Les Tunisiens de Myrath sont de retour avec Shehili, un cinquième album qui poursuit le travail amorcé sur Legacy en proposant un metal riche en orchestrations, avec un accent davantage porté sur les mélodies, les arrangements et un aspect symphonique très connecté aux origines de la formation. Le metal progressif influencé par Dream Theater ou Symphony X n'a pas totalement disparu mais est clairement moins mis en avant que lors des débuts du groupe. Puisque des mots comme "power", "progressif" ou "oriental" ne suffisent pas à donner une indication suffisamment précise sur la musique de Myrath (le metal oriental des Tunisiens ne sonne pas comme celui des Israéliens d'Orphaned Land, par exemple) et que le combo veut promouvoir sa spécificité, le voilà qu'il arrive avec un nouveau nom pour illustrer son style : désormais, Myrath fait du blazing desert metal (qui souligne à la fois l'exotisme et une certaine flamboyance de plus en plus affirmée). Bon, et concrètement, ça donne quoi ?
Quand le premier extrait, Dance, est arrivé, j'avoue avoir eu un réaction mitigée. Bien sûr, la chanson est sympa, on retrouve une ambiance orientale bien mise en avant, posée sur une rythmique à la fois solide et entraînante (un peu groovy, dansante, forcément vu le titre...), des orchestrations présentes et soignées, une mélodie qui accroche bien l'oreille... Mais j'ai également été un peu déçu car j'ai trouvé que le titre se rapprochait beaucoup trop de Believer, premier single de l'album précédent. Soit, il y a une logique, on sent bien que la continuation est cultivée (jusque dans le clip qui reprend l'histoire développée précédemment) mais quand même, musicalement, je me suis dit que ça sentait un peu la redite... J'ai alors espéré que Shehili, dans son ensemble, ne soit pas qu'un Legacy bis. Et à l'écoute de l'album, j'ai été rassuré sur ce point. Ouf !
Ceux qui souhaitaient plus de metal conventionnel et un peu moins de musique traditionnelle orientale reçoivent un message clair dès Asl, l'intro de l'album : ce ne sera pas le cas. Percussions, flûtes, chant arabe... on se retrouve en plein désert, le voyage commence. Cette volonté chez Myrath de mettre ses racines en avant transparaît à travers les choix faits pour les collaborations sur cet album. Il y a des invités mais ce n'est pas ici que vous trouverez des figures connues du monde metal... Non, le groupe a travaillé avec l'orchestre national tunisien et deux chanteurs, tunisiens eux aussi, Mehdi Ayachi et Lofti Bouchnak (qui, de plus, n'ont rien à voir avec le monde du metal). N'allez pas croire pour autant que Shehili n'est pas un album de metal, ce serait une grave erreur. Malek Ben Arbia nous décoche encore de bons riffs qui font plaisir, et cela dès le premier et irrésistible morceau nommé Born To Survive. Quel groove ! Les percussions et les chœurs sont excellents, le son est superbe (la batterie de Morgan Berthet, au jeu toujours bien classe, sonne de façon impeccable) et le refrain à la mélodie entêtante ne me quitte pas depuis plusieurs jours.
Des bons riffs, et des plus costauds, il y en a d'autres sur Shehili. Ecoutez des titres comme You've Lost Yourself, Wicked Dice ou Darkness Arise si vous en doutez. C'est notamment ici que l'on sent encore un peu les influences de groupes comme Symphony X. Ces morceaux sont tous heavy, entraînants et excellents. Niveau solo aussi, Malek se fait plaisir et d'ailleurs, je les trouve globalement plus sympas et mémorables que sur l'album précédent. Disons qu'ils attirent plus mon attention en tout cas (tout en sachant rester assez concis). Au rayon des compos au groove irrésistible, je n'oublie pas Monster In My Closet, une autre chanson que je retiens parmi les plus marquantes de cet opus. Sur la deuxième moitié de Shehili, les compos se font un peu moins rythmées par contre. Elles n'en sont pas moins belles, intéressantes voire envoûtantes... mais oui, si on retire l'enlevée et très épique No Holding Back ou Darkness Arise déjà citée plus haut, c'est globalement plus calme. Lili Twil est une belle reprise du groupe marocain Les Frères Megri, Stardust est une ballade et Mersal propose elle aussi un tempo assez tranquille... Mais la force de ces compos réside surtout dans des mélodies hyper accrocheuses servies par un groupe impeccable (le chant de Zaher Zorgatti est toujours l'un des points forts du groupe) et les orchestrations très travaillées qui les accompagnent. Personnellement, même si j'ai une petite préférence pour des titres plus remuants, je ne m'ennuie pas une seule seconde à l'écoute de la deuxième partie de cet album tant il s'y passe de choses (et je n'ai même pas pris le temps de vous parler des claviers d'Elyes Bouchoucha qui participent beaucoup au ravissement que me procure Shehili... mais bon, il faut être raisonnable, je ne vais pas écrire un roman). Finissons : la chanson titre qui conclut l'album revêt des allures de blockbuster hollywoodien et permet à ce cinquième album de Myrath de s'achever sur une note épique. Si vous vouliez terminer sur quelque chose de sobre ou intimiste, c'est raté... mais c'est pas grave (bien au contraire).
Si la dérive mélodique et moins metal prog de Legacy vous a déroutés, Shehili ne va (peut-être... on ne peut jamais en être totalement sûr) pas forcément vous convenir ou vous réconcilier avec Myrath. Par contre, si vous avez accroché au cru 2016, je ne peux que vous recommander ce nouvel album qui poursuit l'évolution du groupe de belle façon. C'est riche, puissant, frais, parfois un peu surprenant ou dépaysant (mais toujours très accessible) et globalement assez théâtral ou emphatique. Le groupe a une identité propre et sa musique est une jolie invitation au voyage qu'on n'entend pas tous les jours. En ce qui me concerne, voilà un disque bien parti pour figurer parmi les plus réjouissants de 2019.
Tracklist de Shehili :
01. Asl 02. Born To Survive 03. You've Lost Yourself 04. Dance 05. Wicked Dice 06. Monster In My Closet 07. Lili Twil 08. No Holding Back 09. Stardust 10. Mersal 11. Darkness Arise 12. Shehili
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