Moi, vous savez, j’adore Annihilator. "Oulaaaa, qu’est-ce qu’il nous chante d’entrée de jeu, celui-là ? Quel rapport entre Annihilator et ce machin de hard rock dont on a jamais entendu parler et auquel il colle une super note et un coup de cœur ?". Ouais, je peux comprendre votre confusion. Mais n’ayez crainte, je n’ai pas encore totalement perdu les pédales. Je disais donc, avant que vous m’interrompiez, bande de malpolis : j’adore Annihilator. Donc, quand l’ami Jeff Waters -monsieur Annihilator, de fait- annonce qu’il va mettre ce projet de côté quelques temps en ne faisant plus que des concerts mais pas de nouveaux albums, je suis bien tristoune.
Mais pas de quoi trop m’en faire : si Jeff met Annihilator en semi-pause, c’est pour pouvoir se consacrer à un tout autre projet. Cela fait un effet quelques années qu’il nous parle de ses envies de monter un groupe pour jouer du hard rock à l’ancienne, histoire de pouvoir nous balancer toutes ses inspirations en pleine poire. Honnêtement, depuis le temps qu’il en parle, je pensais qu’il ne le ferait jamais. Et pourtant, dans la surprise totale, voilà qu’un soir d’avril il annonce sur son facebook perso qu’il va sortir non pas un mais bien trois albums de hard rock et que le premier sort seulement quelques jours après. L’avantage de tout faire tout seul.
On ne sait pas encore grand chose des deux autres albums, si ce n’est qu’ils sortiront à peu près à la même date, l’un en 2025 et l’autre en 2026. On sait aussi que ce sera le sympathique et talentueux Stu Block qui chantera sur le deuxième, ces deux larrons s’entendant vachement bien depuis que Block a officié sur Metal II et qu’il prendra le micro sur les prochaines tournées d’Annihilator. Mais revenons à l’album de cette année. Le projet se nomme donc Amerikan Kaos -un nom franchement ridicule si vous voulez mon avis- et ce premier album s’appelle Armageddon Boogie et a droit à une pochette pas dingue. Pour être honnête, quand je l’ai vue, j’ai cru à un visuel fait par IA. Manifestement, ça n’est pas le cas, mais c’est loin d’être une réussite. Heureusement, on ne peut pas en dire autant de l’album...
Parlons tout de suite des petits défauts qui fâchent. Déjà, le son : on sait que Waters est un perfectionniste et qu’il mixe tout lui-même. On pouvait d’ailleurs déjà faire ce reproche aux derniers albums d’Annihilator : tout est bien trop propre, on se demande même si ce sont de vrais instruments qu’on entend. C’est particulièrement embêtant sur la batterie, qu’on pouvait suspecter d’être fausse. Même niveau chant, rien ne dépasse, pas une petite aspérité, rien. Je ne demande pas un son dégueulasse à la Darkthrone, loin de là, juste un peu d’âme. Autre truc qui pourrait embêter certains auditeurs mais qui vient de la démarche même du disque : c’est pas super original. Waters voulant surtout rendre hommage aux groupes qu’il aime (Pasadena Four est assez clair à ce sujet), on pourra lui reprocher de ne pas s’être trop foulé. Personnellement, je peux l’accepter, d’autant plus que ces influences étaient déjà audibles sur ses anciens albums (son thrash et son jeu de gratte m’ont plus d’une fois fait penser à du Van Halen, il a carrément enregistré deux reprises de Romeo Delight, une avec Dave Padden et l’autre avec Stu Block, encore lui).
