Artiste/Groupe:

Sum 41

CD:

Heaven x Hell

Date de sortie:

Mars 2024

Label:

Rise

Style:

Skate-Punk

Chroniqueur:

ced12

Note:

19/20

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C’est l’Histoire d’un Groupe qui a presque tout connu : un phénoménal succès, de multiples crises existentielles entre musiciens starifiés trop vite, départs fracassants, un déclin artistique avec des disques moins réussis puis un retour aux choses sérieuses, des albums de meilleure qualité jusqu’à cet excellent Order In Decline qui voyait un Sum 41 inspiré. Tout ce parcours peut être résumé à la trajectoire personnelle de son attachant leader Deryck Whibley, charismatique, torturé qui avait quelque peu perdu le fil, pris dans une médiatisation délirante notamment dans sa relation avec Avril Lavigne transformant nos deux en people faisant les délices d’une presse à scandale. Sum 41 a eu plusieurs vies d’abord pop-punk puis après s’être un peu perdu dans un registre plus mièvre a vu une évolution vers une formule plus percutante, plus metal même. Cette évolution, très réussie, est due à une exigence du guitariste Dave Baksh, parti en 2006, et exigeant à son retour en 2015 ce changement de registre. Grâce lui soit rendu car il a offert une seconde vie à Sum 41, le tout permis par un Deryck à la santé certes fragile mais au talent intact. Mention spéciale aussi à Frank Zummo, batteur à la frappe percutante et efficace et qui a bien aidé à durcir la musique des canadiens. 

Enfin tout cela ne doit pas occulter le fait que Sum 41, quoi qu’on en pense, c’est la bande-son d’une époque, celle du début des années 2000, mises en image avec les deux American Pie, iconique et décrivant une Amérique sympathique, gentiment trash et au combien positive. Usés par tout ce parcours, les musiciens désormais apaisés et redevenus très solidaires ont décidé d’arrêter le groupe et de passer à autre chose non sans un dernier cycle album – tournée. Et pour se faire, le groupe a choisi d’honorer l’intégralité de son parcours avec un double-album avec chaque face reprenant les deux « vies » de Sum 41, un premier pop-punk en mode fan-service et un second plus enlevé dans la lignée du dernier Order In Decline le tout bien connecté par la voix si caractéristique de Deryck, point de repère de Sum 41. Ainsi présenté, il n’est plus nécessaire de commenter le titre de l’album renvoyant à ses deux faces du groupe jusqu’à presque les opposer même. 

Ainsi, l’ouverture de ce double-album Waiting On A Twist Of Fate sonne comme une piste cachée de la BO d’American Pie 2. Sérieux on s’y croirait, et le clip mettant en avant un décor d’un improbable Punk Rock Museum confirme bien les velléités du premier skeud ici présenté : revenir au son d’origine, ce punk à roulette aussi léger que fun, 100% enthousiasmant. L’effet nostalgie marche à fond et le titre est excellent, dynamique à souhait, hyper énergique. Sum 41 assume totalement l’entièreté de son parcours et ça ne sonne pas fake, au contraire, c’est un vrai petit bonheur d’écoute et on ne se sent même pas coupable. Landmines continue dans la même veine en ressortant du placard les mythiques skateboards, là encore une vidéo régressive mais hyper fun qui m’a aussi fait penser à celle, 100% 90’s pour le coup, de l’inoubliable 1979 des Smashing Pumpkins. Non décidément, on bascule dans une espèce d’hypothétique Retour Vers le Futur IV (tant qu’à ressortir les références pop-cultures du XXème siècle) avec les années 2000 remises à l’honneur. Il est évident que ce ne serait pas sain sur la durée mais Sum 41 nous dit au revoir alors la démarche fait sens. Honnêtement, on l’aurait probablement regretté s’ils ne l’avaient pas fait. Et puis c’est super bien fichu, la qualité est bien présente alors franchement on prend. Ce Heaven porte bien son nom en recréant une époque révolue et offrant un moment certifié 100% nostalgie mais d’une qualité remarquable. Les moments forts s’enchaînent après ces deux singles déjà haut de gamme. Time Won’t Wait propose un excellent refrain, Future Primitive possède un côté Offspring (dont on retrouve une apparition de Noodles dans la vidéo de Rise Up) très prononcé qui permet une belle connexion avec une autre formation culte. Bad Mistake semble probablement avoir un sens pour son leader et là aussi, gros refrain 100% Sum 41. On n’échappe pas à la ballade Radio Silence, bon pas le Sum 41 que j’apprécie le plus mais ça fonctionne et puis ça fait partie de l’histoire du groupe qui en a pondu des très réussies (Never There, Pieces). Façon aussi de finir en douceur ce premier disque qui aura par ailleurs été mené tambour battant. 

