Artiste/Groupe:

Black Sabbath

CD:

Anno Domini (1989-1995)

Date de sortie:

Mai 2024

Label:

BMG

Style:

Heavy Metal

Chroniqueur:

Bane

Note:

16/20

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Eh ben, on a failli l’attendre, celle-là ! Et pourtant, la voilà enfin, après toutes ces années : la box Anno Domini, alias "box Tony Martin" pour les intimes. Des années et des années que les albums du Sab avec le bon Tony au chant ne sont plus disponibles nulle part et qu’on attend que la situation se règle. Dites-vous bien, amis lecteurs, que les quatre albums dont on va causer aujourd’hui n’ont pas été réédités depuis... depuis leur sortie ! Tout ça, évidemment, à cause de problèmes de droits, ces albums étant sortis chez IRS et plus chez Vertigo. À ceux qui déploraient l’absence de ces quatre albums de vos plate-formes de streaming préférés, sachez que c’était également la faute de ces imbroglios de droits.

Oui mais voilà : nous sommes en 2024, Tony Iommi a enfin pu remettre la main sur sa musique et c’est BMG qui va pouvoir nous ressortir ces trésors perdus. Le tout, évidemment, sous une bien belle forme. Cela fait quelques années que Sabbath ressort ses albums dans de copieuses versions deluxes (notamment quelques Ozzy mais aussi le Live Evil avec Dio), de gros coffrets assez onéreux mais visiblement assez généreux niveau contenu. Si je n’ai jamais sauté le pas -prix élevé oblige-, je vais très clairement faire une exception pour ce coffret-ci. Mais nous en reparlerons après, penchons-nous d’abord sur le contenu dudit coffret.

Quatre albums, donc : Headless Cross, Tyr, Cross Purposes et Forbidden (The Eternal Idol, premier album avec Martin, était sorti chez Vertigo et est donc fréquemment réédité et, de fait, trouvable très facilement). Les trois premiers ont été remasterisés -en gros, on y a mis un p’tit coup de polish- et le dernier, tristement célèbre pour sa production toute pourrie, a été intégralement remixé, bande par bande. La grosse boîte contient aussi un poster de la tournée Headless Cross, une réplique du programme de la dite-tournée ainsi qu’un livret d’une cinquantaine de pages. Franchement, le produit a l’air assez joli, même si on pourra regretter que les albums soient vendus dans de bêtes pochettes sleeves pas très élégantes.

Mais parlons-en, de ces albums ! Avec un peu de contexte d’abord... Les années 80, pour Black Sabbath, ça n’a pas été de tout repos. Ils les ont commencées après deux albums décevants et sans chanteur, Ozzy étant parti conquérir le monde de son côté. Est alors arrivé le grand Dio et, le temps de deux albums super-méga-giga cultes, Sabbath était sur le toit du monde. Mais ça n’a pas duré, Ronnie a fait son caca nerveux et s’est barré. C’est donc Ian Gillan qui a pris le micro sur le très sympa Born Again (qu’Iommi a la ferme intention de remixer prochainement, d’ailleurs, on aura donc sûrement l’occasion d’en reparler), avant la reformation de Deep Purple. Alors ils ont engagé le très bon Glenn Hugues, qui n’aura pas duré longtemps non plus puisque pendant la tournée qui suivait l’album Seventh Star, ses diverses addictions ont poussé le groupe à se séparer de lui. Ils ont donc fini par débaucher un certain Tony Martin (ouais, je passe la partie Ray Gillen de l’histoire, sinon on a pas fini), avec qui le courant passe pas trop mal et avec qui ils sortent un correct Eternal Idol -qui vaut le détour rien que pour le riff de The Shining. Et nous voilà donc rendus au premier album de cette box...

