1978. Les quatre membres de Kiss sortent d’une tournée énorme,
ponctuée par un nouvel album live (Alive
II). Le succès du groupe est à son apogée. Mais Paul Stanley, Gene
Simmons, Ace Frehley et Peter Criss n’ont pas arrêté depuis
la création de Kiss à enchaîner albums et tournées et ils ont
besoin de souffler, pour apaiser les tensions qui commençaient à se faire sentir au sein du
groupe. Cependant, ils ne vont pas rester inactifs puisqu’ils vont profiter de cette pause pour
enregistrer chacun un album solo, qui vont tous être édités simultanément sous le
label Kiss. Une initiative totalement inédite de la part d’un groupe, qui va
bien sûr émoustiller tous les fans de Kiss. Une bonne occasion également
pour découvrir les goûts musicaux de chacun des quatre fantastiques… et de
découvrir aussi finalement le grand écart qui existe entre l'univers de certains et le groupe
dans lequel ils officient.
L’album de Paul Stanley est certainement
celui des quatre qui colle le plus à l’univers musical de Kiss. Pas de
dépaysement pour le fan, il retrouve ici ce qu’il aime chez son groupe préféré
avec des titres comme Tonight You Belong To Me, Move On, le pêchu Wouldn’t You
Like To Know Me, It’s Alright, Goodbye qui n'auraient pas dépareillé sur un
album du bisou. A noter également le très bon Take Me Away, fausse ballade qui
explose sur le refrain et doté d’un chouette solo. Paul ne s’aventure
pas dans l’inconnu, les prises de risques sont minimes. On pourra tout juste lui reprocher le
répétitif Love In Chains et quelques titres un peu trop commerciaux comme
Ain’t Quite Right ou la ballade Hold Me, Touch Me, pas les plus
intéressants. Mais dans l’ensemble, pas de vraie mauvaise surprise. Paul a
aussi su s’entourer de musiciens compétents, sans chercher à faire dans le guest de
prestige avec par exemple Carmine Appice à la batterie ou Bob
Kulick à la guitare (le frère de Bruce, qui intègrera le
groupe en 1985). A noter qu’il est le seul des quatre à ne pas avoir enregistré de
reprise pour son album solo. Il a toujours été le compositeur le plus prolifique de
Kiss, on le sent effectivement à l’aise dans cet exercice. Un bon
album.
Gene Simmons, lui, n’a pas évité le piège
des guests en pagaille avec pour résultat un album qui part dans toutes les directions sauf celle
que l’on était en droit d’attendre. Bien sûr, il s’agit d’un album
solo, pas un album de Kiss, mais on se demande où est passé le compositeur de
Watchin’ You, Calling Dr Love, Deuce ou Ladies Room en écoutant ça. On
peut à peine qualifier cet album de rock, les titres les plus musclés (Burning Up With
Fever, Tunnel Of Love, Living In Sin) sont bourrés de chœurs navrants et
d’arrangements pompeux à la limite du ridicule. Même le See You In Your Dreams
de l’album Rock And Roll Over repris ici ne ressemble plus à grand-chose.
Gene a sans doute voulu faire un truc grandiose (il n’y a qu’à voir la
liste des invités prestigieux d’horizons très divers - Bob Seger, Cher, Joe
Perry, Donna Summer…) mais malheureusement, le rendu sonne plus kitsch qu’autre
chose. Le démon Gene Simmons se transforme en crooner (Mr Make Believe, Always
Near You et surtout When You Wish Upon A Star, reprise d’un morceau illustrant le
dessin animé de Disney, Pinocchio (!!!) où il se prend pour
Sinatra), et ça ne lui va pas. Allez, on retiendra le titre See You
Tonite, plus sobre que le reste et qui s’en sort pas mal (titre qui a connu une seconde
jeunesse en étant repris en acoustique sur le live
unplugged) ainsi que Radioactive (si toutefois on zappe l'intro inutile d'une minute),
sans doute le morceau qui ressemble le plus à ce qu'on attendait. Bref, une bien mauvaise surprise.
Mais étonnamment, un album qui a connu un certain succès (il s'en est même plus vendu que
celui de Stanley, pourtant bien meilleur). Il faut dire que tous les fans de
Kiss se sont forcément rués dessus, sans avoir pu l'écouter
avant...
Ace Frehley montre quant à lui tout le contraire. Un album avec quasiment aucun
invité puisqu’il a presque tout joué exceptée la batterie (tenue par Anton
Fig qui remplacera Criss sur l’enregistrement de Dynasty
et Unmasked) et la basse sur trois morceaux et surtout, un album résolument rock.