La partie Hell semble plus grave avec cette première piste Preparasi a Salir dont le titre en italien appelle à se « préparer à partir » et semble ainsi faire écho au départ du groupe. La première phrase prononcée « I’ve never felt so alive » semble confirmer que le groupe est dans de bonnes dispositions ce qui ne semble pas toujours avoir été le cas. Le son se durcit en tout cas sur cette seconde partie, le ton général se fait plus adulte, plus grave. Les morceaux qui suivent rendent plus grâce au Sum 41 plus récent, tout aussi bon, plus metal et tout aussi intéressant. On quitte les territoires du souvenir pour une approche plus percutante, un Sum 41 plus nerveux. Rise Up, proposé de longue date en single, confirme bien ce ressenti. Même si on retrouve bien Sum 41, la production elle aussi épouse ce changement de registre et c’est un voyage de deux décennies, celui d’une carrière, que nous offre cette transition entre ces deux disques. Les guitares de Stranger In These Times sont bien plus véloces. Over The Edge confirme aussi l’excellence du batteur qui a permis au groupe de monter en intensité. House Of Liars, très enlevé, confirme que ce Sum 41 est tout aussi bon que celui des débuts. La reprise punkisée de Paint It Black est une belle réussite, joli petit Easter Egg. 

Le dernier morceau dénommé How The End Begins n’est bien sûr pas anodin et peut rappeler dans un autre registre le définitif Louder Than Words du dernier disque (quasi posthume après le décès de l’inoubliable claviériste Rick Wright) de Pink Floyd avec un dernier message aux fans et une volonté assumée et maîtrisée de marquer une vraie fin. La classe des Grands. Le problème est que tant de groupes, et pas des moindres, sont revenus après avoir annoncé des tournées d’adieu alors forcément, on est tenté de prendre cette même annonce de Sum 41 avec une certaine légèreté. « Ok ils sont sympas les canadiens, sans doute sincères dans l’instant présent mais on ne me la refera pas». Sauf qu’ici, on est bien obligés de se rendre compte que beaucoup d’indices permettent de confirmer que « voilà c’est fini » comme le chantait Jean-Louis Aubert

Pour ce(s) dernier(s) disque(s), Sum 41 a fait le job. Et du sacrément bon. On restera un peu sur la réserve sur cet adieu, chat échaudé craignant l’eau froide, le dernier exemple de Slayer rappelant que le scénario le plus probable lors d’une tournée d’adieu est un come-back à plus ou moins brève échéance. Pas grave, on s’en moque un peu pour tout dire, on verra bien et tout retour serait de fait une belle surprise (avec un petit sourire narquois de bonne guerre au passage). Profitons de ce disque, de cette tournée et surtout c’est une bonne occasion pour saluer un groupe au parcours aussi remarquable que chaotique mais attachant et qui en plus offre à ses membres un joli final, apaisé, serein et qualitatif ce qui reste le plus important. Evidemment, on se dit que Sum 41 en a encore (sacrément) sous le pied même si on ne peut s’empêcher de penser à la constitution fragile d’un Deryck. Que ce dernier prenne soin de lui et il fera bien ce qu’il veut. Il ne manque pas de talent et n’aura pas de problème à retomber sur ses pieds. Mais s’il pouvait garder une guitare à porter de poignet, j’en connais un paquet qui en serait très heureux. Double-album très réussi, cadeau pour les fans, madeleine de Proust pour toute une génération et superbe rétrospective d’un groupe trop mésestimé parce que trop populaire à ses débuts. Groupe très attachant qui fini(rai)t ainsi sur une superbe note. Et une belle tournée d’adieu à venir en plus pour laquelle les musiciens semblent très motivés. Une sortie par la très grande porte.

 

Tracklist de Heaven x Hell :

Heaven:

01. Waiting on a Twist of Fate
02. Landmines
03. I Can’t Wait
04. Time Won’t Wait
05. Future Primative
06. Dopamine
07. I Could Use Some Help
08. Bad Mistake
09. Johnny Libertine
10. Radio Silence
 

Hell:

11. Preparasi a Salire
12. Rise Up
13. Stranger in These Times
14. Don’t Need Anyone
15. Over the Edge
16. House of Liars
17. You Wanted War
18. Paint It Black
19. It’s All Me
20. How the End Begins

 

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