Groupe:

Step In Fluid

Date:

23 Juin 2019

Interviewer:

dominique

Interview Harun

Salut Harun, je suis Dominique et je représente le webzine AuxPortesDuMetal. Step in Fluid, c’est qui, c’est quoi ?

Harun : Salut. Tu veux que je te parle de la genèse ? C’est un groupe qui a commencé il y a une dizaine d’années. Tu le sais peut-être, je suis guitariste compositeur au sein du groupe Trepalium, un groupe metal un peu hybride qui contient du chant. Comme j’aime bien les nouvelles recettes, et que j’aime bien aussi la musique instrumentale, j’ai eu envie de faire de la prog, mais de la prog accessible, lisible, pas trop complexe, genre couplet refrain, mais sans le chant.

Vous avez fait un premier album il y a neuf ans, une éternité. Pourquoi avoir pris aussi longtemps entre les deux albums ?

Harun : Franchement, ce n’est pas une histoire de page blanche. Après avoir sorti le premier album, je n’aimais pas trop le rendu scénique. Donc on n’a pas trop tourné. Et avec nos autres projets, Trepalium pour moi et Klone pour Florent (Marcadet) et Aldrick (Guadagnino), on est reparti en tournée chacun de notre côté. Ça a coupé l’élan et on n’a pas pu remettre le couvert rapidement. En 2015, ça m'a démangé de re-travailler sur le projet. J’ai maquetté pendant 15 jours, j’avais déjà un titre qui avait été écrit sur des riffs issus du premier album, puis le reste est venu de ces deux semaines de travail. Je me suis retrouvé du coup avec pas mal de claviers sur l’ordi et j’ai contacté Gérald (Villain). Il a pleinement contribué à l’écriture de l’album, il est venu avec deux titres et il a beaucoup travaillé sur les arrangements, sur les sons et en préproduction. Il s’est vraiment beaucoup impliqué dans la compo de l’album.

Est-ce que, du coup, cela implique une teinte un peu différente du second album ?

Harun : De facto oui ; mais tout de même l’esthétique générale était déjà présente. Quand je compose, ce n’est pas qu’un amas de riffs en vrac. Il y a déjà du clavier, des nappes. Par exemples il y une partie des claviers que j’ai programmée avant et qui n’a pas été jouée. Gérald, lui, a proposé d’autres trucs, des solos de guitare ou de clavier. Mais surtout il a apporté un titre comme "The Stranger" qui donne une couleur bien spécifique.

Dans ce cas, vous échangez les rôles ?

Harun : Oui c’est ça. Moi je suis arrivé en tant qu’arrangeur et co-compositeur en proposant par exemple le dernier riff de guitare très lourd. Ça a été facile. Quand je lui ai proposé de faire partie du groupe en lui envoyant mes premières compos, il m’a dit oui et m’a renvoyé le lendemain la base de "The Stranger", sur laquelle j’ai travaillé pour lui renvoyer le sur-lendemain une version avec mes touches personnelles. Ça a été très rapide.

Le line-up a changé un peu entre les deux albums. Est-ce que cela risque de changer encore dans le futur ?

Harun : Ah non, non, c’est nous cinq, les quatre du début avec Gerald en plus… Enfin je dis ça, mais va savoir si on ne voudra pas faire un EP avec des fluides vocaux, ou vouloir travailler avec un autre type d’instruments. Même si maintenant avec les ordis, tu arrives à intégrer des choses sans forcément faire appel à des personnes externes. On verra, surprise.

Mais le public ne devra pas attendre neuf ans avant d’entendre le prochain ?

Harun : Non, c’est juste le contexte qui a voulu ça. Je te disais que ça a été composé en 2015 pour ne finalement sortir qu’en 2019. Florent s’est blessé l’épaule, puis il est parti en tournée après sa guérison. Du coup on a simplement repoussé. Et peut-être qu’heureusement que cela s’est passé comme ça. Je pense que sans ça, l’album aurait été plus brut, plus proche du premier album. Du coup, on a pu beaucoup travailler sur les arrangements ; Gerald a été assez pervers en rajoutant plein de trucs pour densifier l’album de façon évidente.

Tu dis avant que l’album est relativement simple ; moi je ne trouve pas, je ressens quand même une grosse complexité, du volume, ça part dans plein de directions différentes.

Harun : C’est vrai, il y a beaucoup d’univers, mais cela reste accessible. Ce n’est pas du jazz-rock ou du prog avec des titres hachés très longs. Il y a toujours des refrains par exemple, il y a tout le temps un groove qui peut se danser, qui apporte un mouvement rythmique. C’est assez joli, ça apporte des couleurs, de la beauté harmonique sur deux plans, mélodie et refrain. Ce que je cherche à faire, c’est un peu une prog accessible. On aurait la capacité pour que cela soit beaucoup plus fou. Mais ce n’est pas dans nos goûts et ni dans notre objectif. Il y a de la retenue voulue finalement ; tu peux écouter ça de façon légère, juste mélodiquement ou alors profiter des strates musicales, chercher comment les appuis, les notes et les harmonies sont liés comme dans "The Funk Boat Dance". C’est vrai que si tu te penches sur le travail de Flo à la batterie, et que tu regardes comment il s’approprie un titre, où il place ses temps forts, ses moulins, ses breaks, ça pourrait me faire mentir, mais la volonté du format chanson entre trois et cinq minutes permet de rester « simple ».

