès la
deuxième écoute, on se surprend à déjà connaître les refrains.
15 titres, ça fait beaucoup, mais la qualité fait qu’on les retient tous, quel
plaisir ! Bob Ezrin fait, faut-il vraiment le préciser, des merveilles à
la production, comme sur le dernier Deep Purple, tiens ! Côté musiciens,
on note la présence de monsieur Bonamassa sur deux titres et des membres du
Alice Cooper Group sur quelques morceaux, notamment sur le déjanté I
Hate You, où ils se passent le micro pour se lancer des vannes. On sent qu’ils ont
bien dû se marrer à enregistrer tout ça.
Je l’ai soulevé brièvement, la grande qualité de l’album est sa
diversité. Rien que sur la première moitié de l’album, on passe d’un
vieux rock 60/70’s (Rock & Roll) à des ambiances punks (Go Man Go),
en passant par de la pop ou du pure blues (Drunk and In Love). Alice et ses
compères ont voulu, semble-t-il, dresser le portait le plus exhaustif possible de toute la
richesse musicale de la ville de Detroit à son âge d’or. Ainsi, en plus de toutes les
déclinaisons possibles du rock, on trouve même un morceau typé funky, à
grands renforts de cuivres, parce que Detroit, c’est aussi la Motown, merde ! Quel que soit ton
type de rock favori, il y a fort à parier que tu trouves ton bonheur sur cette galette.
Parlons d’Alice lui-même, c’est un peu lui, notre champion. Je suis
totalement abasourdi par la qualité de sa voix. Il approche des 75 ans et sa voix n’a pas
bougé d’un pouce ! Il chante tout aussi bien que pendant sa jeunesse, c’est vraiment
bluffant. Pas besoin de bidouillages en tous genres, pas d’autotune dégueulasse. Chapeau
bas, monsieur Furnier !
Un mot enfin sur l’édition physique, vu que j’ai acheté cet album, tu sais
que j’aime bien en parler pour râler. Et ce n’est pas ce que je vais faire ici, je
vais plutôt saluer earMusic, qui a sorti un très chouette produit : l’édition
deluxe. Cette dernière se présente sous la forme d’un beau digipack. Si le livret
n’est pas des plus réussis, le label a eu l’excellente idée de rajouter un
excellent dvd live ! Et je ne parle pas là du sempiternel live Wacken auquel Nuclear Blast nous a
habitués, oh ça non ! En effet, c’est le Paranormal Evening qu’ils
nous proposent là, soit un concert en salle, l’Olympia en plus, bien mis en scène,
bien filmé, bien capté, le tout avec une excellent setlist, qui couvre toute la
carrière de notre Coop’. Au top du top ! Si tu décides
d’acheter l’album, je te conseille évidemment de te rabattre sur cette édition
!
Résumons : on a un album foutrement solide, ultra varié, méga accrocheur,
qu’on a envie d’écouter en boucle, avec un chanteur qui semble ne pas vieillir
d’un pouce et dont la sympathie en interview me fera toujours chaud au cœur. Bon ben
voilà, mon premier coup de cœur de l’année 2021 ! Et si en plus tu prends
l’édition avec le DVD... Merci, Alice. Merci de me faire mentir en
montrant qu’il y a encore des vieilles légendes qui savent être plus que pertinentes
!
Tracklist de Detroit Stories :
01. Rock & Roll 02. Go Man Go 03. Our Love Will Change The
World 04. Social Debris 05. 1000S High Heel Shoes 06. Hail
Mary 07. Detroit City 2021 08. Drunk And In Love 09.
Independence Dave 10. I Hate You 11. Wonderful World 12.
Sister Anne 13. Hanging By A Thread (Don’t Give Up) 14. Shut Up And
Rock 15. East Side Story