Même si je m’en suis régalé en boucle pendant les semaines qui suivirent sa sortie en 2018, le précédent album du goupe, Awake, unanimement salué par la critique et merveilleusement accueilli par les fans ne m’avait bizarrement pas emballé outre mesure. Je trouvais Voivod un peu mou sur ce, néanmoins, très bel album et j’espérais secrètement un retour à quelque chose d’un peu plus dynamique, à un peu plus d’énergie. Synchro Anarchy m’a, sur ce point et sur tant d’autres, comblé au-delà des espérances que j’avais placé en lui, des espérances excitées par l’excellent premier single Planet Eaters dévoilé par Century Media il y a quelques semaines.

Moins progressif, plus direct, plus compact, plus court mais surtout plus vigoureux, ce nouvel album voit le groupe se rapprocher de l’extraordinaire Dimension Hätross sorti en 1988, incroyable pour le vieux fan que je suis. Voivod ne renoue pas pour autant avec le thrash de  ses jeunes années mais avec la fougue d’antan assurément. Le groupe s’appuie sur son passé et son histoire pour avancer encore. Les neufs morceaux, neufs caractères bien trempés, ne souffrent d’aucun temps mort ni d’aucun temps faible et Synchro Anarchy trouve dès la première écoute sa place dans la discographie sans failles de ce groupe hors du commun. Tout y est, les dissonances évidemment, l’alchimie du quatuor immédiatement identifiable, ce son, cette approche, la basse qui fait jeu égal avec la guitare, la voix si singulière de Snake, ses lignes de chant typiques, ses refrains qui s’ancrent sans délai, la hargne, la beauté, le psychédélisme, une certaine vision du futur et cette ambiance inimitable, tant sonore que visuelle, tout Voivod est dans ce disque qui ne surprendra pas mais enchantera assurément tant le groupe se montre ici, comme ce fût très souvent le cas, sous son meilleur jour.

Synchro Anarchy est avant tout remarquable par sa production absolument exceptionnelle qui met parfaitement en valeur le dialogue passionnant entre les guitares excentriques de Chewy et la basse virevoltante de Rocky, les deux instruments totalement indépendants se nourrissent l’un de l’autre et s’appuient l’un sur l’autre pour créer des parties ingénieuses et renversantes.
Une fois encore, il me faut remercier Chewy d’avoir réalisé l’irréalisable en offrant à Voivod une autre vie après la disparition tragique du génial Piggy. Il était probablement le seul guitariste à pouvoir reprendre le flambeau et, par la même, permettre à Voivod de poursuivre son impeccable carrière sans perdre une once de talent, de pertinence et d’originalité. Son travail sur Synchro Anarchy est une fois de plus époustouflant, plus que jamais peut être, ses riffs pourtant peu saturés sont à la fois complexes, mélodiques, dissonants et toujours surprenants. Impossible ne pas tomber instantanément amoureux de ce riff tout en palm mute venu d’ailleurs sur Quest For Nothing des trémolos surprenants du monstrueux Paranormalium, de tous ces arpèges déglingués et des ces solos magnifiques qui mettent la touche finale à une œuvre qui hisse Voivod au sommet de son Art.

Impossible de ne pas évoquer cette batterie sans pareil, souvent plus rock que thrash mais étrangement difficile à suivre sur nombre de plans tant Away est malin dans son jeu atypique, audacieux dans son placement et créatif dans la construction de ses patterns et des innombrables cassures rythmiques qui balisent tout l’album. Comment résister au break chaloupé de Synchro Anarchy, au groove balancé de The World Today et aux innombrables subtilités qui offrent à ce nouvel album une durée de vie simplement colossale. Away n’est pas Georges Kollias, il ne blaste pas à 340 bpm mais il est un grand batteur, Voivod est un grand groupe composé de grands musiciens. C’est dit.

Trente huit ans après avoir sorti son premier album, Voivod semble toujours seul au monde, capable en 2022 de ne sonner comme personne et de livrer une vision du (thrash) metal simplement unique, seul dans son monde à lui, grâce à son interprétation exceptionnelle, avant-gardiste, et sa collection de riffs extravagants et incomparables. La scène métallique a explosé en dizaines de sous genres, d’hybrides parfois improbables, et pourtant Voivod n’a aujourd’hui aucun équivalent et reste cet OVNI qui bouscula la scène thrash metal au début des années 80. Avec Synchro Anarchy, le groupe assume sans faillir, une fois de plus, son statut de formation culte, originale et depuis longtemps incontournable, la très grande classe !

Tracklist de Synchro Anarchy : 

01. Paranormalium
02. Synchro Anarchy
03. Planet Eaters
04. Mind Clock
05. Sleeves Off
06. Holographic Thinking
07. The World Today
08. Quest For Nothing
09. Memory Failure