Groupe:

Tendinite

Date:

24 Mars 2021

Interviewer:

fabulous

Interview Nico

Peux-tu nous faire une petite présentation du groupe pour nos lecteurs ?

Tendinite est un trio (guitare/chant + Basse + Batterie), créé en 2016 à Reims, d'une envie commune de faire du rock'n'roll. Notre musique navigue en permanence entre ces trois points cardinaux que sont le punk, le garage et le noise-rock.

A force de répétitions au début du groupe, vous avez enchaîné les tendinites et vous vous êtes dit : tiens voilà le nom de notre groupe ! :-). D'où vient ce nom et pourquoi Tendinite s’appelle Tendinite ?

Ah, les noms de groupe, c'est souvent un peu la même histoire... tu composes des morceaux avec des copains dans un local exigu, on te propose un concert et il te faut un nom. Alors, l'un des mecs sort un nom absurde, on en rigole bien, et on se dit qu'on trouvera autre chose, et ce premier concert arrive et le nom reste. Le nom « Tendinite » vient effectivement de nos douleurs musculaires respectives au début du groupe. Michel est guitariste à la base, et prendre la basse pour jouer des lignes assez denses et rapides a effectivement été un peu ardu au début. Et pour moi qui ne suis pas chanteur, j'avais tendance à beaucoup serrer le manche de ma guitare quand je devais éructer dans le micro. On avait les poignets et les doigts qui chauffaient, et le nom est sorti comme ça. Au début, c'était une blague, un nom de code pour le projet, et le premier concert est arrivé et le nom est resté...

Vous avez enchaîné depuis 2018 les sorties de deux EP et un album, vous êtes du genre prolifique et vous avez la création de compo facile ?

En fait, on a rapidement trouvé un équilibre dans le groupe. La formule en trio facilite cela. Chaque musicien / chaque instrument trouve facilement sa place dans le son du groupe, ce qui permet une forme d'efficacité dans la création (on se rend assez vite si ça sonne ou pas...). C'est à la fois une force et une limite. Ça restreint les choses au niveau des harmonies et du nombre de « voix » qui s'expriment. On aboutit assez rapidement à quelque chose de cohérent, mais le risque peut être de tourner en rond au bout d'un moment.

Vous avez déjà quelques morceaux de prévu pour le prochain ?

On a trois morceaux finalisés, et environ huit ébauches de morceaux. Le gros soucis est qu'on ne peut pas jouer ces temps-ci car les locaux dans lesquels nous répétons sont fermés administrativement. Mais on a de la matière, reste à affiner tout cela !

Comment se passe le travail de composition ? Tout le monde participe à la création de vos morceaux ?

En règle général, le process est le même. J'apporte une base de deux ou trois riffs qui s’enchaînent bien, le tout avec une idée de base concernant la section rythmique. On essaye de les jouer en groupe et si c'est concluant, on passe beaucoup de temps tous ensemble à arranger cela pour essayer d'en faire un véritable morceau.

Les artworks de vos albums sont très colorés et riches en détails, tu peux nous parler des artistes qui ont fait ces visuels ?

Le premier EP (EP1, le 10 pouces) a été réalisé par Fred (Sunrise Studio). Je le connaissais à l'époque de mon ancien groupe (Anorak) car il avait un label et avait sorti deux de nos disques. Je savais qu'il faisait des affiches/artworks. On avait besoin d'un visuel et on n'y avait pas vraiment réfléchi en amont. Je l'ai contacté, et ça s'est fait assez naturellement. Concernant le 7 pouces, c'est Mister Lolox qui l'a réalisé. Il avait fait l'affiche du Festival « We Insist » qu'organisaient des amis (notamment les mecs de Poutrage et Araki) et je l'ai contacté par la suite car l'esthétique correspondait bien à ce que l'on recherchait. Et enfin pour l'album, c'est exactement la même histoire que pour le 7 pouces, mais avec un dessinateur qui s'appelle Val l'Enclume. Concernant Lolox et Val, on ne les connaissait pas personnellement. C'est vraiment leur travail et l'idée que cela pourrait cadrer avec notre univers musical qui a fait que l'on a pris contact. Plus généralement, j'aime bien l'idée de proposer un artwork que l'on peut observer à la fois globalement et minutieusement. Quand je mets un disque sur la platine, j'apprécie de me poser avec la pochette et d'y découvrir des détails que je n'avais pas vu au premier abord. J'essaye d'aller chercher des graphistes qui pourront produire ce type de visuels qui mixent impression générale et fourmillement de détails.

L’artwork de votre premier EP Back In The Storm me fait penser à la série The Walking Dead et le personnage ressemble étrangement à Hershel Greene de la série, il y a un rapport ou pas du tout ?

Le 7 pouces est notre deuxième sortie (2019) et non la première. Concernant le visuel, Lolox part souvent de vieux dessins. Cela doit venir d'une gravure militaire. Mais je ne crois pas que cela ait le moindre lien avec la série.

