La récente annonce de nouveaux concerts prévus pour les beaux jours 2026 l’a rappelé :System Of A Down(dont il ne sera que trop question dans cette missive) est un groupe majeur qui a marqué son époque. Les billets deux Stade de France sont partis encore plus vite que pour une mise en vente du Hellfest preuve du caractère événementiel de ce retour scénique. La fin abrupte du groupe sur fond de dissensions entre les membres du groupe s’est révélée être un sacré gâchis tant les disques du groupe avaient impressionné. L’objet du désaccord semble être les relations entre Serj Tankian et Daron Malkian. Il est vrai que le second, compositeur du groupe arméno-américain, semblait vouloir prendre le contrôle total sur le processus artistique jusqu’à prendre toujours plus de place notamment sur les parties de chant. Le réenregistrement brutal des parties de basse de Shavo Odadjian n’avait pas arrangé son cas. Volonté de contrôle absolu ? Volonté de capter le maximum de flux financiers sur des albums amenés à connaître un immense succès ? Délire autocratique de Daron ? Simple volonté de mener ses propres projets et voir autre chose ? Le groupe avait précisé que ce hiatus fin 2006 ne durerait pas, nous ne pouvons que constater qu’en dépit de retours scéniques (très lucratifs), aucun album n’est apparu depuis preuve selon moi qu’il y a sans doute un problème de fond entre les hommes du groupe. (Sachant qu’a priori Daron serait partant pour un nouvel effort quand Serj Tankian semble « bloquer » le process ». Après allez savoir où se situe la vérité !).
Lors de ce hiatus fin 2006, Daron Malakian avait monté le projet Scars On Broadway avec entre autre le batteur de SOAD John Dolmayan. Un album éponyme avait vu le jour en 2008, avec cette « concurrence » avec les efforts solos de Serj Tankian. Un classique poist scission de grands groupes de même qu’une aubaine pour les fans. Bon les puristes rappelleront – à raison – qu’aussi satisfaisants soient ces disques, le binôme reste meilleur ensemble. Toujours ce paradoxe – désormais bien connu – où deux artistes qui ne semblent plus trop s’apprécier font des merveilles une fois réunies. En tout cas, comme d’autres avant eux, les voilà « condamnés » à être associés toute leur vie (professionnelle). Mais c’est uniquement de leur faute. Le groupe est rentré dans l’inconscient collectif et "appartient" désormais aux fans. Le problème pour Daron c’est que les apparences sont un peu contre lui. Car Scars On Broadway fut à son tour rapidement mis en hiatus avec entre autres le départ de John Dolmayan. Il fallut en effet attendre 2018 pour voir un second disque dénommé Dictator. Difficile alors de ne pas y voir du second degré très ironique / sarcastique sur d’éventuels reproches faits par d’anciens comparses. Sept ans après, revoilà le groupe renommé Daron Malakian & Scars On Broadway (ce qui n’arrangera pas les réflexions faites sur le côté ego-trip du guitariste) avec une nouvelle équipe : le line-up actuel est ainsi constitué d’Orbel Babayan à la guitare et aux samples, de Niko Chantziantoniou à la basse et de Roman Lomtadze à la batterie. Voilà faut suivre tout de même et j’ai dû faire un effort de synthèse pour écrire ces deux paragraphes.
L’œuvre reste familiale car c’est le père de Daron (Vartan de son prénom) qui a réalisé l’artwork. Côté musique, j’ai repensé au It’s Five O’Clock Somewhere de Slash en 1995. En effet les compos proposées alors semblaient être des démos de travail pour un disque des Guns N’ Roses. Même remarque ici tant ces dix titres sonnent comme du System Of A Down mais il y manque quelque chose. Les guitares sont puissantes, on retrouve ce son caractéristique, l’effet nostalgie fonctionne mais la voix de Daron n’est selon moi pas satisfaisante. Outre qu’elle n’est pas forcément très mélodieuse, la musique de Daron est si associée à la voix de Serj qu’on a la sensation d’un manque à l’écoute, presqu’un sentiment d’anormalité. Comme si quelque chose n’était pas naturel dans ce qu’on entend. Foutu psychique qui crée des associations naturelles ! En outre, les titres ne m’ont pas impressionné outre mesure, ça s’écoute, la dynamique générale reste rock, Daron semblant vouloir s’éloigner au passage de l’étiquette Metal peut-être jugée trop restrictive.
La conclusion de ce papier reste sans équivoque. Malgré l’intérêt porté sur cette sortie, la vérité – cruelle – est qu’on s’en fout un peu. Tout ce qu’on attend c’est un vrai retour de System Of A Down. N’en déplaise à Daron, ses compos sont magnifiées par la voix iconique de Serj Tankian. Tel est son destin, le type a de nombreux talents, s’est révélé auteur de disques géniaux mais la voix de Serj n’y était pas étrangère. Et oui, le Collectif restera supérieur aux Individualités, c’est ainsi, cela l’a toujours été. L’Etre Humain, cet animal social, a besoin du groupe. Telle est la belle morale qui ressort de l’histoire de SOAD, infiniment rassurante. Nos musiciens feraient bon de se le rappeler plutôt que de partir dans des ego-trips (qui au passage semblent heureusement d’un autre temps). Monté trop haut au risque de se brûler les ailes, System Of A Down semble aujourd’hui chercher sa place entre retours scéniques triomphaux, volonté avortée de come-back studio et interludes un peu désœuvrés. Cela reste bien dommageable surtout quand on voit de quoi le quatuor est capable. J’espère me tromper mais il semble difficile d’espérer plus que ces concerts événementiels.