Drôle d’album que ce Falling Into Infinity. C’est que ce disque a failli
causer la fin de ce groupe provoquant un temps le départ d’un Mike Portnoy
écœuré et pourtant Dream Theater claquera un authentique
chef d’œuvre après ce Falling Into Infinity. Qu’avait-il bien pu se
passer ? Outre une possible crise de croissance, phénomène bien connue en économie
avec peut-être aussi un besoin d’absorber un succès immédiat. C’est que
l’album Images & Words avait tapé très fort
à sa sortie et Dream Theater s’était retrouvé rapidement
parmi les jeunes groupes à suivre de très près. A Change Of Seasons dont
l’impressionnant morceau-titre avait bénéficié de l’effet
d’inertie de ce Images & Words acclamé (titre composé au demeurant lors
des mêmes sessions) et Awake avait confirmé les attentes. Mais, puisqu’il faut bien
un mais dans notre histoire, Dream Theater n’avait pas transformé cet
impressionnant succès critique en grand succès populaire. Le groupe se développait
certes mais le succès ne semblait pas à la hauteur de la qualité proposée.
Pour appréhender le sujet en langage business (oui je bosse dans le secteur bancaire, mes
confuses !), Dream Theater fournissait un produit de haute qualité mais ne
parvenait pas encore à le vendre. Ca, normalement, c’est le boulot des maisons de disques
me direz-vous et vous marquez un point. Sauf que c’est là que les problèmes vont
arriver.
Qui dit maison de disque dit aussi pression et ce Falling Into Infinity va rapidement souffrir
d’une réelle volonté commerciale et les fans vont vite considérer cela comme
une trahison, eux habitués à l’aspect très abouti de DT.
Agressif, le label Elektra va plus loin et DT accepte de se faire produire par
Kevin Shirley, pointure s’il en est (jusque là ça va, le producteur
fera très fort ensuite avecIron Maiden) mais aussi l’apport du compositeur Desmond
Child et là, la limite est franchie. Pour celles et ceux qui l’ignorent,
Desmond Child était un hit-maker dans les années 80 et le garçon
était derrière des hits comme I Was Made For Loving You (Kiss), Livin’ On A Prayer (Bon Jovi) et un paquet de joyaux magnifiés par Aerosmithlors de son impérial retour au milieu des années
80. Si j’ai fait l’effort de citer les groupes pour lesquels Desmond Child
a bossé, c’est pour bien accentuer le contraste entre un Dream
Theater, groupe progressif pur et ces formations autrement plus commerciales. On comprend les
réticences du groupe surtout quand on sait la qualité des compositeurs ici présents
dans la formation et sans que cela ne remette en question les compétences de Desmond
Child. Le groupe avait aussi changé de claviériste au bénéfice de
Derek Sherinian qui se retrouvera, un peu malgré lui et assez injustement,
à une période compliquée de DT même s’il est assez
discret ici.
Autant le dire, ces compromis(sions) n’avaient pas eu l’effet escompté l’album
ne se vendant pas outre mesure et au final, cela ne fit que provoquer de grandes tensions au sein de la
formation comme évoquée en ouverture de cette chronique. Et pourtant, ce disque
mérite quelques éloges car sincèrement, il y a de très bonnes chose ici
à commencer par l’essentiel : de très bons titres. Burning My Soul et sa
remarquable ligne de guitare (et sa ligne de chant), Peruvian Skies sont d’excellents
morceaux. De même, You Not Me fonctionne superbement bien. Le souci est que le format de
ce disque n’est pas du Dream Theater comme attendu, aucune longue pièce
maîtresse à la marge d’un Trial Of Tears final mais les fans n’avaient
pas retrouvé le DT qu’il aimait tant. Il y a de l’ambition ici mais
pas forcément bien orientée vers de la qualité pure et soyons francs, ça ne
leur va pas trop à DT. Pour autant, et quitte à me répéter,
ce disque est plutôt bon, juste ce n’est pas le DT qu’on connaissait.
Ce disque aura néanmoins de réels aspects positifs mais il faut attendre un peu pour voir
ceux-ci se réaliser. John Petrucci et Mike Portnoy se
consoleront avec Liquid Tension Experiment et la qualité
relationnelle avec Jordan Rudess encouragera nos deux co-leaders à recruter
celui-ci au sein de DT. Pour le résultat que l’on sait. Aussi, la maison
de disques prenant acte du semi-échec commercial, laissera à DT une plus
grande liberté artistique et le groupe ne se gênera pas ensuite. Ce Falling Into
Infinity a un peu tout de l’album maudit, coincé entre des disques
d’excellence mais aurait-on eu un Metropolis Part II de cette envergure sans ce
semi-échec ? Nul ne le saura jamais mais au final, en réglant leurs différends, en
se posant les bonnes questions et en y apportant les bonnes réponses, Dream Theater
en est sorti plus fort, plus uni et le résultat de ce retour aux fondamentaux offrit un
album d’exception. Rien que pour ça, le cycle Falling Into Infinity mérite
une relecture a posteriori et en plus, le disque étant franchement intéressant, une
nouvelle écoute, un peu plus dépassionnée car croyez-moi, il y a de bonnes compos
ici. Soit pour les compromis mais le savoir-faire était là, et bien là.
Sacré groupe tout de même.
Tracklist de Falling Into Infinity
: 01. New Millenium 02. You Not
Me 03. Peruvian Skies 04. Hollow
Years 05. Burning My Soul 06. Hell’s
Kitchen 07. Lines In The Sand 08. Take Away My
Pain 09. Just Let Me Breathe 10. Anna
Lee 11. Trial Of Tears : 11-1 It’s
Raining 11-2 Deep In Heaven
11-3 The Wasteland