Groupe:

Zakk Wylde + Jared James Nichols

Date:

26 Mai 2016

Lieu:

Paris

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Cela fait bien longtemps que je suis la carrière de Zakk Wylde. Mon coup de foudre pour ce prodige de la guitare remonte au tout début des années 90 quand je mis la main sur son premier album enregistré avec Ozzy Osbourne, le fameux No Rest For The Wicked... peu de temps avant de craquer sur le supérieur et sublissime No More Tears. Puis il y eut Pride & Glory, l'album solo Book Of Shadows, les débuts de Black Label Society... Je mentirais si je disais que j'ai tout adoré et je dois avouer que je suis moins fan que j'ai pu l'être à une époque... mais je suis resté fidèle et à l'affût des sorties du monsieur. Au mois d'avril dernier, j'ai été assez charmé par Book Of Shadows II, un retour imparfait à une musique plus mélancolique et sobre mais qui compte beaucoup de bons moments et chansons plaisantes. Alors quand j'ai appris que le guitariste allait se produire dans la magnifique salle du Cabaret Sauvage (quoi de plus approprié pour quelqu'un qui s'appelle Wylde ?) afin de nous présenter ses nouvelles (et plus anciennes) compos, j'ai tout de suite fait une croix dans mon calendrier. La perspective de voir Zakk sous un jour plus intimiste et donc moins "gros metal qui tache" qu'avec son groupe habituel est une première sur notre territoire... et je ne devais pas louper ça. La soirée n'a pas forcément tenu toutes ses promesses (ou n'a pas exactement correspondu à l'idée que j'avais en tête) mais il fallait y être. C'est parti pour les détails ! 

Si je suis ressorti légèrement déçu du Cabaret Sauvage le 26 mai dernier, ce n'est certainement pas à cause de la première partie. Au contraire, l'apéritif proposé par Jared James Nichols et ses deux acolytes fut de choix ! Une belle découverte.

La musique jouée par le trio ? Un bon mix entre blues, rock et hard... La poudre n'est pas réinventée mais certaines compos sont très solides et les musiciens sont sympathiques et, surtout, très performants. Jared attire forcément les regards... C'est lui le leader, il chante et joue extrêmement bien de la guitare. En plus, il a une vraie présence. Petite particularité : il n'utilise pas de médiator (il nous confiera en interview qu'il se sent moins bridé ainsi). Le jeune Américain a du talent, c'est indéniable. Et je ne suis certainement pas le seul à le dire ou à le penser puisqu'il s'est déjà vu offrir la première partie d'artistes comme Glenn Hughes, Lynyrd Skynyrd ou ZZ Top... Pour des débuts, on a connu opportunités moins alléchantes, non ?  

Les compos s'enchaînent et le temps passe vite. Les différentes facettes de la musique de ces messieurs sont exposées avec entrain et feeling. Tantôt hard et groovy (Don't You TryHaywire), parfois beaucoup plus posée et blues (la reprise du Bridge Of Sighs de Robin Trower), également plus enjouée et sautillante (Can You Feel It? sur laquelle le public sera invité à donner la réplique à Nichols sur son refrain entêtant), la musique du trio est toujours accessible et passe extrêmement bien en live. C'est chaleureux, souvent entraînant... A de rares moments, cela me fait penser à du Mr. Big dans ses heures les plus bluesy. Le bassiste a l'air de passer un bon moment lui aussi. Il se donne bien et épaule très régulièrement son coéquipier en proposant ses talents de choriste. Jared, quant à lui, nous balance des soli intenses sur chaque morceau. Le gars est habité, ça ne fait aucun doute.

Comme le son est très bon, le chapiteau du Cabaret Sauvage de toute beauté et que Mr. Nichols nous sert un set de qualité, le public est forcément réceptif. L'ambiance est donc détendue comme il faut et quand on regarde autour de soi, on voit bien que les voisins ont le sourire. Et ce n'est certainement pas avec les deux dernières compos de ce petit concert qu'on va se mettre à faire la tronche tant elles sont encore plus convaincantes que ce qui a précédé. Si vous ne connaissez pas Jared James Nichols et êtes piqués d'une certaine curiosité à la lecture de ces lignes, je vous conseille vivement de jeter une oreille à ces deux chansons : l'énergique Blackfoot et l'excellente Playin' For Keeps, toutes deux extraites de l'album Old Glory And The Wild Revival. Cela vous donnera peut-être envie d'aller voir ce talentueux guitariste lors d'une de ses prochaines visites (une tournée en compagnie de Walter Trout pour l'automne prochain serait en préparation). 