Headless Cross est un des meilleurs albums de Black Sabbath. Voilà, c’est dit, et je pèse mes mots. Y’a franchement rien à jeter dessus, faut dire qu’en seulement sept titres, faut vraiment n’avoir rien à dire pour pondre du filler. L’album se divise en deux catégories (ceux qui ont un pistolet et ceux qui creusent ?). On a d’un côté les morceaux doomy/heavy un peu épiques (et colégram) comme le superbe morceau-titre, l’excellente Nightwing ou la merveilleusissime When Death Calls, que j’aurais bien aimé voir chantée par Dio, tiens (et qui contient un solo de monsieur Brian May, rien que ça). Et, de l’autre côté, du hard/heavy 80’s au rythme enlevé, avec des refrains très accrocheurs (le "heeeeeroooo" de Call of the Wild, j’adore). Bref, un excellent album bien dans son époque, sans le moindre filler (et ce n’est pas l’ajout du bonus track Cloak and Dagger qui y changera grand chose, même si la mettre à la fin casse un peu la dynamique de l’album), qui sonnait déjà très correctement. Le remaster lui apporte un son un peu plus clair, qui fait plaisir à entendre. J’ai très hâte que de nouvelles générations découvrent ou redécouvrent cet album fantastique et j’ai grand hâte de pouvoir le poser sur l’étagère. 5/5, j’ai dit.

Tyr, c’est presque le même, en moins parfait. Toujours du heavy doomy épique (Anno Mundi), toujours des tubes à très gros refrain (Jerusalem)... mais deux petites nouveautés. Premièrement, et on ne va pas s’en plaindre, un gros morceau en trois partie : The Battle of Tyr, petite instrumentale atmo, Odin’s Court, douce ballade qui évoque Stairway de qui-vous-savez avant l’explosion Valhalla, qui clôt cette superbe trilogie en fanfare. Très, très cool. Deuxième surprise, et là, on va se plaindre : la catastrophique Feels Good to Me, une ballade à l’eau de rose bien cucul et bien chiante. Dans le genre filler qui pue, on fait pas pire. On notera que Martin commence à trouver son style : s’il pompait pas mal Dio sur les albums précédents, il commence enfin à varier un peu son registre. Et je suis très content du remaster, qui donne une sacrée patate à l’ensemble, patate qui lui manquait cruellement. Ça fait très plaisir et ça permet d’encore plus se rendre compte de la qualité du disque. Allez, 4/5.

Après Tyr, Iommi a réussi à faire revenir Dio, au creux de la vague. Et son vieux copain Geezer, aussi. Ensemble, ils sortiront le très sympa Dehumanizer... avant de splitter, Dio étant aussi talentueux que casse-pieds : n’ayant pas digéré le fait qu’ils soient "obligés" de faire la première partie des tournées solos d’Ozzy, il claque la porte, une fois de plus. Pour la petite anecdote, il a été remplacé au pied-levé par le Metal God himself, Rob Halford, sur quelques dates. Et je rêve qu’une de ces dates sorte un jour avec un son correct... Bref, Tony Martin revient, Geezer reste et ils vont pondre...

Cross Purposes, c’est ma grande redécouverte de ce coffret. Forcément, ces quatre albums n’étant pas faciles à trouver, je ne les ai pas forcément beaucoup écoutés (sauf Headless Cross) et donc, je l’avoue sans honte, je les connais assez mal. J’ai donc très longtemps rangé Cross Purposes dans la catégorie "meh" et autant vous dire que c’était une grossière erreur ! Cet album est un disque passionnant à bien des titres : tiens, rien qu’en le lançant, vous prenez un bon gros I Witness en pleine poire, qui lance les hostilités tout en énergie et pas avec un morceau doomy, une première depuis Seventh Star. Sur ce disque, Geezer à la compo oblige, on a quelques morceaux bien lourds, un peu old-school : tiens, prenez Virtual Death ou Immaculate Deception, voilà bien deux morceaux qu’on peut tout à fait imaginer chantés par Ozzy sur les vieux albums du groupe, non ? Mais le style heavy à gros refrains n’est pas abandonné pour autant, des morceaux comme Psycophobia ou Cardinal Sin faisaient largement l’affaire. Le bonus track What’s The Use va, lui, lorgner vers le Deep Purple des 70’s, ce qui va bien à Martin. Un très bon disque aussi, que j’ai été très heureux de redécouvrir et qui risque de pas mal tourner. 4/5 aussi.

