Un peu de contexte pour commencer. Les années 90 ont été animées. L’arrivée du grunge qui a quasiment dissous la scène hard rock au début de la décennie, la vague néo déclenchée par Korn au milieu de la décennie a profondément changé la donne avec l’apport de la musique rap et des sonorités bien plus modernes. Et tout cela dans un contexte où les groupes cartonnaient commercialement. Le business tournait à plein régime mais artistiquement, ça bouillonnait. A la fin de la décennie, l’arrivée de Slipknot avec son premier album (bon, en fait le second mais le premier était passé inaperçu) mit un grand coup de pied dans tout ça et fit, à mon sens, le lien entre scène néo et musique extrême. Le concept n’avait rien de novateur (surtout côté outre-Atlantique) avec des types masqués à l’identité gardée secrète (on pense à Kiss). Musicalement, une énergie folle, une violence décuplée, des samples, des formats originaux, un chanteur réellement bluffant et une brutalité maximale pour un rendu aussi créatif qu’épuisant. Rendons-leur hommage sur l’aspect live, le groupe ayant tourné partout où il pouvait et proposant là encore quelque chose de bordélique mais hyper énergique.

Après ce premier méfait (oui oui je sais, le second !!), Slipknot devait confirmer et avec cet Iowa ; les neufs, encore au complet et soudés, ont tout arraché. A tous points de vue, cet Iowa fut un carton. Commercial déjà avec des places de numéro un des ventes dans certains pays (coucou la perfide Albion) mais aussi des Zénith complets à Paris (pour des shows d’une brutalité inouïe), Slipknot fit son entrée dans la catégorie des mastodontes du Metal. Artistiquement, mieux produit (toujours chez Ross Robinson) mais tout aussi brutal, cet Iowa est une bombe. La classique intro lance ce disque avant ce qui est probablement le meilleur de Slipknot sur cette période avec ce People = Shit aussi nihiliste dans ces paroles que surpuissant (ce riff !!!!). Encore aujourd’hui, les ambiances dans les fosses restent délirantes. Et ce démarrage "Here We Go Again Mot...ers". Immédiat, jouissif et parfait pour un public jeune qui veut du défouloir. Et des gros titres qui font mal, il y en a d’autres. The Heretic Anthem, Disasterpiece, pfff que de baffes. Bien agencé, ce disque à l’intensité remarquable offre déjà quelques plages moins agressives (Gently) mais tout aussi malsaines. Le Slipknot des débuts, c’était soit ultra violent, soit malsain. Un joyeux mélange dont on comprend le succès. Corey Taylor fait encore des prouesses comme sur le refrain de My Plague où Slipknot renvoie une grande partie de la scène Néo à ses études. Cet Iowa est vraiment un grand disque où on trouve déjà quelques refrains plus accessibles (My Plague, Left Behind), annonçant rétrospectivement le devenir du groupe. Les paroles renvoient encore et toujours à ce mal-être assez typiquement adolescent et il est bien possible que beaucoup de jeunes se soient retrouvés dans les lyrics rageux du génial Corey Taylor.

Mais c’est aussi l’aboutissement de cet album éponyme qui avait tant marqué. On ne le savait pas encore, mais cet Iowa, sorti deux semaines avant les attentats du 11 septembre, allait durablement changer la donne dans la sphère Metal. Que ce soit lié ou non, la scène Néo avait déjà amorcé son déclin et le Metalcore n’allait pas tarder à débarquer. Slipknot reviendra trois années après avec un disque qui, à l’instar d’un Black Album, désarçonnera son public perdant en brutalité ce qu’il gagnera en puissance catchy. Iowa ou un Slipknot qui achève de délivrer sa colère adolescente avec notamment ce nom d’album donné en référence à leur Etat d’origine (que les membres disaient détester). Le gang de DesMoines a, avec ce méfait, écrasé toute concurrence et repoussé encore les critères de violence musicale (auparavant cantonné à un domaine plus underground) avec une démarche jusqu’au-boutiste et, au final, hyper cohérente (masque / musique / attitude). Un indispensable qui vieillit plutôt bien.

Tracklist de Iowa :

01. (515)
02. People = Shit
03. Disasterpiece
04. My Plague
05. Everything Ends
06. The Heretic Anthem
07. Gently
08. Left Behind
09. The Shape
10. I Am Hated
11. Skin Ticket
12. New Abortion
13. Metabolic
14. Iowa