Groupe:

Pat O'May

Date:

05 décembre 2021

Interviewer:

Didier

Interview Pat O'May

Bonjour Pat, la dernière interview sur notre site date de 2018, à l’époque tu avais discuté avec Yann de la sortie de One Night In Breizh Land. Depuis le monde traverse une pandémie qui ne facilite pas la vie des artistes je suppose. As-tu réussi à rester actif dans cette période compliquée ? Est-ce que c’est un contexte propice à la création artistique selon toi ?

Bonjour, cette période a été très compliquée à gérer. Tout d’abord on a été arrêté net dans une tournée des 3 Pat (Pat Mc Manus, Patrick Rondat et moi-même) on était si contents de se retrouver pour une bonne vingtaine de dates ! Le jour de la première, tout a été stoppé. On est rentré chez nous en se disant qu’on se retrouverait en mai … mais évidemment rien ne s’est passé comme nous l’espérions ! J’étais sur les finitions de mon nouvel album, donc je me suis dit que j’allais en profiter pour peaufiner les textes, les arrangements etc. … Puis tout s’est accéléré pour le pire, et je me suis surpris à ne plus arriver à me projeter, cette période a été assez angoissante pour être franc ! Je ne voyais même pas comment on allait pouvoir se retrouver avec le band pour enregistrer l’album ni quand nous pourrions enfin remonter sur scène ! Par rapport à la création je pense que chacun a fait comme il pouvait, certains ont trouvé la force créative d’autres moins. Si on fait de la musique c’est aussi parce qu’on est très sensibles au monde qui nous entoure, donc …

Avant de parler de ton dernier album, je voulais revenir sur ta carrière déjà bien garnie. Tu as décidé de passer en solo en 1993 soit il y a presque trente ans. Si tu devais faire un bilan de cette période et de cette décision tu dirais quoi ?

Quand j’ai décidé de partir sur une carrière solo c’était pour avoir la liberté la plus débridée, je ne regrette pas le moins du monde cette décision, j’ai la chance de pouvoir faire ce que je veux quand je le veux, alors dans ce sens je suis plutôt heureux !

En tant que musicien de metal aujourd’hui, qu’est-ce que des expériences telles qu’Excalibur, The Celtic Rock Opera ou la comédie musicale Anne de Bretagne t’ont apporté ?

C'est toujours agréable d’être appelé à rejoindre de tels projets. J’ai appris beaucoup sur moi-même et j’ai fait des rencontres incroyables, jouer aux côtés d’Alan Parson, John Helliwell entre autres et surtout avec Martin Barre avec qui je suis parti en tournée pour rejoindre son groupe pendant presque 5 ans ! Sans oublier Moya Brennan avec laquelle j’ai enregistré un duo, ou encore le New Symphony Orchestra pour lequel  j’ai écrit  l’album  Keltia Symphonia … Je n’ai que des bonnes vibes de ces moments privilégiés.

Il me semble que tu puises beaucoup de ton inspiration dans les légendes et dans l’Histoire, c’est important pour toi ces repères ?

Oui, j’adore l’histoire, je pense que si je n’avais pas choisi d’être musicien, je serais probablement devenu historien ahahah !

Tu es né en Normandie, mais La Bretagne semble être devenue une seconde patrie. Tu peux nous expliquer comment s’est passé ce coup de cœur avec la Bretagne et sa musique ?

C’est assez simple, mes origines Irlandaises ont toujours été présentes en moi ; la culture Celte de la Bretagne a été comme un appel irrésistible. J’ai toujours été fan de la musique de Dan Ar Braz et d’Alan Stivell qui est pour moi un des pères de la World Music ! Le temps a fait que j’ai la chance de les compter parmi mes amis et j’ai eu l’honneur de faire beaucoup de choses avec eux, c’est chaque fois un pur bonheur !

Quand on écoute ta musique on y trouve pas mal d’instruments de cultures et d’origines diverses (castagnettes, cornemuse pour n’en citer que deux) assez rarement associé au rock, encore moins au metal. Pourtant ça sonne super. Tu as une façon particulière de les intégrer ? Et as-tu tenté des expériences qui n’ont pas fonctionné ?

Castagnettes ? ahahaha, j’en ai utilisé dans les musiques que j’ai écrit pour Thalassa, mais jamais sur mes albums ahahaha, mais pourquoi pas ? tout peut arriver ! Sinon oui, j’aime les mélanges c’est très excitant ! Essayer de proposer quelque chose de différent est vraiment dans mon ADN. Pour la cornemuse j’en ai utilisé sur des morceaux comme Overlord par exemple. Mais je crois que mon instrument Celtic favori est le Uilleann pipes qui est une version Irlandaise de la cornemuse Ecossaise. Pour l’anecdote, Les Anglais ont interdit aux Irlandais de jouer de la cornemuse debout, cet instrument leur semblait un instrument guerrier qui appelait à la révolte, et en jouer assis est quasiment impossible, du coup les Irlandais ont inventé cet instrument, qui ne peut être joué qu’assis, pour continuer la rébellion ! Ces Irlandais ahahah !
Pour répondre à ta dernière question, j’aimerais faire un morceau avec des tablas ou un violon très yeddish mais je n’ai pas encore trouvé ! Ça viendra peut-être un jour ou pas !