À part ça, si vous aimez le hard rock à l’ancienne, ça sera difficile d’être déçu ! Niveau influences, Waters ratisse large : si j’ai déjà cité Van Halen (période Roth sur Pasadena, mais aussi période Hagar sur Pull the Wool ou Let It Go), n’oublions pas AC/DC sur My Little Devil, duElton John/Meat Loaf sur l’excellente Roll On Down The Highway, du quasi FM à la sur la jouissive Our Love Song ou du rock un peu plus barré, à l’image de ce qu’a pondu David Lee Roth avec Steve Vai sur le morceau-titre, bien fun. Bonne surprise : on retrouve même un morceau plus Annihilatorien : Nobody. Mauvaise surprise en revanche : vu que c’est un album hommage aux 80’s, on se coltine évidemment une ballade nian-nian, cul-cul ou tout autre adjectif composé de deux onomatopées. Elle n’est pas horrible (et rappelle Phoenix Rising, sur Set the World On Fire), mais trop longue et vraiment trop cul-cul. M’enfin, on va pas se mentir, c’est surtout l’ombre de la bande à Eddie qui plane sur la galette. Ce qui n’est pas pour me déplaire. Waters adapte parfaitement son jeu et n’a pas à rougir, rappelons que c’est un guitariste sacrément technique.
Derrière le micro, on retrouve le célébrissime Chandler Mogel qu’on connaît bien évidemment tous pour ses... Ah non, c’est un parfait inconnu, de mes services en tout cas. Un mercenaire, qui a enregistré deux-trois trucs ici et là. Et franchement, il est bon, le Chandler ! S’il n’a pas la plus originale ou la plus impressionnante des voix, on est forcés de constater qu’il chante super bien. J’ai fouillé son site, histoire de voir sur quoi d’autre il a chanté et il m’a l’air assez éclectique. Honnêtement, je vais essayer de rattraper les quelques trucs qu’il a fait. Un petit détail tout con mais qui fait toute la différence pour moi, c’est qu’il a l’air de bien s’amuser. Il lance plusieurs chansons avec des "woooo" ou des petites remarques marrantes (sur Nobody, avant de chanter, il lance un "is this thing on ?" comme pour vérifier si le micro est allumé, ça m’amuse, j’aime bien). Son timbre m’a pas mal de fois évoqué celui de Waters lui-même -je me suis même demandé pourquoi il avait engagé un chanteur, mais bref- mais il fait un parfait faux David Lee Roth, il est excellent sur Roll On et il joue bien la rockstar sur Our Love Song. Pas le plus mémorable des chanteurs, donc, mais pile le bon mercenaire au bon endroit.
Alors évidemment, si vous êtes fans de thrash et d’Annihilator, la pilule pourrait être dure à avaler. Passer de Human Insecticide à Our Love Song, c’est sûr, ça fait un petit choc. Mais si vous êtes comme moi et que vous aimez le thrash et le hard rock, aucun souci. Et si vous n’aimez pas Annihilator, bon, la question ne se pose même pas puisqu’on a devant nous un super album de hard rock, qui pioche un peu partout pour nous sortir 10 titres très variés (l’on pourrait presque reprocher son manque de cohérence à l’album) dont aucun à jeter. Et, franchement, l’album va là où on ne l’attend pas : entre le morceau-titre ou la géniale Our Love Song -nan, vraiment, je l’adore-, on peut dire qu’on est surpris. Il a déjà beaucoup tourné chez moi -en bagnole, sur le trajet des vacances, c’est l’idéal- et il tournera encore beaucoup ! Merci Jeff, et à l’année prochaine !
Aparté : Waters a fait éditer cet album via Metal Departement, qui est en fait une société de développement de jeux pour smartphones basés sur des groupes. Un peu bizarre, mais pourquoi pas. Le problème, c’est que l’album n’est disponible à l’achat que par leur site, à un tarif pas forcément des plus agréables -20 euros pour la France. Tout ça pour un pauvre digipack complètement dénué de livret ! En effet, les paroles sont accessibles via un QR Code imprimé sur le digipack. Du foutage de gueule, y’a pas d’autre mot !
Tracklist de Armageddon Boogie :
01. My Little Devil 02. The Pasadena Four 03. Roll On Down The Highway 04. Wait For Me (In Heaven) 05. Nobody 06. Armageddon Boogie 07. Pull The Wool 08. Our Love Song 09. Make Believe 10. Let It Go