Le fait qu’il n’y ait pas de chanteur, ça change le processus créatif ?

Harun : Bien sûr. Tu te retrouves avec des thèmes musicaux qui ont quelque chose à raconter. Il va falloir le faire mélodiquement et rythmiquement. Parfois si tu as un chanteur, tu ne vas pas chercher la profondeur. Tu vas rester plus en surface, parce que tu veux donner une place au chanteur. Là, sans chanteur, ça redonne plus de place aux instruments. La musique va pouvoir réagir autrement. Ce n’est pas une fin en soi que de servir un chant.

J’ai cru comprendre que l’album était partiellement (totalement ?) couvert par du crowd funding. Comment cela s’est passé et pourquoi avoir utilisé ce type de financement ?

Harun : Oui, c’est ça, on a fait un Ulule. Ça a bien fonctionné et ça a permis de tout payer et de vite retourner en bénef. C’est un système qui est cool. Ça reste de la précommande ; si l’auditeur aime bien et veut voir l’album sortir dans de bonnes conditions, il peut acheter l’album en anticipation. Ce n’est pas de la mendicité. Les débiles qui ne comprennent pas le système et qui crachent dessus se trompent.

Est-ce que cela met de la pression ?

Harun : Tu es dans le souci de bien faire, donc oui, c’est une forme de pression. En plus si l’album ne sort pas, il faut rembourser. Tu n’as pas intérêt à claquer tes tunes en bouffe, quoi. Ce n’est pas tes tunes. Et ce n’est pas que la musique. C’est des T-shirts, des posters. Tu as un devoir envers celui qui commande, c’est bien. Et ça nous a permis de remettre un pied à l’étrier sans stress.

On est au Hellfest, toi tu es là depuis deux ou trois jours. Tu es passé sur scène avec Trepalium. Est-ce que tu penses qu’un projet comme Step In Fluid aurait sa place ici ?

Harun : Je pense que c’est possible, il y a des groupes progs genre Dream Theater qui se produisent. Par contre, il y a de nos morceaux plus hip-hop, lounge ou world qui pourraient en surprendre plus d’un [rires]. Je pense que ça peut faire un peu bizarre. Et comme ce n’est pas une musique de show... Avec Trepalium, on mouille le maillot. L’ambiance proposée par Step est assez éloignée. Ce sont des considérations assez débiles, mais que je me suis déjà posées. On est déjà passé cinq fois ici avec Trepalium, est-ce que je pourrais venir avec Step ? En fait, on n'en a rien à foutre, si on t’invite, tu viens et tu joues en fait. Je ne vois pas dans quelle mesure on pourrait se faire lyncher. Ça pourrait même être plutôt intéressant. Les côtés « metalisés » de Step font que, je pense, cela pourrait passer dans un festival avec une culture rock. A réfléchir. Et puis ça reste compliqué sur scène dans un festival. Rien que l’installation du clavier, il faut compter 35 minutes, comme pour la batterie. Et la nature de l’album fait qu’on ne peut pas interpréter les titres sans cette logistique.

Cela veut dire que vous n’allez pas tourner ?

Harun : Si, on a déjà une date en septembre et puis quelques-unes qui seront bientôt confirmées pour 2020. On espère pouvoir en faire entre 15 et 30. Le truc c’est que, malgré le succès de l’album, tu te pointes, tu n’as rien fait pendant huit ans, le promoteur, il se pose forcément des questions...

The Necromancers, Trepalium, Klone… c’est une grosse source metal poitevine, c’est grâce à un truc spécial ?

Harun : Il y a eu un attrait de la jeunesse pour la musique grâce au Confort Moderne, une salle qui existe depuis environ 30 ans et qui a permis à plein de groupes locaux et internationaux de passer. En plus, il y a plein de bars qui proposent des scènes pour jouer. Il y a des acteurs qui en ont profité, comme auditeur avant et maintenant comme artiste. Et du coup, Trepalium, Klone, Carpenter Brut, on est un peu les grands frères des groupes comme The Necromancers. Nous montrons que l’on peut venir de là et faire des concerts partout dans le monde ou alors tourner avec Gojira.

Et le fait d’être le régional de l’étape, ça aide pour le Hellfest ?

Harun : Ouais, on n’a pas besoin de louer de camion [rires]. Non sans blague, il n’y a pas de copinage. Si tu n’as pas d’album, t’es simplement pas invité. La dernière fois qu’on a joué, c’est en 2012 sur un EP qui avait bien fonctionné. Par contre c’est un tremplin incroyable. Quand tu te tapes 80 dates avec Trepalium, tu fais un seul concert au Hellfest et t’as eu plus de spectateurs en une fois, c’est aussi simple que ça. Tu fais trois fois plus de promo pour la sortie d’un album, mais sur un seul week-end.

Merci Harun, tu nous dis un petit mot pour la fin, pour nos lecteurs ?

Harun : un petit mot ? Step in Fluid soutient Aux Portes du Metal !

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