Vos précédentes sorties, un EP 7’’ quatre titres et un EP 10’’ cinq titres, tout comme votre album, sont sortis en format vinyle, vous aimez ce support ?

Perso, depuis le lycée (fin des années 90), j'ai toujours acheté des vinyles. Au début, c'était une bonne façon de découvrir de vieux groupes pour « pas cher » à une époque où les CD étaient encore onéreux ou difficiles à trouver d'occasion (j'ai commencé par tous les vieux Pink Floyd chez un disquaire/bouquiniste et j'ai ensuite beaucoup fait les brocantes). Parallèlement, vers vingt ans, j'ai découvert la scène hardcore « underground » (du screamo au grindcore, pour faire court) et je me suis rendu compte que beaucoup de groupes de ce milieu continuaient de sortir des vinyles, disponibles en règle générale via des distros. Et j'ai donc naturellement continué à en acheter. Je pense qu'à l'heure de la dématérialisation quasi totale de la musique, cela a encore plus de sens. Même si cela peut paraître presque absurde de se contraindre à presser sa musique sur un bout de plastique cher à produire et au rendu perfectible, ça donne un sens au parcours souvent long qu'est la création d'un disque, c'est un aboutissement. Et sans être foncièrement matérialiste, cela me rendrait triste d'avoir mis autant de passion et de temps dans un projet et de finir avec uniquement quelques fichiers en ligne.

Quel est le dernier vinyle que tu as acheté ?

J'ai fait un tir groupé : Julia Jackin - Crushing / Songs Ohia – Don't it rain / True Widow - Avvolgere. Des disques plutôt posés, que j'avais déjà écouté pas mal de fois avant de les acheter. J'ai souvent tendance à acquérir les albums que j'ai beaucoup écouté et qui m'ont marqué, quitte à les acheter bien après leur sortie. Il est maintenant très rare que ma première rencontre avec un artiste se fasse via un vinyle. Le vinyle, c'est plutôt une façon de conserver une trace physique d'un album que j'ai apprécié.

Vos vinyles sont sortis sur trois labels, Araki Records, Poutrage Records, Hell Vice I Vicious, comment c’est passé la rencontre avec ces trois labels ?

Les deux premiers sont originaires de Reims et sont tenus par des copains. Ils nous ont vus en concert au tout début du groupe. Ils ont aidé à sortir les deux premiers EP et on a fait la première partie de pas mal de dates qu'ils organisaient. Pour Hell Vice I Vicious, on a essayé de démarcher d'autres labels afin d'élargir le réseau pour l'album. C'est tombé en plein confinement et le seul qui ait répondu favorablement a été Denis (que l'on remercie chaleureusement).

Vous avez l’impression que le fait d’être référencé sur trois labels vous permet de toucher plus de monde et accroître votre notoriété ?

Comme évoqué plus haut, fabriquer des vinyles coûte cher. On tourne peu, on ne touche pas de subventions. Du coup, les labels servent en premier lieu à réduire la charge liée au pressage en répartissant les coûts. C'est un système de coproduction où chaque label récupère des disques en fonction de la somme qu'il a investie dans la fabrication. Ensuite, effectivement, chaque label a son réseau de communication et de distribution, ce qui allège le travail de promotion et améliore la diffusion de la musique. Donc oui, cela accroît quelque peu notre visibilité (je n'irai pas jusqu'à parler de notoriété !).

Tu as enregistré toi-même vos sorties discographiques et tu apprécies de le faire. Est-ce que vous allez continuer ainsi et garder ce côté DIY ou alors vous pensez tester un jour un enregistrement par quelqu’un d’extérieur au groupe ?

Rien n'est tranché pour le moment. Enregistrer soi-même a l'immense avantage d'être très économe. J'ai appris l'enregistrement sur le tas (durant les trois ou quatre dernières années) et je trouve cela gratifiant de réussir à enregistrer un disque qui sonne « à peu près » comme l'idée que l'on s'en faisait. Par contre, c'est assez usant à la longue car très chronophage quand on n'est pas technicien professionnel (tout me prend sûrement beaucoup plus de temps qu'à un ingénieur du son !). On manque aussi parfois un peu de recul quand on a à la fois composé, enregistré et mixé un disque. Un regard extérieur n'est jamais une mauvaise chose. Si j'avais le choix (et l'argent), je pense qu'on irait enregistrer le prochain Tendinite dans un « vrai » studio via quelqu'un d'extérieur, sur une période courte, ce qui me permettrait de me concentrer sur d'autres aspects concernant le groupe, et cela me libérerait aussi du temps pour enregistrer d'autres groupes (ce que j'apprécie, pour le peu de fois où je l'ai fait).

Que penses-tu de la scène locale à Reims ?