Mais la grosse révolution de ce coffret, c’est Forbidden, l’album maudit, celui qui a la réputation d’être tout pourri tout nul, avec une production catastrophique. Celui-ci, je l’ai mentionné en introduction, a été entièrement remixé et n’a plus grand chose à voir avec l’album de base. N’y allons pas par quatre chemins : Iommi a fait un travail quasiment miraculeux. Je conseille à tout le monde de faire le comparatif : c’en est presque hilarant ! Ce remix sonne du feu de dieu, les riffs sont enfin distinguables et l’album arrête de ressembler à de la bouillie. Ce re-travail intégral permet même à des bouts d’album de réapparaître. Tiens, prenez I Won’t Cry For You, on lui découvre carrément des chœurs parfaitement inaudibles sur le mix de base ! C’est pas un remix, à ce stade, c’est carrément de la nécromancie ! Bon, cela dit, ça ne sauve pas non plus l’album. Loin d’être l’album qualifié de catastrophique ici et là, Forbidden n’est clairement pas une réussite. S’il contient de très bons passages et de vraiment chouettes titres (j’aime beaucoup le morceau-titre, Get A Grip ou Guilty as Hell par exemple et le riff qui lance l’accélération au milieu de Kiss of Death, mamamia quel bonheur), on a souvent l’impression qu’il a été bâclé. Pas mal de morceaux semblent être des collages de bouts pas vraiment finalisés. Tiens, écoutez donc Can’t Get Close Enough, par exemple, elle n’est pas finie, cette chanson, si ? On sent que certains titres ont du potentiel et qu’il leur aurait fallu bosser encore quelques mois dessus pour en tirer quelque chose. Dommage que Geezer se soit fait la malle après Cross Purposes, son talent nous manque. Quant à Martin, il s’éclate et propose des refrains à la limite du FM : celui de Forbidden, par exemple, on dirait presque du Survivor ! On a donc un album très imparfait mais pas pourri non plus, donc le remix est clairement un petit bijou. Allez, 2,5/5.

Concluons : on a donc trois albums vraiment très bons, que je ne saurais trop vous recommander et un plus intéressant que ce qu’on veut bien dire. L’idée d’enfin pouvoir les poser sur l’étagère, surtout dans un si joli coffret, me ravit ! Espérons que tout ça aide le public à redécouvrir le talent de Martin, très bon chanteur qui manque un peu de personnalité mais clairement pas de talent ni de voix. Et glissons un mot sur Geoff Nicholls, aussi, membre inoxydable du groupe, qui aura tenu les claviers de 1980 à 1995. Finalement, en terme d’albums, c’est le deuxième membre du groupe derrière Iommi.

Mais il faut râler un peu, alors râlons : le Cross Purposes Live, seul témoignage officiel de Martin sur scène avec le Sab, n’est pas inclus dans cette box, ce qui est parfaitement inexplicable. C’est un gros manquement, il aurait très clairement dû être ici ! Autre bémol : le prix. La box est proposée à 80 euros en version CD, ce qui reste assez onéreux pour seulement quatre disques. Et on nous informe que le groupe n’a aucune intention de les sortir individuellement. Si vous voulez les albums, faut acheter le coffret. À vous de voir. Moi j’ai vu : j’ai déjà commandé mon exemplaire...

Tracklists d’Anno Domini :

Headless Cross :

01. The Gates Of Hell
02. Headless Cross
03. Devil & Daughter
04. When Death Calls
05. Kill In Spirit World
06. Call Of The Wild
07. Black Moon
08. Nightwing
09. Cloak And Dagger (bonus track)

Tyr :

01. Anno Mundi
02. The Law Maker
03. Jerusalem
04. The Sabbath Stones
05. The Battle Of Tyr
06. Odin’s Court
07. Valhalla
08. Feels Good To Me
09. Heaven In Black

Cross Purposes :

01. I Witness
02. Crown Of Thorns
03. Psychophobia
04. Virtual Death
05. Immaculate Deception
06. Dying For Love
07. Back To Eden
08. The Hand That Rocks The Cradle
09. Cardinal Sin
10. Evil Eye
11. What’s The Use (bonus track)

Forbidden :

01. The Illusion Of Power (feat Ice-T)
02. Get A Grip
03. Can’t Get Close Enough
04. Shaking Off The Chains
05. I Won’t Cry For You
06. Guilty As Hell
07. Sick And Tired
08. Rusty Angels
09. Forbidden
10. Kiss Of Death
11. Loser Gets It All (bonus track)

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