C H R O N I Q U E

L'an de grâce 1996. Korn teinte son noir de violet pour un Life Is Peachy ravageur, Marylin Manson se fait un nom avec Antechrist Superstar, Sepultura assomme le monde avec Roots puis se sépare de Max Cavalera, Metallica déçoit et se tire une sacrée balle dans le pied avec Load, et Type O Negative donne un successeur au très bon Bloody Kisses. Peter Steele et Josh Silver décident de plomber le ton, de sortir les mélodies aériennes et graves, d'adopter une attitude à la fois plus Doom et plus légère. La révolution gothique est en marche.

Tout commence par un larsen electro discret, puis les membres du groupes se présentent et nous remercient d'avoir acheté October Rust. Même la poule est là. Puis le voyage commence. Le bal hanté, magique, se met en place. Love You To Death se pose doucement. La voix de Peter nous accueille. Une histoire d'amour, oui, mais désespérée. Peter insiste lourdement sur le fait qu'il est prêt à mourir pour l'objet de son amour mais finit par se remettre en question. "Am I coud enough for you ?". Beau à pleurer, terriblement mélancolique tout en revêtant un apparat de sensibilité extraordinairement puissante. Les armes sont déposées, toute personne ayant déjà été amoureuse ne peut que se mettre à genoux devant cette chanson. Le ton est donné.

Be My Druidess enfonce le clou. Une ambiance à peine descriptible, à mi-chemin entre la léthargie amoureuse et la passion cosmique. Enrôleur, séduisant, magique, terriblement dépressif tout en étant superbement optimiste.

Oui, ce disque est une série de paradoxes. Puis Peter Steele nous décrit son amour de la nature. Green Men est une ode à notre Terre. Il y décrit son appréhension des 4 saisons, leur beauté. Puis on plonge définitivement dans la lourdeur. Lourdeur des âmes, lourdeur des sentiments, profondeur de l'Homme, Red Water (Christmas Morning) et son rythme Doom à souhait vous enveloppe littéralement de son velours enneigé. Les mélodies comptent tout simplement parmi les plus belles jamais trouvées dans le monde Gothique. Terriblement émouvant, terriblement éprouvant. Nous sommes plongés dans un tourbillon gothique classieux, sous une hutte d'assudation perpétuelle qui ne nous renvoie que notre propre destin.

Le groupe se permet une petite accélération de rythme, My Girlfriend's Girlfriend pose son entrain noir, son allure rock et son message dérisoirement ironisé. Car oui Type O Negative n'a pas perdu son sens du second degré, il l'a simplement amené au 3000ème degré. Preuve le morceau suivant Die With Me. Peter Steele y décrit son amour pour l'aviation, enfin pour les catastrophes. S'y croisent et recroisent des métaphores amoureuses transposés via des compagnies aériennes. Là encore l'ambiance est indescriptiblement sublime, surchargée juste ce qu'il faut émotionnellement. Terriblement triste sans l'être complètement, Type O Negative réinvente l'idée même d'émotion.

Puis hop sans prévenir direction les plaines fleuries, les chèvres nous immergent dans Burnt Flowers Fallen. Le rythme est lent, le ton intimiste. Puis l'artillerie lourde reprend, le laminage affectif, le 38 tonnes émotionnel reprend sa course pour un In Praise Of Bacchus monumental, la voix y est trafiquée mais c'est uniquement pour faire ressortir la beauté de la voix de Peter.

Puis vient une reprise de Neil Young, Cinnamon Girl, totalement retravaillée et très à propos, elle ne fait en aucun cas tache dans l'univers magique de cet album. Puis le réveil sonne, les chasseurs libèrent la patrie de Vinnland, les chars roulent, la propagande soutenue par les guitares, on passe à une sorte d'ambiance post libération. Puis plus de légèreté s'installe, le groupe prépare peu à peu l'auditeur pour son retour à la réalité. Wolf Moon, toujours dans le ton général de l'album mais traité avec plus de joyeuseté. Moins de lourdeur émotionnelle, un morceau de transition. Vers le gothisme absolue, plus le gothisme romantique et profondément désespéré, non, celui tapi de monstres, de vampires, de fantômes.

Haunted donc qui porte finement son nom avec un Peter qui revient nous hanter, sa voix, ses ambiances restent. Le groupe ne peut pas vous quitter comme ça et il va donc hanter vos rêves. Et voilà. Peter nous dit que c'est tout ce qu'ils ont, qu'il espère nous voir sur ses concerts. Tout simplement. Type O Negative vient de tuer les pseudos groupes mélancoliques, il vient de recréer la définition même de la mélodie triste, la notion de beauté elle même n'a jamais eu de meilleur ambassadeur que ce October Rust. L'album sera décrié, critiqué mais 11 années plus tard, il apparaît que très peu d'albums peuvent rivaliser en termes de beauté, en terme d'émotion. Cet album est magique, profond, vrai, étourdissant, bouleversant. Que l'on soit fan de métal ou de musique sombres, que l'on soit gothique ou non, on se doit d'avoir cet album.