Pas facile de trouver des points positifs à l’arrivée du COVID dans nos vies...
même avec toute la bonne volonté du monde. Pourtant, grâce à lui,
l’album solo de Todd La Torre (chanteur de Queensrÿche depuis 2012) aura vu le jour plus tôt que
prévu, le chanteur ayant profité du temps d’arrêt imposé au groupe dont
il fait partie pour terminer ce Rejoice In The Suffering. Maigre consolation au vu de tout ce
que nous inflige le coronavirus, j’en conviens, mais on dira que c’est mieux que rien. Et on
en profitera pour remarquer que, d’une certaine façon, l’album porte assez bien son
nom car on a beau souffrir, on va tout de même pouvoir se réjouir.
On le sait, Todd s’est fait remarquer pour ses capacités vocales
hors-normes qui lui ont d’abord permis d’aller chez Crimson Glory avant d’intégrer
Queensrÿche. Cela dit, si vous vous attendez à une œuvre
s’inscrivant dans une lignée semblable à celle de ces deux groupes, vous allez
être sacrément surpris. Bien sûr, il y a de la mélodie et il sera toujours
possible d’établir quelques liens entre ce disque et les formations auxquelles
Todd est rattaché mais, dans l’ensemble, on est face à quelque
chose de bien plus heavy, menaçant et massif. Rejoice In The Suffering, c’est du
gros metal puissant et direct qui ne fait pas semblant. Parfois old school dans son approche,
d’autres fois plus moderne, il propose une certaine variété d’influences et
styles. Il est ce que j’attends d’un album solo (puisqu’il se distingue fortement de
ce que fait Queensrÿche) car, franchement, quel intérêt de sortir un
album sous son propre nom si c’est pour proposer la même chose qu’avec son groupe
habituel ?
Niveau chant, il y a longtemps que La Torre a fait ses preuves. En revanche, certains
avaient peut-être des doutes quant à sa capacité à voler de ses propres
ailes. Ces doutes vont pouvoir être officiellement levés car, avec son complice
Craig Blackwell, il a écrit un album solide. Pour info, La
Torre joue aussi de la batterie ici (il avait déjà enregistré les
parties du dernier Queensrÿche) alors que
Blackwell s’occupe de tout ce qui est guitare, basse et clavier et que
Chris "Zeuss" Harris se charge du mix et du mastering.
Essayons de synthétiser tout ce que vous trouverez dans cette galette. Du gros riff puissant
dès l’ouverture avec un Dogmata percutant sous influence thrash. On
retrouvera cette influence sur les belliqueux Darkened Majesty (au refrain tout de même
plus mélodique et majestueux justement) et Vanguards Of The Dawn Wall (sans conteste le
plus méchant du lot). Todd excelle dans un registre vocal plus agressif que
celui auquel il nous avait habitué jusque-là et se fait plaisir en nous livrant des lignes
Halfordiennes (qui rappellent pour quelle raison il était une recrue de choix
chez Crimson Glory). Il y a aussi des pistes plus mélodiques et vous aurez du
heavy sur l’excellente Vexed (chouette intro acoustique suivie d’un super riff puis
d’un refrain mélodique entraînant... c’est le morceau qui se rapproche le plus
de Queensrÿche sans imiter le groupe en question non plus) ou de la ballade sombre
- sur laquelle Todd livre une prestation plus "grave" et posée, montrant
qu’aucun registre ne lui pose souci - avec Crossroads To Insanity. On trouve aussi des
touches de groove metal issues des nineties dans cet opus et il m’est arrivé de penser au
fameux Fight de Rob Halford à plusieurs reprises.
Le chant et l’ambiance de certaines pistes m’ont également rappeler les travaux de Warrel Dane (Sanctuary ou Nevermore). Tout cela devrait vous donner une idée assez
claire du style de power metal made in USA qui vous attend. Ajoutez un soupçon de heavy thrash
à la Metal Church par endroit et l’image gagnera
en précision. Le son est clair, puissant et moderne, rien à redire là-dessus. Quant
à Blackwell, l’ami d’enfance, il livre du riff baraqué et du
solo fluide avec talent. Je n’irai pas jusqu’à dire que tout est inoubliable pour
autant mais il me sera difficile de nier que l’ensemble affiche de belles qualités et se
révèle franchement efficace.
Si vous devez vous laisser tenter par l’aventure, je vous recommande
l’édition limitée qui comprend trois titres bonus car ils sont de qualité et
contribuent à la diversité de l’album. Fractured fait dans le heavy
mid-tempo assez classique mais efficace et percutant alors que Set It Off emprunte une voie
dont l’instrumentation, le son et l’ambiance me rappellent vraiment les plages les plus
mélodiques du War Of Words de Fight. Le titre le plus
surprenant du lot est One By One, un morceau plus agressif aux influences extrêmes
(batterie énervée avec clavier ambiance black metal sur l’intro, growls sur le
couplet, riffing à l’avenant) qui apporte quelque chose de réellement inédit
à la galette. Intéressant.
Rejoice In The Suffering est la déclaration d’amour de
Todd La Torre au metal sous différentes formes. Le monsieur montre ici
qu’il n’est pas qu’un vocaliste (ou batteur) talentueux et qu’il a plus
d’une corde à son arc. Un album que je n’attendais pas forcément avec beaucoup
d’impatience mais qui constitue une des bonnes surprises de ce début d’année.
Je vous conseille vivement d’y jeter une oreille voire deux.
Tracklist de Rejoice In The Suffering :
01. Dogmata 02. Pretenders 03. Hellbound And Down 04.
Darkened Majesty 05. Crossroads To Insanity 06. Critical
Cynic 07. Rejoice In The Suffering 08. Vexed 09. Vanguards
Of The Dawn Wall 10. Apology 11. Fractured (bonus track) 12.
Set It Off (bonus track) 13. One By One (bonus track)
|