Voilà, cela faisait trois ans que j’attendais ce Holocene, le nouvel et dixième album de The Ocean. Bien entendu, mes oreilles avaient frétillé à l’écoute des deux ou trois titres sortis en préambule (notamment Preboreal et Parabiosis) depuis quelques mois. Le groupe se devait de fermer la série d’albums inspirés par la paléontologie, initiée avec Precambrian en 2007 et poursuivie plus récemment par Phanerozoic I et Phanerozoic II, qui avaient illuminé respectivement les années 2018 et 2020. Comme un message annonciateur, ce dernier se terminait d’ailleurs sur un titre nommé Holocene. Nous ne le savions pas encore, mais ce morceau allait donner la direction de ce qui allait suivre. Tout y est pourtant. Une approche à la fois plus électronique et plus mélodique. Une fin d’album qui a un lien direct, presque filial avec Preboreal, le titre d’ouverture de Holocene. Alors, oui les amoureux des titres plus violents qui peuplent régulièrement les albums de The Ocean seront peut-être surpris, mais enfin, comment ne pas être pris aux tripes par ce Preboreal ?
Pour moi, Preboreal condense tout ce que je kiffe en ce moment. C’est simple, épuré ; cela intègre l’inévitable composant électronique post covid, mais sans en faire trop. L’amalgame obtenu avec le post metal joué avec des vrais instruments, notamment la batterie incroyablement précise de Paul Seidel, et la voix de l’inévitable Loïc Rossetti, est simplement et totalement homogène, équilibré. Dans la même lignée, mais offrant un son encore beaucoup plus profond par l’intermédiaire de la ligne de basse de Mattias Hägerstrand, Boreal impose une rythmique presque militaire. Un titre qui semble ne pas vous laisser le choix et qui en impose par son atmosphère lourde. La légèreté et la finesse de Sea of Reeds, n’en semble que plus évidente. Tout en rupture rythmique, ce titre lent se bonifie sur sa longueur. Dans ce morceau comme dans d’autres, la progression musicale est logique, inévitable, presque naturelle.
La lenteur et l’épuration de l’ouverture d’Atlantic, n’est qu’une façade. Bientôt sa rythmique, ses incrustation électros vont prendre le dessus. Les couches multiples des instruments, telles les incongrues trompettes, ou encore les voix donnent un goût spécial à Atlantic. Elles pavent aussi la voie qui va mener à une fin de titre beaucoup plus solide guidée par les chants gutturaux et une basse martelée, qui a des relents de Gojira. Le post metal groovy de Subboreal est également jouissif. Un titre schizophrène qui oscille en le calme et la violence exprimées par les chants gutturaux de Loïc et, ici encore, une atmosphère Gojirienne. Finalement la vraie rupture va venir avec Unconformities. Autre univers musical, autre voix, autre rythme, rien dans la phase initiale de ce titre ne le relie au travail passé ou présent de The Ocean. Premièrement, ce titre, plus rock que metal, est abordable, presque trop selon moi. La rythmique est simple, pas linéaire, mais prévisible ; et associée à une musicalité étonnante, le duo semble simplement dédié au support de la voix de Karin Park. La Norvégienne, qui a été invitée à participer par Robin Staps, fondateur et guitariste du groupe, apporte son univers personnel et élargit donc le domaine des possibles du collectif allemand.
La seconde partie du titre va progressivement se recentrer sur le cœur du savoir faire de The Ocean. La montée en puissance des instruments, l’ambiance tendue et les hurlements de Loic rappellent à ceux qui l’auraient oublié que nous sommes dans un album post metal. Monstrueux. A peine sorti de ça, Parabiosis va nous apaiser. On retrouve dans ce titre l’essence même du travail du groupe. Porté par la voix de Robin Staps, le titre nous rappelle que si les morceaux de The Ocean peuvent paraitre simples, ils sont en fait créés grâce à l’agencement complexe d’une infinité de lignes musicales et d’incrustations sonores. Prenez le temps de détailler ce lumineux Parabiosis pour mieux comprendre cette brillante complexité. Subatlantic qui clôt l’album est une sorte de pendant du Holocene de Phanerozoic II. Il nous replace dans l’univers torturé du groupe et nous assène son message humaniste annonciateur de toutes nos dérives par l’intermédiaire des guitares et autre hurlements. Sa fin toute en violence nous prépare-t-elle à la suite ? Une plongée dans un autre cycle en rapport avec l’eau ? Une continuation du génial Pelagial ? A voir.
Si l’épicentre du groupe semble, pour cet album, s’être déplacé des guitares de Robin Staps et David Ramis Åhfeldt vers les claviers de Peter Voigtmann et Frieder Hepting, je pense que que l’équilibre du groupe n’a pas été affecté, et n’a peut-être jamais été aussi cohérent. Holocene est puissant, profond, mélodique mais différent de ce que le groupe avait fait par le passé. Pas mieux, ni moins bien, juste différent mais dans la continuité. Et c’est tant mieux.