Gros buzz dans le monde du hardcore que ce Time & Space de Turnstile. Il faut dire que le timing était plutôt bon. Avec déjà trois EP (Pressure To Succeed en 2011, Step 2 Rythm en 2013, Move Thru Me en 2016) et un premier album studio Nonstop Feeling en 2015, le quintette originaire de Baltimore s’était bien fait remarquer. Composé de Brendan Yates au chant, Daniel Fang à la batterie, Franz Lyons à la basse et de Brady Ebert et Pat McCrory (ce dernier étant arrivé en 2016 en remplacement de Sean Coo) aux guitares, Turnstile a passé un cap avec ce Time & Space. Déjà en signant sur une major, fait assez rare surtout dans le monde très Do It Yourself du Hardcore. Et pas n’importe quelle major puisqu’on parle de Roadrunner, maison de disques toute puissante de la fin des années 90 (et accessoirement propriété de Warner) et qui en plus a longtemps eu une image très associée à la Scène Néo Metal. Encore plus « aggravant » pour son cas, Turnstile a fait appel à deux producteurs renommés : Diplo et Will Tip. Ajoutez à cela un article sur lemonde.fr (véridique, tapez sur YouTubothèque de Turnstile sur votre moteur de recherche préféré), phénomène également assez rare. Le lecteur l’aura compris, on s’est retrouvé devant un véritable buzz dans les règles de l’art médiatique. Mais le temps a quelque peu passé, le soufflé est quelque peu retombé et il nous est donc possible d’aborder ce disque avec un peu plus de détachement.

 
Et autant le dire tout de suite, c’est du bon, du très bon même. Avec un vrai parfum 90’s, nous revoilà face à un hardcore assez malin car flirtant entre différents styles musicaux tout en gardant une unité propre. On retrouve parfois un côté surfer, quelques mélodies de chant limite pop comme ce wouw hou hou sur I Don’t Wanna Be Blind placé avant des parties de chant bien plus agressives qui fonctionne très bien. Globalement, le chanteur Brendan Yates est le grand vainqueur de ce disque. Son chant agressif est une pure merveille et va comme un gant à la musique du groupe. Pour en avoir un bon aperçu, le premier titre Real Thing en est un excellent exemple (ce morceau est juste génial !!) et je pourrais presque citer tous les titres. Generator, très typé 90’s, alterne les tempos avec brio (cette relance à deux minutes trente est très bien trouvée) et surtout réussit à rendre le tout cohérent. Ce Time & Space varie bien les plaisirs entre morceaux courts (de moins de deux minutes comme ce très bon enchaînement High Pressure - (Lost Another) Piece Of My World) et d’autres plus longs dépassant légèrement les trois minutes, un peu plus élaborés. Si le chant ne manque pas d’agressivité, la musique est plus accessible. Nous ne sommes pas en présence d’un hardcore « thrashisant » mais plutôt allant vers un rock bien énergique. La violence est moins présente que chez des Terror et le côté Metal est assez peu présent. Cela ne rend que plus intéressant ce groupe qui a le mérite de proposer autre chose et on sent un vrai potentiel d’évolution chez Turnstile. Il faudra clairement suivre ce groupe à l’avenir.

 
S’il faut toujours se méfier des buzzs médiatiques, il faut admettre que Turnstile mérite assurément le détour. Surtout, le hardcore, scène qui reste underground, a tout à gagner à avoir de tels porte-étendard avec une vraie capacité à fédérer. J’ignore par définition l’avenir des Américains mais sans vouloir leur mettre la pression, leur prochain album sera particulièrement attendu. A noter en passant que les performances live de ce groupe sont assez réputées. Malheureusement, j’avais laissé passer ma chance lors de leur passage au premier Paris Hardcore Fest au Gibus joué dans la foulée d’une première participation au Hellfest 2018. Un groupe à suivre de près. Merci à eux pour ce vent de fraîcheur apporté dans une scène hardcore qui décidément regorge de belles surprises et propose une belle variété de groupes.

Tracklist de Time & Space :