Mr. Big, clap de fin ? On dirait bien. Les Américains sont actuellement en train de boucler leur tournée d’adieu car ils ne souhaitent pas continuer l’aventure sans leur batteur Pat Torpey (décédé en février 2018). Cependant, Eric Martin, Billy Sheehan et Paul Gilbert tenaient à se réunir une dernière fois et rendre hommage à Torpey à travers un dixième et ultime album. Voici donc Ten et derrière les futs, on retrouve le même Nick D’Virgilio qui tourne avec eux en ce moment. Très bon choix puisqu’il est à la fois excellent batteur et chanteur accompli (fut un temps, il occupait même ces deux postes simultanément chez les prog-rockers de Spock’s Beard), les harmonies vocales étant particulièrement importantes et soignées chez Mr. Big, il fallait un gars maitrisant ces compétences. Maintenant, après deux albums (The Stories We Could Tell et Defying Gravity) sympathiques mais perfectibles (pas incroyables en tout cas, depuis la reformation, seul What If... s’est montré - à mon sens - vraiment excellent), Mr. Big va-t-il réussir à achever sa carrière sur un disque plus marquant, à la hauteur de ses meilleures réalisations ?
Good Luck Trying constitue un démarrage surprenant. Point de hard rock ici, mais un rock très bluesy, qui swingue et groove sacrément (avec une partie de batterie qu’on n’entend clairement pas tous les jours). Un début pas franchement prévisible... comme le reste du disque, il faut le dire, qui n’obéit pas à une formule préétablie. Le son est agréable et chaleureux, la basse de Sheehan ressort bien, avec classe, Gilbert fait preuve de retenue, son jeu s’adapte bien au style mis en avant (on le remarque forcément mais il est moins "virtuose"), D’Virgilio se fait remarquer d’entrée de jeu... et Martin conserve son timbre et sa gouaille caractéristiques, mais avec nettement moins de puissance ou d’amplitude qu’avant. Pour avoir suivi l’évolution de sa voix ces dernières années, je ne vais pas feindre la surprise (n’empêche, il chante quand même sacrément bien).
Que nous réserve la suite ? Ceux qui espèrent voir le groupe revenir à un hard rock plus puissant, enlevé et technique devront se faire une raison... On est face à quelque chose de plus pop/rock (I Am You, entraînante et très sympa), blues/southern rock avec une ambiance orientalisante (Right Outta Here, un peu plus complexe, et avec un très chouette solo de Gilbert), très pop à nouveau (l’enjouée Sunday Morning Kinda Girl, très légère, soulignée par de jolies harmonies vocales), ou balladesque et bluesy (Who We Are qui, elle, sonne comme une ballade assez typique du groupe)... Les mélodies sont souvent très accrocheuses, c’est notamment le cas sur As Good As It Gets où l’on retrouve tout le savoir-faire de Mr. Big en la matière. Cette compo est énergique, même si elle reste légère et - comme le reste du disque - manque un peu de muscle, et permet de profiter d’un autre beau solo de Gilbert. On remarquera que Ten compte moins de ballades que beaucoup d’autres disques de Mr. Big... Jusqu’ici, il n’y a eu que Who We Are et la septième piste est un rock enlevé, bluesy (encore !), presque boogie, très seventies dans l’âme, sympa. Courageous fait dans le mid-tempo avec un petit riff sympa... mais il lui manque quelque chose, elle ne me marque plus que ça et a plus des allures d’honnête face-b qu’autre chose. Up On You redresse le tir (sans être renversante) avec une rythmique plus appuyée (le riff sonne un peu Rolling Stones), un groove retrouvé, des mélodies qui accrochent bien, des musiciens un peu plus démonstratifs (dans le bon sens du terme)... Et là, arrive la deuxième et dernière ballade de l’album, The Frame, qui met en avant une jolie sensibilité et s’avère franchement réussie. La bonus 8 Days On The Road voit encore le groupe s’aventurer en terre blues. Elle est bien cool, avec une super rythmique, des solos excellents et une performance vocale différente puisqu’il ne s’agit pas d’Eric Martin... je n’ai pas l’information officielle mais j’imagine qu’il s’agit de Billy Sheehan. Ne m’en tenez pas rigueur si je me trompe...
Pour répondre à la question posée plus haut : non, Mr. Big n’a pas, il me semble, réalisé une œuvre digne des attentes placées en elle. Mais ces attentes étaient-elles raisonnables ? La voix de Martin a perdu de sa force, Torpey n’est plus de l’aventure, les derniers disques n’étaient pas extraordinaires... Il n’allait pas de soi que Ten allait être incroyable. Alors réjouissons-nous tout de même car il est franchement sympa et permet de partager un dernier moment (loin d’être désagréable) avec ces excellents musiciens qui, de toute évidence, se sont fait plaisir à composer et enregistrer ce Ten. Oui, on a connu les Américains plus percutants ou impressionnants, plus énergiques ou mélodiquement efficaces. Ten manque de grosses claques ou de hits qui ne veulent plus se déloger du cerveau, son orientation blues rock ne correspond pas nécessairement à ce que je préfère et pourtant... il est plutôt chouette. Mieux produit que son prédécesseur, mélodique, groovy, plus simple, moins exubérant que certaines offrandes passées, bien écrit, il ne manque tout de même pas de rappeler qu’on n’a pas affaire à n’importe qui. Les talents combinés de ces quatre messieurs ne font peut-être pas autant d’étincelles que certains le souhaiteraient mais ils sont encore bel et bien là. Si c’est vraiment la fin, merci pour tout et bon vent, Mr. Big.
Tracklist de Ten :
01. Good Luck Trying 02. I Am You 03. Right Outta Here 04. Sunday Morning Kinda Girl 05. Who We Are 06. As Good As It Gets 07. What Were You Thinking 08. Courageous 09. Up On You 10. The Frame 11. 8 Days On The Road (European bonus track)