C’est même l’album le plus pêchu des quatre. D’ailleurs, il joue la
sécurité en faisant appel à Eddie Kramer pour produire son disque, le
producteur des deux derniers albums de Kiss et des deux live. Frehley
qui, sur les derniers albums du groupe n’avait pas composé grand-chose (Shock Me
sur Love
Gun mais rien sur Rock And Roll Over ni sur Destroyer) se montre ici bien inspiré. Avait-il gardé ses
meilleures idées pour un album solo ? On peut se le demander. Toujours est-il qu’il n’y
a pas grand-chose à jeter sur cet album. Les morceaux ne manquent pas de mordant (Rip It Out,
Snow Blind, What’s On Your Mind, des titres qui auraient aussi pu finir sur un
album de Kiss sans qu’on y trouve à redire) et, contrairement à ses
trois comparses, pas de ballade racoleuse. Il s’essaye aussi à des choses plus
aventureuses (Ozone, Wiped-Out) mais, contrairement à Gene, ça reste
écoutable. Il confirme qu’il est un très bon guitariste (I’m In Need Of
Love, l’instrumental Fractured Mirror) mais qu’il assure aussi comme
chanteur, chose un peu nouvelle puisqu’on n’avait jusqu’alors que peu eu
d’occasions de l’entendre en chant lead. Shock Me et Rocket Ride (titre
studio inédit sur Alive II) étaient les seules compositions qu’il avait
chantées au sein de Kiss. Son album solo va lui permettre de prendre confiance en
lui à ce niveau et du coup, il aura nettement plus de place au niveau du chant dans
Kiss après cet épisode puisqu’il chantera systématiquement sur ses
propres compositions, ce qui n’était pas le cas avant. Rien que sur l’album suivant,
Dynasty, il se retrouvera à en chanter trois, faisant jeu égal avec
Gene et Paul. Malgré de bonnes compositions
personnelles, c’est sa reprise du New York Groove de Hello (un titre de
1975) qui va le mieux marcher en single et assurer le succès de cet album, qui va finalement
être celui qui va le mieux se vendre des quatre. Le revers de la médaille est que c’est
sans doute en partie le succès de son album solo qui va le conforter dans l’idée de
créer sa propre musique et donc de quitter le groupe quelques années plus tard.
Enfin, Peter Criss va accoucher d’un album qui n’a absolument rien à
voir avec la musique de Kiss. On savait le batteur capable de composer de jolies
ritournelles bien sucrées (Beth), il nous prouve ici que c’est finalement ce
qu’il préfère. Même s’il n’a jamais vraiment brillé par ses
compositions rock au sein de Kiss, on ne s’attendait quand même pas à
ça. Au mieux, on a un album de rock très daté (Rock Me Baby, That’s The Kind Of
Sugar…) mais surtout de ballades pas franchement inoubliables (Don’t You Let
Me Down, Easy Thing, Kiss The Girl Goodbye, I Can’t Stop The Rain) et quelques titres
flirtant dangereusement avec le disco en vogue à l’époque (I’m Gonna Love You,
You Matter To Me). En plus, il ne s’est pas trop foulé puisque la plupart des morceaux
proviennent de son groupe précédent, Lips, revisités pour cet album, et
on compte également une reprise (Tossin’ And Turnin’). Ce qui prouve tout de
même son incapacité à composer tant de titres dans des délais raisonnables (je
rappelle qu'il fallait que les quatre albums soient prêts en même temps). Chose incroyable,
c’est pourtant le producteur de cet album mou du genou et qui s’est le moins vendu des
quatre, Vini Poncia, que Kiss va solliciter pour produire ses deux
albums suivants, pour le meilleur (le multi-platine Dynasty) et pour le pire
(Unmasked). Les voies du music business sont décidément
impénétrables… On sent en tout cas avec cet album ce qui allait rapidement se produire,
tant les aspirations musicales de Peter étaient à des années
lumières de Kiss. En effet, Criss n’enregistrera
qu’un seul titre sur Dynasty (le faiblard Dirty Livin') et ne participera
pas du tout à l’enregistrement de Unmasked en 1980. Son départ du groupe sera
officialisé juste après la sortie de cet album.
Au final, au-delà tout de même du côté totalement inédit et audacieux de
l’opération, on retiendra donc les albums de Paul et de
Ace, les plus fidèles à l’univers Kiss. Les deux
autres sont à conseiller uniquement aux fans les plus acharnés du groupe, aux curieux ou
à ceux qui ont le cœur bien accroché.
Tracklist de Paul Stanley :
01. Tonight You
Belong To Me 02. Move On 03. Ain't Quite Right 04. Wouldn't You
Like To Know Me ? 05. Take Me Away (Together As One) 06. It's
Alright 07. Hold Me, Touch Me (Think Of Me When We're Apart) 08. Love In
Chains 09. Goodbye
Tracklist de Gene
Simmons :
01. Radioactive 02. Burning Up With Fever 03. See
You Tonite 04. Tunnel Of Love 05. True Confessions 06. Living In
Sin 07. Always Near You / Nowhere To Hide 08. Man Of 1,000
Faces 09. Mr. Make Believe 10. See You In Your Dreams 11. When You
Wish Upon A Star
Tracklist de Ace Frehley :
01. Rip
It Out 02. Speedin’ Back To My Baby 03. Snow Blind 04.
Ozone 05. What’s On Your Mind ? 06. New York Groove 07.
I’m In Need Of Love 08. Wiped-out 09. Fractured Mirror
Tracklist de Peter Criss :
01. I'm
Gonna Love You 02. You Matter To Me 03. Tossin' And Turnin' 04.
Don't You Let Me Down 05. That's The Kind Of Sugar Papa Likes 06. Easy
Thing 07. Rock Me, Baby 08. Kiss The Girl Goodbye 09. Hooked On
Rock `n´ Roll 10. I Can't Stop The Rain
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