Une fois de plus, je vais m’appesantir sur un groupe et un album qui est à la frontière entre le metal et autre chose. Ce coup-ci ce sera le dernier album des suisses de The Young Gods, bande historique qui a sorti 13, ou 14 albums studio si on compte l’exceptionnel In C (mais j’y reviendrai). Quatorze albums studio, un seul chroniqué, que dis-je, encensé, sur ce site (L’Eau Rouge), signe que ce groupe garde un pied dedans et un pied en dehors des portes du metal. Il a pourtant déjà été invité au Hellfest, où j’ai eu la chance de les interviewer en 2019 et de voir un concert de leur tournée de l’excellent Data Mirage Tangram (DMT).

En 2025, c’est pour Appear Disappear que le trio helvétique se retrouve sur notre site. Un album qui est aux convergences de leur passé rock électro-indu et de l’approche encore plus hypnotique prise sur DMT et amplifiée à son maximum sur In C. Le titre éponyme de l’album et les deux titres suivants, Systemized et Blue My Way, ouvrent Appear Disappear et le mettent sur des rails tel un train lancé à pleine vitesse. On est happé dans l’univers des The Young Gods, comme aspiré par leurs influences musicales. C’est à la fois radicalement rock-metal comme  souligné par les riffs proposés de Appear Disapear, profondément indus et effréné comme la rythmique et les incrustations sonores du génial Systemized ; rythmique encore plus valorisée par le calme apparent de l’énoncé des paroles. Un mélange qui donne la base du progressif Blue My Way. Cette frénésie est rompue avec l’excellent Hey Amour. Titre majuscule, Hey Amour est construit sur les bases de DMT. Tout y est, le côté hypnotique de la batterie millimétrée de Bernard Trontin, les mélodies soulignées par les sons électros de Cesare Pizzi ainsi que la guitare à la fois sale et mélodique de Franz Treichler, mise en valeur par sa voix chaude et énigmatique. Blackwater est de la même veine, mais ici l’univers du groupe s’exprime avec plus de douceur et plus de groove.

Le résolument électro progressif Tu en Ami du Temps, offre une pause hors du temps. A la fois spatial, épuré, le titre est régulièrement secoué par une batterie martiale et des riffs rageurs. Très intéressant. Intertidal apporte une touche résolument méditative ; les connotations hindoues rappellent d’autres titres d’albums précédents des jeunes dieux. Le duo Mes Yeux de Tous et Shine That Drone nous ramène aux bases électro-rock du début de l’album. Les deux titres redonnent une vigueur un peu en sommeil à la seconde partie de Appear Disappear. Ici encore la rythmique chirurgicale imprimée par la batterie et soutenue par les boites à rythme et les incrustations sonores, donne une impression de stress tout juste entrecoupée par la voix chaude et les riffs de guitare de Treichler. L’album se clôt par les l’OVNI électro-progressif Off The Radar. Un titre qui résume bien l’univers à la fois étrange et expérimental du groupe.

Vous l’aurez compris, même si ce n’est pas mon album préféré des The Young Gods, je me sens résolument bien dans l’univers musical proposé. Et pour ceux qui, comme moi, sont intéressés et attiré par le concept musical, je vous conseille vivement de regarder le documentaire ci-dessous que The Young Gods a fait pour leur travail pour In C, une œuvre musicale et expérimentale composée en 1964 par l’américain Terry Riley. Le documentaire se termine avec l’enregistrement de In C en live ; mais avant, vous aurez le loisir de voir ces grands enfants s’égarer et faire leur marcher au Swiss Museum for Electronic Music (SMEM). Un docu essentiel pour comprendre le travail des The Young Gods et leur conception de la musique. Et pour ceux qui sont convaincus, le groupe tourne actuellement en France pour ce Appear Disappear, avec encore dans le programme des visites à Nantes, Lille Paris, Dijon, Montpellier, La Rochelle, Rouen et Strasbourg.