Setlist Jared James Nichols :

01. Don't You Try
02. Crazy
03. Bridge Of Sighs
04. Haywire
05. Can You Feel It?
06. Old Glory
07. Blackfoot
08. Playin' For Keeps

 

Après ce début de soirée bien plaisant, l'impatience de voir Zakk Wylde arriver sur scène se fait grandissante. Mais quelle va être la configuration ? Va-t-il être seul ou accompagné ? Le set sera-t-il principalement acoustique ? Aurons-nous le droit à des chansons de Pride & Glory, Black Label Society voire Ozzy Osbourne où la setlist sera-t-elle uniquement axée sur Book Of Shadows et sa suite ? 

Premières réponses : Zakk n'est pas venu tout seul. Il a fait le voyage avec ses potes de Black Label Society. Je reconnais tout de suite John DeServio à la basse. Moins les deux autres compères, plus récemment engagés... La dernière fois que j'ai vu le groupe, c'était en 2011 et il y a eu du remaniement de personnel depuis. Zakk et ses amis (comptez une guitare, une basse, une batterie et un piano/clavier) attaquent le set par Sold My Soul du premier Book Of Shadows sorti il y a vingt ans. Le son est fort et un peu brouillon... ce n'est pas de l'acoustique, les instruments sont branchés et d'ailleurs... Sold My Soul se voit prolongée d'un énorme solo électrique à rallonge pendant lequel Wylde, coiffé de son chapeau noir, nous sort le grand jeu : il monte sur une petite plate-forme juste à côté de son micro pour que tout le monde puisse le voir prendre ses poses de guitar-hero, fait passer sa guitare derrière sa tête tout en continuant à jouer, n'hésite pas à y mettre les dents, envoie valser le chapeau... et les notes affluent de toutes parts, à une vitesse époustouflante, cela va de soi. Vous vous attendiez à quelque chose de plus sobre et cool ? Un Zakk pas trop "Wylde" qui se livre lors d'un petit show intimiste ? Eh bien, clairement, on le comprend très tôt, il n'en sera pas tout à fait ainsi. Est-ce que c'est "mal" ? Pas forcément... cela dépend des attentes de chacun.


D'autres réponses aux questions posées plus haut ne tardent pas à arriver. On se rend vite compte que le quatuor ne pioche ses compos que dans les albums Book Of Shadows. Personnellement, ça me va très bien. Je suis justement venu pour ça et pas dans l'espoir d'entendre des morceaux de Black Label Society, des reprises d'Ozzy ou de Black Sabbath. Après Sold My Soul, c'est donc le nouvel album qui est mis à l'honneur avec Tears Of December puis Lay Me Down. Ce sont de jolies chansons mais le rendu, bien qu'agréable, manque un peu de finesse... Tiens, Wylde n'a pas dû avoir le temps de bien mémoriser les textes de ses compos car sur le devant de la scène se trouve de grandes fiches plastifiées sur lesquelles figurent les paroles des chansons... Surprenant mais assez anecdotique, j'en conviens. Passons à autre chose. Sur Road Back Home, Zakk s'asseoit au piano et laisse la guitare à son coéquipier qui s'acquitte très bien de sa tâche sur le solo. Quel plaisir d'entendre dans des conditions live, pour la première fois en ce qui me concerne, cette chanson que je connais depuis vingt ans déjà. Ensuite, c'est retour à la nouveauté avec la mélancolique Autumn Changes et la bluesy Yesterday's Tears. Le chant de Zakk Wylde manque parfois un peu d'assurance. Dans l'ensemble, il se débrouille plutôt bien mais quelques petites fragilités ou fausses notes sont perceptibles de temps à autre.

