1976. Kiss vient enfin de connaitre son premier vrai succès grâce à son premier album live, Alive!. Les ventes se passent à merveille et l'album devient le plus vendu des doubles live de l'histoire. Le groupe se retrouve donc avec la pression de devoir proposer un album studio excellent. L'argent gagné va leur permettre de se payer l'un des producteurs les plus en vue du moment, Bob Ezrin (qui produira quelques années plus tard le célèbre The Wall de Pink Floyd). Mais qui dit producteur légendaire dit risque de se laisser influencer par ses idées.

Comme à leur habitude, les quatre fantastiques (Ace Frehley, Gene Simmons, Paul Stanley et Peter Criss) composent ensemble mais surtout séparément une série de titres. Ces titres sont proposés à Bob Ezrin qui donne son avis et y ajoute son grain de sel. Si cela va profiter à quelques compositions, ses choix se font au détriment d'un des membres du groupe, Ace Frehley, qui voit toutes ses compos rejetées par le producteur. De plus, celui-ci a raccourci pas mal de ses solos sur les autres titres. On comprend mieux pourquoi Frehley n'a pas vu d'un très bon oeil que le groupe fasse de nouveau appel à Ezrin cinq ans plus tard pour Music from the Elder.
Au contraire, Peter Criss voit son unique compo validée par le producteur, une ballade bien guimauve jouée au piano ayant pour titre Beth. Un titre pour le moins particulier pour Kiss mais qui va devenir, contre toute attente, le premier gros hit du groupe. Grâce à ce morceau, la popularité de Kiss va exploser. En parallèle, l’image de super-héros des musiciens (développée sur la pochette du disque qui voit le groupe danser au dessus de ruines en flammes), va commencer à être exploitée dans tout un tas de produits dérivés. C’est le point de départ de la "Kissmania".

Autour de ce titre, on retrouve principalement des compos de Paul Stanley dont les standards Detroit Rock City, King Of The Night Time World et Do You Love Me? Même le terrible God of Thunder, pourtant chanté par Simmons, est bien un morceau composé par Stanley. Simmons responsable de deux titres dont le très symphonique Great Expectations, et en collaboration avec Stanley pour deux autres morceaux dont l'hymne Shout it Out Loud. Au final, le seul titre où Frehley est co-crédité, avec Stanley et Simmons, est Flaming Youth.
Detroit Rock City et King Of The Night Time World qui ouvrent l'album sont certainement deux des plus grands titres composés par Kiss. On se rend compte effectivement que l’espace réservé aux solos de Frehley n’est pas énorme. Sur Detroit Rock City, la première partie instrumentale est remplie par des bruitages à la place du solo qui aurait pu (dû) y figurer.
God of Thunder, titre génial lui aussi, montre un Kiss inquiétant. Stanley a bien fait de le laisser à Simmons pour le chant car il colle bien plus à son personnage (le démon) que celui de Paul. Enfin, on y entend un solo digne de ce nom mais lui aussi ponctué de bruitages (cris d’enfants). Les orchestrations pointent timidement le bout de leur nez sur la fin du morceau mais c’est surtout lors du titre suivant, le déroutant Great Expectations qu’elles donnent de la voix. Elles sont surprenantes et éloignent le groupe de ses racines mais il n'en reste pas moins qu'elles donnent un sacré relief à ce titre (sa version live lors du concert Kiss Symphony est un grand moment).
Flaming Youth débute la seconde face de manière assez classique pour du Kiss. Vient ensuite Sweet Pain, encore un titre sympa signé Simmons avec quelques chœurs féminins, sûrement signés Ezrin. Et puis c’est au tour de Shout It Out Loud, un hymne à la Rock’ n’ Roll All Nite, frais et vivifiant. Enfin arrive Beth que j’ai déjà évoqué. Alors là, c’est spécial. Car à part la voix de Criss, où est donc le reste du groupe ? La musique n’est que de l’orchestration, aucune trace de guitares, de basse ou de batterie. Devant le succès de ce titre, Kiss va devoir le jouer en live et c’est un moment assez particulier avec un Criss tout seul sur le devant de la scène et la musique sur bandes.
L’album se termine par encore un bon moment de Rock’n’Roll avec Do You Love Me?, dans lequel le pauvre Paul Stanley se demande si on l’aime pour lui ou pour son succès et son argent. On retiendra donc une larme devant les problèmes de ce bourreau des cœurs…

Destroyer est un album ambitieux, le premier du groupe, et la prise de risque était osée mais finalement payante. Destroyer va connaître un succès retentissant. Il est certifié disque de platine dès la fin de l’année de sa sortie. Pour beaucoup de fans de Kiss, il s’agit du meilleur album du groupe de la décennie. Kiss est lancé et va connaître, à partir de cet album, son heure de gloire.

 

Tracklist de Destroyer :

01. Detroit Rock City
02. King of the Night Time World
03. God of Thunder
04. Great Expectations
05. Flaming Youth
06. Sweet Pain
07. Shout It Out Loud
08. Beth
09. Do You Love Me?