C H R O N I Q U E
En 1992, l'indus Metal reçoit sa première grosse baffe avec l'album de Ministry, Psalm 69. Deux ans plus tard, seconde atomisation avec ce Downward Spiral d'un groupe de malades mené par le complètement déjanté Trent Reznor. J'ai nommé Nine Inch Nails. Mais il fallait bien une équipe de cinglés pour accoucher d'un album pareil. Enfin, équipe… en studio, NIN, c’est avant tout Trent Reznor le chef d’orchestre de cette œuvre dantesque. Un Trent que l’on retrouve à la composition et à l’interprétation de tous les morceaux de cet album. Ici, les machines sont reines. Guitares, basse, batterie, quasiment tout a été programmé.
Car oui, tout dans cet album semble atteint de folie. D’ailleurs, le premier titre donne le ton : Mr Self Destruct. Ca en dit déjà long sur l’état d’esprit du bonhomme. Un hymne à l’auto-destruction. Que pouvait-on attendre d’autre d’un gars qui avait emménagé dans la tristement célèbre maison où Charles Manson avait assassiné plusieurs personnes (le studio d’enregistrement de cet album a été construit à l’intérieur de la maison et baptisé "le Pig", en rapport avec ce que les assassins de Sharon Tate avait écrit, avec son sang, sur la porte de la maison. Sympa, non ?) Comment voulez-vous qu’un album normal sorte d’un esprit aussi dérangé et d’un lieu aussi particulier ? Au passage, "Pig" est un mot que l’on retrouve sur deux titres de l’album, Piggy et March of the Pigs. Comme quoi, les lieux ont bien inspiré Reznor dans la phase créative de son chef d’œuvre.
Bref, The Downward Spiral n’est pas un album comme les autres. Broken, le EP réalisé deux ans avant (au même endroit d’ailleurs) annonçait déjà bien la couleur. Ce diptyque constituant, à mon humble avis, ce que le groupe a fait de mieux jusqu’alors. Revenons sur ce premier titre. C’est un vrai choc auditif. Comment des machines, des programmations, peuvent produire une telle musique ? Pas de batterie, de basse ou de guitares proprement dit. Mais des sons bidouillés, tordus, malaxés, mélangés, compressés, déformés qui, au final, nous donnent ce résultat ô combien brillant. Et puissant aussi. N’allez pas imaginer que parce qu’on ne retrouve pas les instruments "classiques" du Metal, cela sonne faiblard. Cent fois non, ça arrache carrément même. Avec cet album, on passe de la folie furieuse et dévastatrice (ce premier titre, March of the Pigs, Big Man with a Gun) à des ambiances plus calmes (Piggy, Downward Spiral, Hurt) voire carrément planantes (A Warm Place), moments où le dément semble prostré dans un coin de la cellule capitonnée, la bave aux lèvres, les yeux révulsés, en attendant la prochaine crise. Car on sent bien que tout peut basculer à la seconde d’après, on est constamment sur la brèche, sans savoir si ce qui va suivre sera un rythme frappé d’épilepsie ou un passage des plus softs. Certains morceaux dépeignent cette descente dans la folie, comme sur Eraser avec un départ quasiment ambient /tribal pour finir dans les samples les plus terrifiants. Ou encore ces samples de cris inhumains sur The Becoming, entre passages acoustiques mélodiques et moments d’hystérie pure. Alternance délirante que l’on retrouve sur le morceau suivant, I Do Not Want This. Et même au sein des tourmentes les plus orageuses (March of the Pigs), deux ou trois notes de piano viennent nous faire perdre tous nos repères. Cette "spirale vers le bas" est sans aucun doute celle qui nous plonge vers la folie. C’est "Vol au-dessus d’un nid de coucou" en musique. On a franchement l’impression de déambuler dans un asile d’aliénés. Evidemment, les textes sont tout aussi frappadingues que la musique. Reznor est en véritable introspection (la plupart des titres sont à la première personne). Et cela ajoute encore au côté dingo de cette œuvre.
Un monument de l’indus. Indiscutablement. Mais du Metal aussi. The Downward Spiral démontre que le Metal le plus violent (et le plus tordu aussi) peut être obtenu uniquement à base de machines. Chose qui semblait impossible encore quelques années avant. NIN repousse les limites de la création, dépassant d’ailleurs les frontières du Metal proprement dit. NIN va, à la suite de cet album, marquer durablement les esprits par sa prestation au festival Woodstock '94 (pour fêter les vingt-cinq ans du légendaire festival) où le groupe entièrement couvert de boue (on a d'ailleurs renommé ce festival "Mudstock") a réalisé une prestation particulièrement remarquable. Une des rares fois où celle de Metallica, passant juste après, a paru presque fade. C’est dire…
Tracklist de The Downward Spiral :
01. Mr Self Destruct 02. Piggy 03. Heresy 04. March of the Pigs 05. Closer 06. Ruiner 07. The Becoming 08. I Do Not Want This 09. Big Man With A Gun 10. A Warm Place 11. Eraser 12. Reptile 13. The Downward Spiral 14. Hurt
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