Après ce début de soirée agréable, le groupe se lance dans un petit jam qui sent le prétexte visant à démontrer la dextérité du guitariste. C'est donc reparti pour de la descente de manche en bonne et due forme. Un peu longuet... pour votre serviteur, du moins, car une bonne partie de la salle est ultra réceptive aux prouesses de Wylde. La suite me convient beaucoup plus car le groupe joue la chouette Between Heaven And Hell du premier Book Of Shadows. Zakk nous sort même l'harmonica, ce qui fait son petit effet. La chanson est bien chantée... et, pour la première fois de la soirée il me semble, le frontman se fend d'un petit "thank you". Oui, la communication entre le musicien et le public est véritablement réduite à son stricte minimum... pour ne pas dire inexistante. A côté de lui, Dave Mustaine, pourtant célèbre pour économiser ses mots en concert, passe carrément pour un grand bavard. Un autre bon moment : Darkest Hour et son excellent solo (un de mes préférés sur le nouveau disque). Quelques chansons plus tard, une chose que l'on aurait souhaitée moins rare se produira : monsieur Wylde se retrouvera tout seul sur scène avec une jolie guitare acoustique et se fendra d'un très sobre et beau Dead As Yesterday. Voilà !!! C'est ça que j'attendais : un peu d'émotion ! Mais Zakk ne reste pas seul bien longtemps et ses complices reviennent tout de suite après sur scène.

Il y a donc eu du bon et du moins bon lors de ce concert. Le son a globalement manqué de clarté. S'il avait été moins fort et mieux équilibré, on aurait sans doute pu entendre les choeurs sur Eyes Of Burden, par exemple. Au rayon des performances classes, on note que le chant de Zakk sur l'excellente Way Beyond Empty est top. Pour reparler "communication", notons aussi que le frontman aura attendu la fin de la treizième chanson (The King pendant laquelle il se sera à nouveau assis derrière le piano) pour enfin s'adresser aux fans. La vache, il en aura mis du temps ! Mais ce fut un autre très bon moment de la soirée. En effet, on a eu le droit à une présentation du groupe façon "speaker" américain avant un match de boxe (ou de catch). Ce fut notamment l'occasion d'apprendre que le guitariste / claviériste peut tout faire, même notre lessive ou notre déclaration d'impôts... Une touche d'humour bienvenue, donc. Dommage qu'il n'y en ait pas eu d'autre. Parmi les autres moments marquants de la soirée, on se rappellera aussi de la (très) longue intro de Throwin' It All Away sur laquelle Mr. Wylde est descendu de scène pour aller jouer au plus près de ses fans, en se baladant sous le chapiteau, d'abord du côté droit, puis du côté gauche. Très sympa. Musicalement, un peu moins... car ce fut un de ces fameux et interminables "solo branlette" comme le gars aime à en placer à chaque show de BLS

Que retenir de cette soirée au final ? Le moment passé ne fut pas désagréable. Il y a eu quelques passages vraiment beaux et saisissants, Zakk reste un guitariste charismatique et impressionnant... mais en sortant du Cabaret Sauvage, un petit sentiment de frustration s'impose. J'attendais plus... ou autre chose. J'ai eu l'impression que Zakk n'arrivait pas à choisir s'il voulait faire du Wylde ou du Black Label Society. Les chansons sont ce qu'elles sont, ce n'est pas du BLS, c'est indéniable... Et pourtant, elles n'ont pas eu le droit à un traitement plus léger et subtil qui aurait pu leur conférer plus de charme et faire passer davantage d'émotions. Le groupe qui accompagne Zakk n'a pas démérité mais n'a pas brillé non plus, comme si le leader était le seul à pouvoir s'autoriser un peu de fantaisie. Avec moins de solos, plus de communication avec le public et un rendu plus intimiste ou "fragile" propre à l'introspection offerte par les Books Of Shadows, je serais très probablement ressorti plus ému ou enthousiaste. Ce concert auquel je ne regrette pas de m'être rendu - on ne va quand même pas cracher dans la soupe - fut tout de même bien sympa... mais pas grandiose... et il m'a un peu laissé sur ma faim. Tant pis. Une prochaine fois, peut-être ? 

Setlist Zakk Wylde :

01. Sold My Soul
02. Tears Of My December
03. Lay Me Down
04. Road Back Home
05. Autumn Changes
06. Yesterday's Tears
07. Between Heaven And Hell
08. Darkest Hour
09. Throwin' It All Away
10. Dead As Yesterday
11. Eyes Of Burden
12. Way Beyond Empty
13. The King
14. Lost Prayer
15. Sleeping Dogs