Quelle belle année pour ceux qui cherchent à compléter leur collection de disques avec Tony Iommi dessus ! Je ne fais pas ici référence aux nombreuses "Deluxe Edition" bien généreuse des albums de Black Sabbath qui sortent depuis quelques années déjà mais bien aux deux salves de sorties auxquelles on a eu droit ces derniers mois. J’avais déjà causé ici, avec beaucoup d’enthousiasme, de la box Anno Domini -qui compilait les quatre albums du Sab avec Tony Martin au chant, albums particulièrement difficiles à trouver avant cette réédition. On commençait donc très bien, d’autant plus que, pour ceux qui n’auraient pas les moyens d’investir dans la box d’ores et déjà en rupture de stock et revendue à des tarifs déraisonnables en occaz, les albums susmentionnés sont maintenant dispos à l’unité.
Mais Iommi avait encore une belle surprise pour nous. Un nouvel album ? Pas encore, laissons-lui le temps. Le remix tant attendu de Born Again ? Pas encore non plus, laissons-lui le temps aussi. Mais, pour nous aider à patienter, c’est une réédition CD et vinyle -et plateformes de streaming- de deux de ses albums "solo". Je mets des guillemets, parce qu’il n’est pas vraiment solo. En effet, sur ces deux albums, il s’acoquine avec son bon pote Glenn Hughes, super chanteur et bassiste de son état. Manque plus qu’un batteur et le tour est joué. Deux albums, donc, dont on va parler brièvement. Fin d’intro ? Fin d’intro !
L’histoire de ce disque est un petit peu particulière. En effet, si le titre est bien "1996 Sessions", l’album est sorti officiellement en... 2004 ! Que s’est-il passé ? C’est bien simple : courant 1996, notre bon Tony a retrouvé son pote Glenn et ils ont décidé de refaire un peu de musique ensemble. Le résultat fut cette petite sélection de titres, qui voyait également Dave Holland -ex-batteur de Judas Priest- derrière les fûts. Et puis le destin s’en est mêlé, le Reunion Tour de Black Sabbath a eu lieu et cette incartade "solo" n’est finalement pas sortie. Des copies pirates ont circulé, cela dit. Copies pirates qui étaient appelées "Eighth Star" par les fans, comme pour signifier que c’était la suite spirituelle de Seventh Star, l’album de Sabbath qui avait déjà Hughes au micro. Finalement, l’album sortira officiellement des années plus tard, juste avant Fused.
J’ai parlé de suite spirituelle de Seventh Star, mais c’est bien tout. Parce que d’un point de vue stylistique, on en est loin. En effet, ces Dep Sessions ne ressemblent pas aux tentatives quelque peu putassières de l’ami Tony de faire du rock très 80’s, très policé sur Seventh Star. Elles ne ressemblent cela dit pas non plus à du Black Sabbath. Du moins, pas au Sabbath qu’on imagine. D’autant que Glenn Hughes étant ce qu’il est, son style personnel, plus groovy, plus bluesy, plus soul, déteint fatalement sur l’ensemble.
En résulte un album assez différent de ce à quoi Iommi nous a habitués. Si Gone et I’m Not The Same Man semblent composés pour un nouvel album du Sab, on dérive bien vite vers d’autres horizons : Don’t You Tell Me, grâce à l’apport de Hughes, se fait très pop et la ballade finale, It Falls Through Me aurait franchement fait tâche chantée par Ozzy. Et je ne parle même pas de Don’t Drag The River... Cela dit, les fans de Sabbath sauront apprécier la superbe Fine, qui lorgne quand même du côté des expérimentations souvent menées par le groupe en interlude ou du côté, forcément de Sabbath Bloody Sabbath.
Petit bémol cela dit : Dave Holland ayant été condamné en 2004 pour agression sexuelle sur un mineur handicapé, Iommi a tenu à ce que toutes les parties de batterie soient refaites pour la sortie officielle de l’album. L’intention est, évidemment, louable. Mais il aurait peut être fallu les mixer, ces nouvelles parties de batterie, parce que ça sonne particulièrement mal ! À part ça, ces DEP Sessions sont franchement très intéressantes, surtout si vous voulez entendre Iommi dans un registre un poil différent de d’habitude.
Fused sort dans un contexte particulier, une sorte de période de transition. Depuis la reformation du Sabbath des 70’s, le live Reunion et ses deux titres inédits, tout le monde attend un nouvel album de Black Sabbath. Il faudra attendre encore longtemps, tout cela n’arrivera pas avant 2013 ! La faute, évidemment, à un Ozzy qui a autre chose à faire : entre sa carrière solo qui marche très bien et ses émissions de télé-réalité, notre bon Osbourne (et Sharon, soyons honnêtes) se fiche pas mal de ses vieux potes. Quant à Dio, il fait sa petite carrière de son côté aussi, la formation Heaven & Hell n’est pas encore d’actualité.
Tout ça laisse un peu de temps à Iommi pour pondre des albums en son nom. Après un premier effort en 2000, dans lequel plusieurs chanteurs se passaient le micro (on parle notamment de Phil Anselmo, Dave Grohl ou Peter Steele), il a repris contact avec son bon copain Glenn Hughes. Suite à ça, les Dep Sessions ont pu enfin sortir officiellement, on en a parlé y’a à peine trente secondes, concentrez-vous ! Mais l’amitié entre nos deux compères étant ce qu’elle est, ils ont également bossé sur un autre disque sorti finalement en 2005, le fameux Fused.
Cette fois, pas vraiment d’énormes surprises : Fused est presque un album de Black Sabbath avec Glenn Hughes au chant, donc un peu plus chaud tout de même. Forcément, le timbre de Glenn, qui me fait souvent penser à celui de Prince, s’éloigne du glacial Ozzy ou de l’épique Dio et donne une autre saveur à la musique d’Iommi. Et franchement, ça fait plaisir d’enfin pouvoir en profiter ! Parce que sur Seventh Star, on était quand même plus proches d’un heavy 80’s que d’un heavy Sabbathien. Ici, pas besoin d’attendre : dès Dopamine, on découvre ce qu’aurait donné un "vrai" album du Sab avec Hughes. Et ça marche franchement pas mal. Presque tout l’album est dans cette veine, écoutez donc le topissime The Spell. Et au milieu de tout ça, on a un plus grungy Deep Inside A Sheel -mon titre préféré, je pense- ou un très beau I Go Insane, qui s’éloignent un peu de la formule. Pas de gros bémol à signaler ici, la batterie ne fait pas tâche.
On peut donc se réjouir que ces deux très chouettes disques soient enfin faciles à écouter et à obtenir, après toutes ces années. Je ne peux que les recommander, à un peu tout le monde. À moins d’être fondamentalement allergique à la voix de Hughes, pourquoi pas hein, difficile d’être déçu. Allez, Tony, maintenant tu nous ressors ton premier album solo, celui avec plusieurs chanteurs ! Et tu nous sors Born Again remixé, zut !
Tracklist de The 1996 DEP Sessions :
01. Gone 02. From Another World 03. Don’t You Tell Me 04. Don’t Drag The River 05. Fine 06. Time Is The Healer 07. I’m Not The Same Man 08. It Falls Through Me
Tracklist de Fused :
01. Dopamine 02. Wasted Again 03. Saviour Of The Real 04. Resolution Song 05. Grace 06. Deep Inside A Shell 07. What You’re Living For 08. Face Your Fear 09. The Spell 10. I Go Insane 11. Slip Away 12. Let It Down Easy 13. The Innocence