Au niveau infrastructures, on commence à manquer cruellement de lieux, avec la fermeture de deux bars historiques de la ville (L'Excalibur et l'Appart Café). Ces derniers ont accueilli un nombre phénoménal de concerts, tant de groupes locaux, que de groupes DIY en tournées. On en ressent encore peu les effets (du fait de la crise sanitaire), mais cela sent mauvais en terme de dynamique.

Tu as quelques groupes à nous conseiller ?

Dans des styles assez variés : Rhume Carabiné, Harpon, Krokodil , Isaac, Petit Chacal.

Votre musique est très hétéroclite, mélange de noise rock, punk, rock 70’s, garage rock, le résultat des influences de chaque membre du groupe ?

Avec les deux autres membres du groupe, on a en commun une fréquentation assidue des concerts en cave/bars/squatts qui vont du grindcore à la cold-wave durant les vingt dernières années. C'est une sorte de socle commun, même si cela n'est pas à l'origine du son du groupe. Tendinite s'est monté sur l'envie de faire du rock'n'roll au sens large du terme. Après forcement, on y trouve mes marottes des vingt dernières années (The Gun Club, les Cramps, Hot Snakes, Richard Hell, the Jesus Lizard, mais aussi les premiers Thee oh Sees ou les Black Angels). On espère que le tout forme un ensemble assez cohérent, mais effectivement, cela brasse large !

Qu’est-ce que vous écoutez quand vous êtes ensemble ?

Le bruit de la machine à café, Ben et Michel qui tirent sur leur cigarette, et nos oreilles qui sifflent.

Vous totalisez actuellement une vingtaine de concerts, j’imagine que vous avez hâte de pouvoir agrandir ce chiffre dès que possible ?

Oui, mais le quotidien, l'âge et une certaine forme de procrastination nous ralentissent dans notre plan visant à devenir un groupe qui tourne à fond. Blague à part, si il y a bien une chose plus éreintante pour moi que d'enregistrer un disque, c'est bien d'essayer d'organiser une tournée ! Il faut prévoir des plombes à l'avance et être un véritable forcené au niveau de la recherche de lieu, du démarchage d'assos … cela demande une énergie folle !

Si vous aviez le choix, de quels groupes vous aimeriez faire la première partie ?

Franchement, je ne sais pas si j'aimerai faire la première partie de mes groupes cultes. Ce serait forcement un honneur mais je serai tellement mort de trouille à l'idée d’être mauvais que je pense que je n'y prendrai aucun plaisir ! En fait, je crois que je préférerais faire la première partie d'un gros groupe bien nul en live !

Et quelle reprise vous aimeriez faire ?

La reprise idéale doit être décalée, ou en tout cas surprenante par rapport à l'univers du groupe. Si c'est pour reprendre un groupe dont on sent l'influence dans notre son, je ne vois pas l’intérêt. On a une reprise d'un tube de variété anglo-saxonne dans les tuyaux depuis longtemps, mais on ne l'a pas encore enregistrée.

Avec tout ce bordel ambiant actuellement, vous arrivez tout de même à vous réunir et faire avancer Tendinite comme vous le voulez ?

Absolument pas.

L’idée de composer à distance chacun de votre côté vous a effleuré l’esprit ou pas ?

Pas vraiment. Je pourrais trouver des riffs, les mettre sagement de côté en attendant que l'on puisse reprendre les répètes mais je n'en éprouve pas franchement l'envie ces temps-ci. C'est le fait savoir que je vais répéter qui me donne envie de prendre ma guitare et de trouver de nouveaux riffs. Perso, je ne prendrai aucun plaisir à faire des maquettes de mon côté, à les transmettre aux autres et à ce que chacun bosse un truc de son coté. Je trouve ça trop froid et à l'opposé de notre démarche habituelle. Je préfère franchement la dynamique de groupe et la facilité qui découle naturellement de notre formule à trois. Et la musique que l'on joue supporterait mal l'idée d'une répétition à distance (et puis faut dire la vérité, on n'est pas assez bons en informatique !). On va donc continuer de prendre notre mal en patience, et je me dis que quand on pourra répéter à nouveau, refaire un concert, ce sera forcément avec un plaisir décuplé !

Pour finir, vous avez tribune libre

On voudrait remercier les personnes qui ont travaillé sur le disque : Benoit Courribet qui fait le mastering de nos disques depuis le premier EP et qui a toujours pris le temps de nous faire des retours sur les mix, d'écouter nos requêtes parfois tordues. Sylvain Masure, un pote ingénieur du son (Le Chalet) qui nous prête son oreille experte dans les moments où je doute le plus sur le mix. Val l'Enclume, évoqué plus haut, mais aussi Alan (Baron Nichts) et El Penguin qui nous ont pondu deux clips parfaits pour accompagner la sortie de l'album. Et merci à toi pour ton intérêt !

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