Refuge : un nouveau groupe fraîchement signé chez Frontiers Records qui s'en vient revisiter le heavy/speed germanique de la fin des années 80 (ou du début des années 90) ? Oui et non. Oui pour le label et le style... Non pour ce qui est du "nouveau" groupe. Peavy Wagner, Manni Schmidt et Christos Efthimiadis n'en sont en effet pas à leur coup d'essai puisque ces trois compères constituaient le line-up du groupe Rage entre 1988 et 1994. Ils se sont reformés pour donner quelques concerts il y a peu... et puis l'idée d'un nouvel album a germé. Mais comme de son côté, Peavy n'a jamais cessé de mener Rage, ces retrouvailles ont pris le nom de Refuge. Et là, c'est le festival du clin d'oeil ou de la référence. Le patronyme choisi déjà : une chanson du fameux trio parue sur l'album The Missing Link (1993). Le titre de l'album ensuite : Solitary Men... Eh oui, sur Trapped (1992), il y avait une compo nommée Solitary Man. Et puis la jaquette est réalisée par Andreas Marschall (l'illustrateur à qui l'on doit quelques pochettes de Rage - et de pas mal d'autres groupes - au début des années 90). Bref, le message est clair : vous allez écouter du Rage, mais pas celui d'aujourd'hui, non, celui d'il y a vingt-cinq ans ou un peu plus. Sauf que... attendez, corrigez-moi si je me trompe : le Rage actuel ne fait-il déjà pas dans le Rage des nineties ? Bah oui, quand même. Ok, on se retrouve donc avec deux trios différents (avec Peavy comme seul membre commun) pas censés faire la même chose mais qui proposent sensiblement la même recette, c'est ça ? En gros, oui. Est-ce grave ? Chacun aura sa petite idée sur le sujet. En attendant, décortiquons un peu cet album et voyons ce qu'il a dans le ventre.
On démarre avec une compo véloce (comme il se doit) intitulée Summer's Winter. Le riff de Manni Schmidt nous renvoie directement vingt-cinq ans en arrière. Le morceau est entraînant, franchement mélodique, pas très agressif. C'est peut-être ce qui va légèrement différencier Refuge du Rage actuel : un aspect un peu plus mélodique qui évoque davantage un album comme The Missing Link que Black In Mind (1995). Ici, les influences ou ornements thrash qui caractérisent parfois la musique de Rage sont en retrait. Et cela se confirme avec les pistes suivantes, The Man In The Ivory Tower (mid-tempo heavy au refrain accrocheur bien troussé), la plus rentre-dedans et très efficace Bleeding From Inside ou From The Ashes, compo speed au refrain enjoué qui rappelle bien les anciennes oeuvres du trio. Tout cela se déguste facilement, c'est agréable, bien produit (j'aime bien le son de batterie) et rappelle des souvenirs... Mais (il fallait bien qu'il y ait un "mais" à un moment), aussi sympas soient-ils, ces morceaux ne sauraient être qualifiés d'inoubliables. Du moins, c'est mon ressenti.
Sur la suite de l'album, Refuge propose quelques compos bien fichues, entre mid-tempo mélodique qui accroche bien (Living On The Edge Of Time, Mind Over Matter et sa rythmique qui me rappelle Firestorm), allure un peu plus vive (We Owe A Life To Death, Let Me Go) et speederie classique (Hell Freeze Over)... Encore une fois, rien de révolutionnaire mais un entrain et un savoir-faire qui font bien passer la pilule. Ca joue bien, le trio a de l'expérience, on ne s'attendait pas à quelque chose d'inférieur... mais peut-être à un contenu plus marquant. Après, ne nous laissons pas aveugler par notre nostalgie, à l'époque, ces messieurs ne composaient pas que des chansons imparables non plus... mais on admettra sans mal que nous ne sommes pas en présence des nouveaux Don't Fear The Winter, Invisible Horizons, Solitary Man ou Firestorm. La fin du disque est plus posée. Waterfalls est une piste différente, à l'intro calme (une guitare au son clair vient se poser sur le bruit des chutes d'eau pendant que le tonnerre gronde au loin), la mélodie surprend un peu plus, elle est moins évidente... Petit à petit, la compo proche de la ballade se fait plus lourde, puis prend davantage d'allure et propose un final assez heavy. Il y a de l'idée mais je ne suis pas passionné. Il y a aussi une bonus track qui est une version réenregistrée d'une vieille compo intitulée Another Kind Of Madness (face-b de l'époque The Missing Link). A l'origine, le morceau était acoustique. La relecture 2018 est électrique et plus dynamique. La mélodie du refrain a été légèrement modifiée aussi. Sympa sans être indispensable.
Au final, Solitary Men est un disque sympathique, bien produit, et qui saura plaire aux nostalgiques mais il faut bien reconnaître qu'il n'apporte pas grand-chose à une discographie déjà particulièrement féconde. C'est la troisième fois consécutive (en trois ans) que Peavy Wagner revisite les nineties et autant cela a pu avoir un certain charme ou faire son petit effet au début, notamment après une série d'albums au style différent (je fais référence aux années passées avec le guitariste Victor Smolski), autant là, ça commence un peu à manquer d'idées ou de fraîcheur. Alors ok, c'est la réunion des vieux compères, il est donc assez logique que la galette sonne ainsi... mais cela n'empêchera pas quelques auditeurs en manque de surprise de ressentir une certaine lassitude. Tout cela a déjà été fait... et en mieux. Par contre, je ne doute pas un seul instant que le moment passé à retrouver le trio en live, présentant un mix de ses meilleures nouvelles compos et quelques classiques de la belle époque (que Rage ne joue plus trop sur scène depuis un moment), soit excellent. Alors vivement la tournée, en espérant qu'il y en ait une (c'est probable) et qu'elle passe par la France (c'est déjà nettement moins sûr).
Tracklist de Solitary Men :
01. Summer's Winter 02. The Man In The Ivory Tower 03. Bleeding From Inside 04. From The Ashes 05. Living On The Edge Of Time 06. We Owe A Life To Death 07. Mind Over Matter 08. Let Me Go 09. Hell Freeze Over 10. Waterfalls 11. Another Kind Of Madness (Bonus Track)
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