Il me semble que tu es Irlandais par ton père et lorsque tu étais en concert à Nice cet automne tu as plaisanté sur le choc de ta première rencontre avec l’Irlande. Quel âge avais-tu et qu’est-ce qui t’a le plus émerveillé lors de cette découverte (à part la bière, bien sûr :-) ?

C’est mon arrière-grand-père qui était Irish. La première fois que je suis arrivé en Irlande, j’avais 25 ans, et c’était comme si je rentrais à la maison, un moment bourré d’émotion !

En parlant d’Irlande, tu nous as aussi repris Over The Hills and Far Away du regretté Gary Moore lors de cette date à Nice avec Patrick Rondat. Tu as aussi participé à des concerts hommage à Gary. Il est une influence importante pour toi ?

Patrick et moi sommes fans de Gary Moore depuis toujours, cette année marque les dix ans de sa disparition et nous avions envie de rendre hommage à sa musique ! Pour la petite histoire, cette année j’avais planifié avec ma manageuse un évènement avec Neil Carter, Ian Paice, Jonathan Noyce et bien d’autres pour célébrer la musique de Gary, malheureusement le covid nous a empêché de le faire, mais bon, comme nous sommes têtus … enfin on verra bien !

Tu sembles plus Gary que Rory, une raison à ça ?

Je suis fan des deux, mais c’est vrai que je suis moins blues, ceci dit je ne peux que vous inciter à écouter Top Priority de Rory et vous allez être étonné !

Tout au long de ta belle carrière tu as côtoyé pas mal de grands guitaristes. Mais quel guitariste de légende regrettes-tu n’avoir jamais pu rencontrer ?

Ben … Gary Moore !  peu avant son décès nous devions nous retrouver, grâce à Martin Barre sur une Jam à Londres, la vie en a décidé autrement …

Bon revenons sur 2021, tu sors un magnifique album Welcome To A New World. Vu le contexte actuel, on se plait à rêver un peu. Pourtant tout n’est pas rose dans ce New World du héros No Face. Le pauvre bougre n’est pas gâté. Raconte nous un peu l’histoire que raconte ce concept album ?

Merci ! C’est le parcours initiatique de ce personnage qui peut être chacun d’entre nous. Il s’est enfermé dans ses certitudes en oubliant de s’ouvrir au monde qui l’entoure. Il se concentre sur sa zone de confort et se ferme à la vie. Le thème de cet album indique que le monde n’est pas contre toi, mais avec toi ! A force de s’enfermer dans nos peurs on ne voit plus que la peur et rien d’autre n’existe. Mr No Face va enfin s’ouvrir et enfin rencontrer son futur ! C’est très optimiste en fait ahahah !

Je te l’avoue, je ne connaissais pas ton travail et je t’ai découvert avec cet album et j’ai de suite accroché. J’aime beaucoup l’idée du concept album avec ses enchainements parlé ou cinématique. Comment as-tu travaillé pour la composition de cet album ?

Eh ben bravo ! ahahah . J’aime raconter des histoires, essayer de faire voyager les gens. Pour cet album j’avais envie de les emmener dans une ballade du début à la fin au fil des titres. Au niveau conceptuel j’ai des sources d’inspiration tel que l’album de Ange « Par les fils de Mandrin »,  « Tommy » des Who ou encore « Matrix ». Ayant eu la chance d’écrire beaucoup pour Thalassa ou pour des films, le côté « cinématographique » me passionne ! Pour la réalisation de l’écriture, tout s’est enchaîné, j’ai composé les morceaux dans l’ordre ou tu peux les entendre sur l’album ! C’est la première fois que ça m’arrive !

Tu es accompagné par tes excellents compères John Helfy aux fûts et Christophe Babin à la basse, ceux-là même qui t’accompagnent aussi en live, c’est la meilleure formation pour toi le trio ?

En tout cas je dois te dire que je suis fan de ces musiciens, en fait pour moi ce ne sont pas des musiciens mais des artistes, ils ont cette force qui te fait voyager, donc oui c’est la dream team for ever !

Tu signes paroles et musiques, mais est-ce qu’ils te donnent aussi leur avis et est-ce que tu l’écoute :-) ?

