Silence Of The Abyss est un groupe originaire de Corse, ce qui
n’est déjà pas banal. C’est un trio de metal, formé en 2017 et qui se
compose Jean-Bernard Flores au chant de David Santucci aux guitares et
de Diane Giannelli à la batterie, là encore pas banal.
Diane et David assurent des chœurs et c’est aussi eux qui
ont fondé le groupe à Borgo près de Bastia. Jean-Bernard a
remplacé le précédent chanteur, Julien Colin au pied levé
en 2019. Le groupe avait sorti en 2018, avec Julien donc, un premier EP éponyme
et ce Unease & Unfairness, bien difficile à prononcer, est leur premier album.
Julien n’était pas corse, par contre JB l’est et il
maitrise complètement la langue (même si dans Silence Of The Abyss il chante en anglais) et les
célèbres intonations qui font la particularité du chant corse (les ricuccate,
variations d’un demi-ton dans les notes tenues de la voix). A noter que JB,
David et Diane se connaissent depuis 2006 et jouent en
parallèle dans un groupe de rock chanté en corse (El Diablo - ils sont
fans de Rodriguo Y Gabriela). Je trouve le chant de JB bien plus
intéressant que ce que j’avais entendu sur l’EP et son style corse, un peu gitan,
voire même andalou apporte vraiment une identité très méditerranéenne
au groupe, identité qui faisait cruellement défaut jusque-là. Le tout est
auto-produit et mixé par Brett Caldas-Lima dans son Tower Studio de
Montpellier.
Le thème de cet album est l’injustice et le malaise dans notre société, un
sacré programme. Au milieu de ce mal-être, on trouve aussi un enchainement de trois
morceaux (See Acturus - My Fair Fury - Matando), particulièrement
réussi et dont le thème est la corrida et la souffrance animale. Les textes sont bien
écrits, par Diane ou JB, et ils sont disponibles sur leur site.
Ceci m’amène au style musical, que je trouve, comme certains des thèmes
abordés, dans la lignée de celui de Gojira.
On y reviendra, mais je voulais terminer les présentations avec l’artiste derrière
la pochette, Kahinienn Graphix, qui illustre un monde post-apocalyptique dans lequel
une plante verte maintenue sous cloche permet à l’humain de respirer. Dernier point, le
trio opère sans bassiste pour le moment, encore que j’ai pu lire quelquefois
que JB jouait de la basse. A suivre donc.
L’album attaque pied au plancher avec Amok un morceau assez thrash. Même si le
groupe est taggé death prog metal, je trouve que le chant de JB atténue
le côté extrême. Dans le petit break, JB pète un cable, sa
voix est trafiquée pour accentuer cette explosion de violence. Nothing At All fait
l’objet d’une lyrics vidéo à regarder ci-dessous.
Le duo guitare/batterie bien lourd ne cache pas une certaine influence de Gojira,
la voix plus heavy que death de JB est bien en place sur la section rythmique. Il
laisse sa voix s’altérer de ces petites variations qui sentent bon le maquis corse.
J’aime beaucoup ce contraste de chant heavy avec des influences de chants traditionnels
qu’on retrouve en Corse bien sûr mais aussi en Italie du Sud ou même en Orient
(System Of A Down et ses influences arméniennes
l’utilise aussi). Le trio de chansons qui suit et dont je parlais en intro traite de la corrida
(comme sujet sur la maltraitante animale - qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas
dit). See Acturus est une sorte de complainte andalouse ou gitane, réalisée
par JB quasi a capella, qui commence mélodieusement, puis force sur sa voix et
termine par un “Hiero di puta” hurlé. My Fair Fury prend alors le
relais, j’aime bien la violence de ce morceau, le jeu de batterie atomique de
Diane, à contre-temps. On ressent très bien la violence de la corrida
à travers le chant puissant de JB, doublé par un chant growl (de
David) censé représenter le taureau souffrant puis finalement agonisant.
J’aime aussi beaucoup le son de violon du break et les effets de voix de
JB/David. Sacré morceau, qui pour moi devrait faire
l’objet d’un clip décoiffant. Pour finir avec le thème, Matando est
un petit morceau de guitare classique très espagnol, très beau et surtout en gros
contraste avec la violence de My Fair Fury.
The Color Of The Walls repart en trombe dans un style thrash, bien speed, mais avec un chant
qui fait penser à System Of A Down. Le solo de guitare est surprenant, il semble
être passé au travers d’une talkbox. Le break permet encore à
JB de faire ressortir ses influences méditerranéennes, j’aime
décidément beaucoup ces mélanges de genre. God Is Dead, est aussi assez
thrash, il se rapprocherait plus d’un Refuse, Resist de Sepultura. Weak!! par contre fait plus penser à du
Rage Against The Machine, c’est très puissant,
revendicateur, autour d’un gros riff et d’un énorme jeu de batterie qui appuie
le son de la guitare de David. Sur ce morceau et c'est il me semble le seul, on entend
Diane doubler la voix de JB.
L’album se termine par un morceau instrumental, très sombre, Lunar, c’est
étonnant et c’est plutôt réussi. Le groupe ne semble se fixer aucune
barrière, j’aime bien cette approche. La batterie sur ce morceau est intéressante,
d’après ce que j’ai lu, Diane a improvisé et s’est
carrément lâchée au fur et à mesure de l’avancée du morceau et
des changements de rythme.
Alors que je n’avais pas trop accroché au premier EP, j’avoue avoir
été beaucoup plus séduit par ce premier album des Corses de Silence Of The Abyss. Clairement Jean-Bernard apporte
un élément important avec sa voix puissante et surtout sa coloration traditionnelle corse.
Attention, je ne parle pas de polyphonie corse, pas de panique, mais bien de metal moderne et puissant
avec des petits accents méditerranéens. Le metal proposé par le groupe est un peu
à géométrie variable, ça n’est pas déplaisant, même
s’il semble se chercher un peu. Les textes sont intelligents et méritent toute votre
attention. Allez zou, on s’ouvre une Pietra fraiche et on se remet ça entre les deux
oreilles.
Tracklist de Unease & Unfairness :
01. Amok 02. Nothing At All 03. See Arcturus 04. My Fair
Fury 05. Matando – 02:12 06. The Color Of The
Walls 07. God is Dead 08. Weak !! 09. Lunar
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