Jeff Scott Soto est infatigable. Ce chanteur, dont la carrière a démarré avec Yngwie Malmsteen il y a trente-cinq ans et qui compte sur son CV un nombre de groupes, collaborations et albums dépassant l'entendement, n'a pas l'air de vouloir se calmer, bien au contraire. Et voilà qu'entre quelques concerts donnés aux USA avec Trans-Siberian Orchestra, une tournée récemment achevée avec le supergroupe de prog Sons Of Apollo, et quelques autres travaux ici ou là (parmi lesquels on retiendra le très bon album de W.E.T. sorti l'année dernière), un nouvel album de son groupe SOTO (qu'il ne faut pas confondre avec ce qu'il fait sous le nom Jeff Scott Soto, vous suivez ?) a été enregistré puis livré en mai dernier. Pour ceux qui ont loupé le début du film, je rappelle que SOTO ne fait pas dans le hard rock 80s, l'AOR ou le prog mais donne plutôt dans un metal mélodique à la fois technique, rentre-dedans et moderne. Origami, dont on peut apprécier l'originalité du titre (comme celle de l'artwork), est le troisième album du combo dont le line-up n'a presque pas bougé depuis la dernière fois (Tony Dickinson remplace le bassiste David Z récemment décédé dans un accident de bus alors qu'il était en tournée avec Adrenaline Mob). On retrouve donc évidemment Mr. Soto au chant ainsi que les fidèles suivants : BJ à la guitare et aux claviers, Jorge Salan à la guitare et Edu Cominato à la batterie. Inside The Vertigo (2015) et Divak (2016) avaient placé la barre haut... Origami se montre-t-il à la hauteur de ses prédécesseurs ? Oui.
Ce troisième effort offre un démarrage comme je les aime : surprenant et percutant. Surprenant car HyperMania ouvre le bal avec des claviers et un beat électro plutôt inattendus... juste avant que les grosses guitares (heavy et accordées bien bas) ne débarquent. La compo est enlevée et possède une mélodie très catchy, quasiment pop... pendant que les instruments présentent une sorte de synthèse entre hard rock et heavy metal avec des sonorités modernes. Verdict : un titre intéressant, pêchu et entraînant... Après plusieurs écoutes, je suis conquis. Et je n'oublie pas l'adjectif percutant qui décrit aussi bien cette entrée en matière que le morceau qui suit : Origami. Cette seconde piste est plus heavy et sombre que la première. Le riff est costaud, les claviers apportent encore une touche de modernité, la section rythmique (très bien mise en valeur par une production dynamique) ne fait pas de la figuration et le refrain, impeccablement entonné par un Jeff Scott Soto toujours en forme, retient mon attention. En deux chansons, le ton est donné : de la puissance, du gros son, de la technique... mais, et c'est le plus important, ces qualités sont utilisées au service de chansons qui privilégient l'accroche mélodique.
La suite d'Origami ne comprend pas que des titres aussi forts que les deux premiers mais propose tout de même beaucoup de bonnes choses et encore quelques surprises. Le tempo se pose un peu le temps d'un BeLie plus progressif, qui permet d'apprécier le savoir-faire indéniable des musiciens... mais j'avoue que je suis moins séduit par les mélodies amenées ici. Ca reste un titre intéressant et sympa mais moins réjouissant, à mon sens, que les deux précédents. On revient à quelque chose de plus heavy et direct avec World Gone Colder au riff original et Detonate au feeling plus rock (forcément, avec un tel titre, ça ne sentait pas la ballade) et aux parties de basse enregistrées par David Z avant sa mort (ce sera aussi le cas sur la dernière piste de l'album). Jusque-là, globalement, ça remue bien, c'est plein de plans impressionnants (les solos de Jorge Salan sont brillants)... le bilan est positif. Et la suite maintient un bon niveau avec Torn, un titre plus posé et "radio friendly", un Dance With The Devil bien plus énergique dont la puissante rythmique fait taper du pied (plutôt des deux d'ailleurs, il y a de la double grosse caisse) et sur lequel le copain Ron "Bumblefoot" Thal (de Sons Of Apollo) est venu poser un petit solo qui porte bien sa signature, un Afterglow moins metal mais plus hard rock et funky (il y a même des cuivres, comme sur un bon vieil album d'Extreme) qui apporte une couleur différente à cet opus... Bref, c'est varié, très bien joué et chanté, on passe un chouette moment. Et il y a une dernière suprise pour conclure : Origami s'achève sur une reprise de... Michael Jackson, Give In To Me, une ballade rock (peut-être vous souvenez-vous qu'on pouvait apercevoir un certain Slash dans le clip ?) que le groupe s'approprie bien et sur laquelle Jeff Scott Soto livre une prestation habitée. Sa voix chaude et puissante n'a pas encore perdu de sa superbe.
Alors que beaucoup d'artistes présents depuis plusieurs décennies arrivent parfois à sortir des albums honorables (dans le meilleur des cas) mais sans égaler les faits d'armes de leurs jeunes et belles années, Jeff Scott Soto semble plus en forme que jamais et propose, avec ce groupe, un metal riche qui mélange avec une certaine réussite différents styles ou influences. Le résultat de ce travail ne manque pas d'énergie ni de fraîcheur et sonne tout sauf has been. Un joli tour de force.
Tracklist d'Origami :
01. HyperMania 02. Origami 03. BeLie 04. World Gone Colder 05. Detonate 06. Torn 07. Dance With The Devil 08. Afterglow 09. Vanity Lane 10. Give In To Me
|