Délaissant le Sud-Ouest le temps d'un week-end à la capitale (« choix surprenant mais que je respecte » comme joliment exprimé par un chef de bord taquin dans le TGV lors du départ de la gare de Bordeaux), je rejoins ma pote Place de la République dans un Paris inondé de soleil, bouillonnant et agité ce dont j’ai clairement perdu l’habitude. Programme du soir, un concert de folk nordique avec deux artistes à l’univers original, plutôt dark. Nous arrivons dans un Alhambra convenablement rempli mais dont le balcon est fermé. Dans le public, les looks gothiques se remarquent, nos deux artistes évoluant quelque peu dans ces ambiances. 

Jonathan Hultén

Lors de son départ des excellents Tribulation, il était naturel de se demander ce que Jonathan Hultén allait nous proposer. Son album solo, très épuré avec une folk onirique très sombre, laissait entendre que le suédois allait s’éloigner de la sphère metal mais on le sait, le folk nordique y a ses entrées et on ne compte plus les joyaux de ce style (Kalandra au premier rang). Lorsque la scène s’éclaire (enfin façon de parler !!), Jonathan Hultén est seul, avec un look particulièrement soigné, un costume imposant avec un grand couvre-chef noir, le visage maquillé en blanc lui donnant un look très androgyne. Derrière lui, une petite forêt reconstituée en lien avec son album nommé pour rappel les Forest Sessions. On dirait une fée des bois comme évoqué par ma pote à qui je reprends la formule. J’ai aussi pensé à Padmé dans la trilogie Star Wars, en version gothique. Très délicat dans sa gestuelle, maniérée presque, Jonathan Hultén délivre ses compos avec douceur. Bien (trop à notre goût !!) aidé de bandes, avec des vocaux bourrés de réverb donnant une sensation très solennelle à l’ensemble, le suédois nous emmène dans son monde très original, bien à lui. J’aurais aimé plus de « vraies » compos et moins de passages de vocalises à but purement immersif mais la grosse demi-heure passe bien vite, on est dedans. Le public est concentré, à l’écoute et ça applaudit de bon cœur entre les morceaux. Le tout s’écoute bien et on retrouve les excellentes compos de l’album à commencer par les très réussies Wasteland (jouée en ouverture) ou Where Devils Weep proposant une folk presque americana mais à la sauce scandinave. Personnellement, cela me plaît beaucoup. Bonne première partie avec un artiste total très intrigant, surprenant et profondément original. Son petit discours avec une petite voix presque fluette rend le personnage attachant, presque fragile même. Reste cet étrange sentiment de se dire qu’il vient du death metal (certes gothisant) tant ce qui est proposé ici en est très éloigné. Un show très plaisant, très théâtral par un artiste épatant bien que pas évident à suivre et condamné je le crains à un public d’initiés tant ce qu’il propose frise le marché de « niches ».

Setlist 

Myrkur

Place à la maîtresse de cérémonie, Amalie Bruun leader de Myrkur. Encore une artiste déstabilisante dans son offre musicale. Venant d’un black assez racé puis ayant proposée un album folk scandinave remarquable de douceur et truffée de pépites (Folkesange exceptionnel), la danoise a tenté une synthèse de tout cela avec un Spine aux allures post-black mais avec une approche parfois pop sur les refrains. C’est d’ailleurs la première vraie piste de ce disque qui est joué d’entrée et le refrain de Like Humans fait mouche. Qu’il n’y ait point de malentendu sur l’utilisation du mot pop, l’atmosphère reste malaisante, les guitares très lourdes, la dimension black restant bien présente avec ce côté épais, dense, presque un léger sentiment de malaise. Au milieu du show, il y aura quelques pistes purement black ce qui sera délicat pour ma pote qui s’est un peu intéressée au Metal dans une période récente, qui en est un peu revenue depuis et pour qui ce fut sans doute un peu trop. 

Fort heureusement, les parties plus folk sont épatantes avec la très belle voix d’Amalie sincèrement bluffante. Elle est épaulée à merveille par sa bassiste qui n’hésite pas à lui prêter main forte et les deux voix s’harmonisent à la perfection pour un rendu lumineux. Sur Leaves Of Yggdrasil, joué juste avant le rappel, c’est juste magique. Cette dimension folk de Myrkur est vraiment ce que je préfère chez elle et mon seul regret sera la trop faible représentation du disque Folkesange dans la setlist du soir. Le seul autre extrait qui fut joué est l’excellente House Carpenter où Jonathan Hultén revient sur scène, avec le même look que lors de sa performance, où Amalie Bruun est vocalement impériale. Le dernier titre joué est introduit comme ayant été composé après un enterrement. Ca vous pose une ambiance. Très bon titre mais où on retrouve l’univers glacial de Myrkur qui laissera un message de remerciement aux parisiens qui lui ont « fait fondre son cœur glacé ». Belle soirée avec deux artistes incarnant une certaine âme scandinave torturée, lugubre parfois avec un rapport à la nature très fort. 

PS Le lendemain, dans un contraste involontaire mais très réussi, la pote m’embarquera dans un show de Folk Indie avec des australiens autrement plus souriants et délivrant un show de qualité très « frais » où j’y ai découvert un public (très minoritaire) autrement bien moins éduqué et intéressé que celui de notre sphère Metal, un jeune particulièrement bruyant et bavard m’expliquant sans rire que le Trabendo, avec son organisation de salle si particulière, « ce n’est pas une salle de concert", que "ce n’est pas un concert auquel nous assistions ». Etrange : des musiciens sur scène, un auditoire à l’écoute, personnellement j’appelle ça un concert. Moment un peu lunaire. Ce serait donc ça les bobos parisiens ?

Setlist