Quand on n'a pas d'idée de titre pour son nouvel album, que fait-on ? On compte sur ses doigts et on donne un chiffre à son nouveau bébé... Voilà, Tad Morose avait huit albums et un EP à son actif, ce cru 2018 s'appelle donc Chapter X. Après un St. Demonius sympathique mais un peu décevant (j'ai légèrement surnoté à l'époque, un petit 14/20 aurait largement fait l'affaire même si la différence obtenue n'est pas très importante, j'en conviens) et un cran en dessous d'un Revenant plus réussi mais lui-même moins remarquable que le précédent Modus Vivendi, il ne nous reste plus qu'à espérer que cet apparent manque d'inspiration à trouver un titre original ou intrigant à ce nouvel opus s'arrête là et ne concerne pas son contenu. Pour rappel, les Suédois de Tad Morose ont connu quelques changements de style et de line-up depuis le début des années 90. Leur heavy fut d'abord teinté de touches progressives et de claviers qui posaient une ambiance onirique ou mystique. Puis le propos s'est graduellement musclé. Au revoir les claviers, bonjour la deuxième guitare. La musique du groupe est devenue plus traditionnelle, entre heavy et power sombre, directe et tranchante. Avec Chapter X, on retrouve quasiment le même line-up (à un bassiste près, Johan Löfgren remplace Tommi Karpanen) pour la troisième fois consécutive et on reste dans ce style malgré quelques (très) furtives références au passé. Voilà donc un album se situant dans la lignée de ce qui a été fait sur Revenant et St. Demonius.

Qualitativement, on se trouve aussi dans la continuité des deux albums précédents... c'est à la fois une bonne chose et une déception. Une bonne chose parce que les compos de Tad Morose sont globalement solides et plaisantes. Personnellement, ce groupe m'a toujours "parlé" et je garde une certaine affection pour ces Suédois qui ont un son, un sens de la mélodie et des ambiances qui touchent une corde sensible chez moi. Une déception parce que ce Chapter X n'arrive pas à dépasser le stade du bon album et n'intègre donc pas la catégorie des petites bombes qui marqueront durablement l'année (je ne parle même pas de la décennie). Les qualités habituelles du groupe sont là. On retrouve de gros riffs bien heavy et un son soigné et puissant. Apocalypse ouvre assez bien les hostilités avec son riff un brin torturé et son ambiance sombre. Les Suédois ont ajouté des gros choeurs un peu méchants sur le refrain, il y a un break plus planant à mi-parcours et des claviers qui renvoient aux travaux des premières heures... C'est pas mal du tout. Ca continue encore mieux avec le plus lent Come Morpheus, bien dark, pourvu d'un super riff et d'un refrain à la mélodie singulière. Cette fois-ci, je note que Tad Morose nous offre plus de morceaux rapides qu'à l'accoutumée. Deprived Of Light est une compo speed plus typée power metal et on retrouvera ce genre d'accélération avec Slaves To The Dying World ou la très bonne Turn To Dust. 

Globalement, avec les quatre premières pistes, on a affaire à un très bon début d'album (je ne vous fais pas un descriptif complet mais sachez que le riff et le refrain de I Am Night sont accrocheurs comme il faut) mais une certaine lassitude vient s'installer vers le milieu de la galette. Rien de mauvais pourtant, Tad Morose continue de proposer de bonnes chansons heavy, parfois pesantes, d'autres fois plus enlevées, tout le monde fait du bon boulot... mais on peine à distinguer quelque chose qui sorte particulièrement du lot (à part Nemesis qui possède un refrain et des changements intéressants qui retiennent un peu plus l'attention). Et puis, c'est le souci de ce Chapter X : quatorze titres dans un style assez proche, cela crée parfois un effet de redite. Ecoutez l'intro (ou la fin) de Come Morpheus et le début de Vaunt The Cynical, franchement, on a l'impression que c'est le même morceau. L'album se termine de façon tout à fait honorable avec quelques chansons plus remarquables comme la véloce Turn To Dust, la percutante Where Stars Align ou la plus pesante et mélodique Yet Still You Preach qui nous rappelle que le Black Sabbath période Dio (voire Tony Martin) fait partie des influences des Suédois. Christer Andersson (guitare) nous a encore pondu de bons riffs et Ronny Hemlin, au chant puissant et théâtral (qui me fait toujours penser à Tim "Ripper" Owens), s'est bien égosillé (quitte à parfois un peu trop forcer le trait). J'aime bien... mais il manque quelque chose. Beaucoup de bons ingrédients et d'aspects positifs... mais on attend la compo qui tue, celle qui nous scotche et qu'on a envie de réécouter immédiatement, le tube qu'on voudrait faire découvrir à des potes, la mélodie qui ne sort plus de la tête (on en avait plus quand Urban Breed chantait pour le groupe)... On attend mais ça ne vient pas. Jamais mauvais mais jamais génial, telle est la malédiction de ce dixième album. 

Au final, Chapter X reste un bon album de power/heavy, sombre, chargé de riffs percutants et servi par une production de qualité. Les meilleurs faits d'armes de Tad Morose restent hors d'atteinte, il ne s'agit pas de l'album de leur carrière, mais cela n'empêche pas de passer un bon moment à l'écoute de cette nouvelle galette bien divertissante à défaut d'être bouleversante. Je me dis juste que, depuis le départ du chanteur précédent (Urban Breed), Tad Morose a perdu un élément qui le distinguait davantage des autres groupes de heavy metal. Ronny Hemlin est un très bon vocaliste, je ne lui jette pas la pierre, mais il me séduit moins et, coïncidence ou pur hasard, je trouve que la musique du groupe a perdu de sa brillance depuis son arrivée. Néanmoins, ce dixième chapitre demeure une proposition agréable, réalisée par un combo talentueux et attachant, et qui a suffisamment de bons ingrédients pour séduire les fans du genre. 

Tracklist de Chapter X :

01. Apocalypse
02. Come Morpheus
03. Deprived Of Light
04. I Am Night
05. Leviathan Rise
06. Liar
07. Masquerader
08. Nemesis
09. Salvage My Soul
10. Slaves To The Dying World
11. Turn To Dust
12. Vaunt The Cynical
13. Where Stars Align
14. Yet Still You Preach