Deux ans pile après To Kill To Live To Kill, première partie de l'adaptation d'un roman horrifique écrit par le chanteur Lars Larsen, les power metalleux danois de Manticora sont de retour avec sa suite : To Live To Kill To Live. Raconter une histoire sur tout un disque est devenu une véritable spécialité - voire la marque de fabrique - du groupe puisque ce neuvième opus est son sixième concept album. Tuons immédiatement le suspense : bonne nouvelle pour ses fans, Manticora fait preuve d'une belle constance et livre un album puissant, intense, sombre et technique. Mauvaise nouvelle pour ceux qui ont plus de mal à accrocher au groupe : bien que quelques progrès soient détectables ici ou là (on en parle dans quelques instants), voilà une œuvre typiquement manticorienne qui risque de ne pas vous séduire davantage que les précédentes (mais rien n'étant sûr, je vous conseillerais tout de même d'y jeter une oreille, le travail abattu étant remarquable)... 

On le sait, le power metal de Manticora est dense, rapide, dark, inclut des influences progressives tout en flirtant régulièrement avec le thrash... et même avec des styles plus extrêmes, par petites touches, notamment sur l'album précédent. Tous ces éléments sont évidemment au programme du jour. Ce qui peut parfois poser problème avec la musique des Danois provient justement de sa densité et sa vélocité qui, quand elles sont développées sur un album long (ce qui était le cas il y a deux ans, l'opus en question durant soixante-dix minutes), peuvent finir par fatiguer (voire assommer). Cette fois-ci, ça passe un peu mieux car pour le même nombre de pistes (douze), le disque n'excède pas les soixante-trois minutes... ce qui n'est pas court, j'en conviens, mais notons tout de même ce petit effort de concision (en plus, le morceau d'ouverture est une pièce de quatorze minutes... la durée moyenne des autres pistes est donc plus raisonnable que la dernière fois et contribue à rendre l'ensemble plus digeste). 

La galette commence avec un morceau conçu pour vous en mettre plein la vue (ou les oreilles plutôt) dès le départ. Katana est de retour, divisé en deux parties (The Moths And The Dragonflies et Mud), et synthétise en un peu moins de quinze minutes à peu près tout ce que le groupe peut ou sait faire. C'est simple, tout est là : l'ambiance dramatique (les premiers instants sont riches en arrangements angoissants), les riffs assassins, les soli mélodieux et inspirés, une exécution à la rapidité décoiffante (on retrouve d'ailleurs, en tant que véritable membre du quintet cette fois-ci, le monstrueux Suédois Lawrence Dinamarca - du groupe Loch Vostok - à la batterie), des changements en veux-tu en voilà (une accalmie et même de la narration en milieu de parcours), des mélodies épiques, quelques passages terrassants hérités d'une forme de metal plus extrême... n'en jetez plus ! Tout cela est évidemment servi par une maîtrise instrumentale stupéfiante et la production puissante et moderne de Jacob Hansen. Il faut pouvoir digérer un tel premier assaut, reprendre ses esprits... Heureusement, l'agencement de l'album est bien pensé car, en guise de deuxième piste, on a le droit à To Nanjing, un instrumental de deux minutes aux mélodies asiatiques, assez posé, idéal pour souffler et être d'attaque pour le heavy progressif rouleau compresseur de The Farmer's Tale Pt 3 - Eaten By The Beasts. 

Ce qui est bon avec ce disque, c'est que l'intensité ne faiblit pas en cours de route. Le début est fort et intéressant mais la suite se montre, à mon sens, encore plus efficace. Il y a, bien sûr, des speederies imparables, dotées de mélodies qui se rapprochent dangereusement du niveau démontré sur l'inégalé 8 Deadly Sins, comme Slaughter In The Desert Room (qui voit intervenir la chanteuse coréenne June Dark), Katana - Death Of The Meaning Of Life (une tuerie) ou Tasered - Ice Cage. Mais pour rendre l'aventure plus variée ou aérée et ne pas perdre l'auditeur en chemin, le groupe a bien pensé à insérer des compos différentes (comme la mélancolique, progressive et mélodiquement séduisante Goodbye Tina, un instrumental calme et intriguant nommé Stalin Strikes ou la narration en japonais Ten Thousand Cold Nights) qui permettent de mieux apprécier les autres plages plus déchainées. La conclusion Katana - Beheaded remet le power speedé à l'ordre du jour et offre d'excellentes parties instrumentales (dont un solo de guitare très Helloweenien, les guitaristes Kristian Larsen et Stephan Johansson se surpassent sur cet album... et ça fait plaisir de retrouver le super bassiste Kasper Gram, officiellement de retour au bercail). Reste que je ne suis toujours pas fan de la voix de Lars Larsen mais bon, depuis tout ce temps, je crois que je m'y suis fait... et le bougre chante avec une conviction indéniable. 

To Live To Kill To Live est une belle suite à l'album précédent et ne déçoit pas, bien au contraire. Tous les éléments qui constituent l'identité de Manticora s'imbriquent très bien ensemble et forment un tout riche mais cohérent. L'écriture de Larsen et de ses compagnons se montre très inspirée ici et, surtout, malgré la complexité, la noirceur de l'ensemble et la variété des influences balancées dans le mix, elle met en valeur des mélodies qui accrochent l'oreille.... ce qui fait que ce neuvième opus, plus prenant et séduisant que d'autres travaux du groupe, pourrait bien figurer parmi ses meilleurs. Si vous êtes fan du genre, ce disque doit être écouté et creusé... mais soyez prévenu, il faut être disponible et en forme ! Cette proposition vous demandera quelques petits efforts (vous êtes face à une musique complexe et exigeante assez éloignée de la formule "riff simple, couplet, refrain" mémorisée en une écoute) mais le jeu en vaut la chandelle. 
 

Tracklist de To Live To Kill To Live :

01. Katana - The Moths And The Dragonflies - Katana - Mud
02. To Nanjing
03. The Farmer's Tale Pt 3 - Eaten By The Beasts
04. Slaughter In The Desert Room
05. Through The Eyes Of The Killer - Filing Teeth
06. Katana - Death Of The Meaning Of Life
07. Tasered - Ice Cage
08. Goodbye Tina
09. Tasered - Removal
10. Stalin Strikes
11. Ten Thousand Cold Nights
12. Katana - Beheaded