Nous sommes tellement fusionnels que je suis toujours prêt à prendre leurs idées qui vont pousser l’album !

Tu es un excellent guitariste et même sans t’avoir écouté, je connaissais ta réputation, mais par contre je ne te savais pas aussi bon chanteur. Ça ne pose apparemment pas de problème de cumuler ces deux rôles ?

Merci, en fait Irish roots obligent, on a toujours chanté chez moi, ça fait partie de l’ADN ! Pour être franc au début je ne voulais être que guitariste, mais avec Marienthal nous cherchions un chanteur et nous ne trouvions pas ; alors je m’y suis collé. Maintenant c’est devenu indissociable, j’aime faire les deux, j’y prends du plaisir !

Je suis raide dingue de ton morceau Grinch. Qui est le grincheux ? Franchement c’est tailler pour faire un carton ça. Comment est-ce possible de découvrir que ça ne “fait” que 176 vues sur YouTube bordel ?  Au secours ! Faudrait voir à soigner un peu tes Social Media ?

Merci ! je ne comprends rien à Youtube ! c’est certain, il y a une façon de poster  pour que les vues grimpent qui nous échappent  . Ce que je vois c’est que sur scène les gens connaissent les paroles et chantent Grinch avec nous et ça c’est incroyable ! Par contre c’est vrai que s’il y a quelqu’un qui peut nous aider sur les réseaux sociaux on est preneurs ahhahahah !

Il y a pas mal d’autres morceaux que je qualifie de tubesques dans cet album, Please Tell Me Why, The Warrior, In This Town, je te soupçonne de travailler sur les refrains pour les rendre addictifs, allez, avoue !

Et bien non, en fait je suis complètement victime de l’inspiration !

J’ai aussi trouvé des morceaux comme Here To Be où tu chantes avec des intonations de Pat McManus, encore un irlandais génial, qui manie la 6-cordes comme un dieu. C’est encore une grosse influence pour toi ?

Pat est devenu un de mes plus proches amis depuis plus de vingt ans ! Bien sûr que ce musicien est un monstre de génie ! Et puis nous avons ces origines en commun, je te jure que ce lien est fondamental ! 

Le son de cet album est monumental, comment as-tu obtenu ce résultat ?

Mille mercis !!! J’ai toujours été passionné par le son depuis les années 80, pour moi le son fait partie de la composition. J’ai très vite été dans les studios pour mieux le comprendre et le décrypter.  Avant les années 80 les mecs dans les studios étaient là pour enregistrer les musiciens, et puis nous avons découvert que la production commençait dès la prise de son, qu’il faisait partie intégrante de la composition, un changement radical ! Je me rappelle de l’enregistrement de Breizh Amerika avec Ron Thal, il avait tout compris et m’a apporté tellement, Ron est une personne exceptionnelle ! J’ai beaucoup appris à ses côtés. 

Je me suis régalé lors de ton passage au Festival de Guitare de Nice. Petite foule mais belle ambiance, tu m’as semblé une personne facile d’accès, proche de ton public. Tu te marres souvent et n’hésites pas à te moquer de toi même (et des roux :-). Ça n’est pas forcément le comportement type de guitar hero, du coup je me dis que tu ne dois pas trop te reconnaitre dans ce terme ?

C’est normal d’être proche des gens qui ont la gentillesse de venir nous voir non ? Pour le côté roux c’est tellement marrant pour moi maintenant, j’aime la dérision et avoir de la distance par rapport à ça et dans la vie en général. Quand j’étais gamin je me suis retrouvé aux urgences car des connards m’avaient cassé la gueule parce que j’étais roux. Je te passe les quolibets, « comment y va poil de carottes », ou « rouquintos » etc., bref aujourd’hui tout cela me fait marrer !
Sinon oui il y a des gens qui se prennent au sérieux, trop peut être ! Moi j’essaie juste d’être centré. Mon truc c’est que je suis tellement heureux d’être sur scène que je ne vais pas faire la gueule, j’ai trop de respect pour le public, quand je suis sur scène je suis moi. Regarde Iron Maiden ; je ne me permettrais pas de comparer bien sûr, mais quand ils sont sur scène ils sont juste bien ; moi aussi !       

Votre tournée “Pat & Pat sont dans un bateau…” s’est-elle bien passée ? En tout cas à Nice vous étiez au top.

On adore se retrouver ! Pat est un être exceptionnel musicalement et humainement, nous sommes en parfaite harmonie ! Tu aurais dû venir à Lyon c’était encore mieux ! ahahahah ! Nous projetons bien d’autres dates ensemble bien sûr, en attendant de retrouver Pat Mc Manus !

Quels sont tes plans pour 2022 ?

Jouer le plus possible bien sûr !

Je te remercie d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…  

Feel free et n’ayez pas peur du futur !




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