Artiste/Groupe:

Rammstein

CD:

Mutter

Date de sortie:

2001

Label:

Motor Music Records

Style:

Rammstein

Chroniqueur:

ced12

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A la toute fin des années 90, Rammstein est dans une position assez impressionnante. Les deux premiers albums ont cartonné commercialement et les critiques, bien que clivées, sont globalement bonnes. L’arrivée d’Herzeleid fut un véritable choc, bien aidé en apparaissant dans le Lost Highway de David Lynch avec quelques titres absolument impressionnants : le morceau éponyme bien sûr mais les Asche Zu Asche, la géniale ouverture Wohlt Ihr Das Bett In Flammen Sehen ? ou encore Du Riechst So Gut offraient un mélange de metal indus (alors en vogue avec Nine Inch Nails) d’une puissance rarement vue auparavant (et aussi rarement ressentie depuis !). Le chant en allemand, très peu pratiqué dans le Metal allemand, marquait une vraie différence et le résultat, original, détonnait vraiment. Quelques critiques ne manquaient pas au passage. Ça chante en allemand sur des rythmiques martiales, l’accusation (franchement caricaturale) de nazisme pointait. Surtout en Allemagne étonnamment car les membres du groupe sont originaires d’ex-Allemagne de l’Est et les musiciens furent tous membres des Jeunesses Allemandes Libres (obligatoires sous ce régime jusqu’à la chute du Mur de Berlin en 1989). Il faut cependant admettre que le groupe ayant un goût prononcé pour la provocation, cela a pu leur jouer des tours. Le sujet reste cependant sensible outre-Rhin et Rammstein posait sans doute problème par son non-conformisme et surtout renvoie l’Allemagne à ses démons. On reconnaîtra volontiers que les allemands pratiquent un humour douteux et pas franchement politiquement correct. Le bassiste racontait qu’en grandissant dans un tel environnement, il fallait bien développer un peu d’humour pour tenir le coup. A mon sens, on doit tout de même rappeler ce passé chez nos musiciens pour mieux en comprendre certaines attitudes. Aussi, des voix jugeant des paroles jugées simplistes, une musique qualifiée parfois de "basique" se firent entendre. Qui dit succès dit critiques, c’est un fait bien connu. Sehnsucht, plus abouti, ne fit qu’enfoncer le clou avec là encore des singles imparables (Du Hast, Engel). Le succès fut encore au rendez-vous y compris aux States. Les performances live firent sensation le groupe révolutionnant le format concert avec une utilisation du feu absolument incroyable (et générant beaucoup de difficultés, beaucoup de salles n’autorisant pas la pyrotechnie). Tout cela est bien connu aujourd’hui mais à l’époque, peu de groupes en faisaient autant et un Kiss réputé pour ses shows fut vite dépassé en termes de spectacle proposé. Evidemment, les critiques ne manquaient pas sur ce groupe se réfugiant derrière son show pour masquer une musique indigente.

Malgré ces réserves, le groupe avait donc le vent dans le dos pour utiliser une expression cycliste et c’est en pleine confiance que le groupe s’attelait à leur troisième album, moment clé dans une carrière à cette époque. Rammstein se retrouvait devant une grande pression avec la possibilité de basculer dans le camp des Géants ou bien ne devenir qu’un gros potentiel n’ayant pu confirmer. Le suspense est un peu en bois quand on voit ce que le groupe est devenu vingt ans après mais à l’époque, la question était légitime. 

Le plus impressionnant alors fut le choc de ce Mutter. Car c’en fut un. Rammstein avait encore évolué délaissant son côté indus pour aller vers quelque chose de plus épique, plus abouti, plus majestueux et pour un résultat à mon sens supérieur. Le son est littéralement hallucinant tout le long avec des guitares écrasantes et dévastatrices (le riff de Mein Hertz Brennt). Idem pour la rythmique, écrasante, précise. On a l’impression d’être dans une immense salle de concert alors qu’on écoute juste un CD. La tracklist est juste incroyable avec perles sur perles. Links 2 3 4, Sonne, Ich Will, Feuer Frei ... que des bombes. Le groupe propose un concept basé sur une vie humaine avec la naissance et ce cœur qui bat en ouverture avant le riff majestueux de Mein Hertz Brennt. Le groupe en profite aussi pour régler son compte aux accusations de nazisme avec Links 2 3 4Till n’hésite pas à chanter "ils veulent que je sois de Droite, mais quand je regarde mon cœur, il est à Gauche" (traduction approximative mais c’est l’idée). Certes, c’est encore fait avec la provocation d’usage et toujours ce goût du paradoxe (encore un aspect à avoir en tête selon moi pour appréhender Rammstein tant Till aime à passer ainsi ses messages). Ce disque est tout simplement incroyable, doté d’une production démente et parfaitement tenue du début à la fin. 

Rammstein aura encore droit à des participations cinématographiques (certes moins prestigieuses avec le film XXL) mais le succès sera au rendez-vous surtout en Europe où le groupe passât ce fameux cap évoqué plus haut. Aux USA, ce sera l’échec. Une réelle distance se créera entre les allemands, pourtant volontaires à leurs débuts pour s’y imposer, et le marché US que Rammstein délaissera par la suite non sans, au passage, exprimer son sentiment sur le sujet. Un mot rapide sur les live de la tournée : là encore, un cap de franchi avec des shows toujours plus spectaculaires et des performances profondément marquantes. Avec ce Mutter, Rammstein a proposé son meilleur disque (à ce jour va sans dire), un authentique chef d’œuvre, un album incroyable qui se paie en plus le luxe de vieillir à merveille.

 

Tracklist de Mutter :

01. Mein Hertz Brennt
02. Links 2 3 4
03. Sonne
04. Ich Will
05. Feuer Frei
06. Mutter
07. Zwitter
08. Spieluhr
09. Rein Raus
10. Adios
11. Nebel

 

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