Avec l’ébouriffant show de Terror au cœur de ce bouillant été 2022, j’étais partiellement rassuré sur le bon retour de la scène hardcore. Confirmation ce soir avec un Connexion qui affiche complet. Ce n'est certes pas surprenant vu la qualité de l'affiche proposée mais quand on sait que pas mal de shows continuent d'être annulés faute de préventes suffisantes, cela fait plaisir. Les Californiens de Stick To Your Guns connaissent un bon succès qui se maintient et, comme lors de leur dernière venue sur notre territoire, débarque avec un plateau relevé. On avait eu les excellents Get The Shot (qui au passage viennent de sortir un nouvel album) et ce soir on a encore droit à du très lourd.

Soulblind

On commence pourtant par un petit détour du côté de la scène alternative avec Soulblind, originaire de la vallée de l'Hudson dans l'Etat de New York. Alternative car si on trouve bien quelques gros riffs solides, le tout sonne très grunge. J'ai beaucoup pensé à Silverchair des débuts ce qui ma foi est très agréable. Le look des musiciens aux longues chevelures renvoie également à cette inoubliable scène et rappelle que, décidément, la musique reste parfois une affaire de cycles. Le rendu est plutôt bon, ça tient la route, très facile à appréhender et la demi-heure permet à Soulblind de montrer l'étendue de ses compétences. Bien que ce premier show démarre à 19h (encore trop tôt diront certains !), la fosse est déjà bien remplie, le bar présente déjà des files d'attente, bon début de soirée donc.

Landmvrks

On attaque enfin la musique hardcore avec les Marseillais de Landmvrks. Premier étonnement (positif) pour moi, le succès du groupe. Hyper réceptif, connaissant les paroles, le public met le feu dans un show très participatif. La scène est prise d'assaut, le fluet chanteur Florent devant même jouer les maîtres slammeurs, le tout avec un sourire barrant le visage de musiciens semblant se régaler. Démarrant avec le marquant riff de Lost In A Wave lançant ainsi à merveille les hostilités, la fosse ne débranchera pas entre circle-pits, slams, et participations actives sur les passages scandés. Landmvrks bénéficie déjà d'une excellente réputation (méritée) et embrase le Connexion. Si je suis parfois perplexe devant cette capacité à passer de passages hip-hop à des gros breaks hardcore bien costauds au sein d'un même morceau, cela sonnant parfois trop moderne pour le jeune quadra que je suis, le résultat est d'une remarquable efficacité, le temps file à une allure folle. Un très bon show, hyper énergique, enthousiasmant.

Knocked Loose

On passe encore un cap en intensité avec le groupe le plus attendu de la soirée, les phénomènes du Kentucky Knocked Loose. On sent bien au passage que leur dernier show au Hellfest n'est pas passé inaperçu, beaucoup les attendant. Dès le démarrage, on sent que les guitares ont passé un cap en terme de brutalité. C'est méchamment costaud et au chant, avec sa voix éraillée aiguë si caractéristique, Bryan Garris rappelle qu'il est un des meilleurs frontmen de la scène hardcore. Point qui m'avait échappé, je ne retrouve pas Cole Crutchfield à la seconde guitare et apprendrai post-show qu'il a quitté le groupe courant 2020 (non sans avoir participé à la composition du dernier EP paru courant 2021) sans que j'en sache la raison. On sait que le garçon aime aussi la country comme l'avait prouvé son très recommandable projet solo Eastwood. Très impliqué dans la création, il sera intéressant de voir comment va évoluer Knocked Loose sans lui.

Côté show, c'est un carnage, une énergie démente parcourt une fosse incroyablement remuante. Le public toulousain avait déjà impressionné Scott Vegel, hurleur en chef des géniaux Terror, ce soir c'est un "this concert is sick" que confiera un Bryan Garris très présent en dépit de problèmes de micro par ailleurs bien gérés. La déferlante d'hymnes hardcore fait mal avec toujours ce registre à cheval entre hardcore classique, influences metalcore, quelques riffs à la Slayer le tout bien modernisés. Faisant partie d'une nouvelle vague bien brutale et développant encore plus les différentes dimensions d'un hardcore revisité, Knocked Loose écrase tout sur son passage. On voit quelques corps bien fatigués quitter le pit rincés alors que le groupe continue de matraquer un auditoire heureux. Il fait une chaleur de dingue dans la salle bondée du Connexion, Knocked Loose a frappé fort. Définitivement une des meilleures formations hardcore. 

Stick To Your Guns

L'intensité est redescendue d'un cran avec les Californiens de Stick To Your Guns. Pourtant, les musiciens se démènent et font le job. Avant de monter sur scène, la sono envoie Take On Me de A-ha. Bien que délicieusement nostalgique, cette chanson est totalement incongrue dans un tel contexte. Il y avait déjà eu High Hopes de Pink Floyd juste avant Terror, cela semble donc devenir un petit rituel dans la scène hardcore, le démarrage sous forme de contre-pied. Mon sympathique voisin a eu cette jolie formule "c'est le massage dans le dos avant la grosse mandale in your face !". Il y a de ça en effet, le groupe déboulant ensuite tambour battant. Bon concert des Américains même si, comme déjà exprimé plus haut, l'ambiance est fun, on reste en deçà de celles pour Landmvrks et encore plus comparativement à celle de Knocked Loose. Stick To Your Guns sort en ce moment un nouvel album qui méritera qu'on s'y intéresse même si STYG me semble moins convaincant en studio qu'en format live (enfin, cette dernière remarque vaut pour à peu près toute la scène hardcore).

Grosse soirée hardcore qui fait plaisir en ces météos automnales. Le Connexion a pris cher. Encore une fois, quelle satisfaction de voir que le concert a fait le plein, que la scène hardcore tourne bien avec un public très présent, participatif et heureux de se défouler. Alors que la programmation du prochain Motocultor vient de tomber, bonne surprise d’y retrouver une bonne présence de formations hardcore. En s'incrustant via le public Metal (coucou le Hellfest), le hardcore a réussi son coup, élargit son auditoire et bénéficie clairement d'une bien bonne dynamique. Excellente nouvelle pour un style salutaire en ces temps troublés. Avec toujours ce sentiment qu'il y a un aspect cathartique dans ces concerts. On en sort avec le sourire en tout cas dans cet étrange paradoxe entre la brutalité proposée et la bienveillance d’une immense partie de l’audience. Et aussi la confirmation que si la Ville Rose reste avant tout une ville de Rugby, le hardcore y a une bien belle place et un public incroyable.