Etant, comme tout individu normalement constitué, très fan de Bolt Thrower je n’ai bizarrement jamais été séduit par Memoriam qui en reprenait légitimement les codes sans parvenir à faire parler la poudre comme le faisait l’empereur incontestable, et incontesté, de ce death metal guerrier tellement unique. L’œuvre colossale de Bolt Thrower étant définitivement impossible à surpasser ni même à égaler, pourquoi donc s’y frotter ? Je comprenais et respectais évidemment l’hommage mais ne parvenais pas, en tant qu’auditeur, à y trouver un réel intérêt jusqu’à ce que sorte ce déjà cinquième album (en six ans, ça ne chôme pas) semblant marquer un début de cassure avec un héritage décidément bien lourd à porter.
Une fois n’est pas coutume, je consacre un petit paragraphe au line-up exceptionnel du combo. Quel bonheur en effet de voir ces vieux briscards toujours passionnés par cette musique qui enfiévra leurs lointaines années adolescentes. Chapeau bas Monsieur Franck Healy, bassiste sexagénaire (!) qui officia au sein de combos devenus cultes comme Cerebral Fix et Benediction. Low hat Mister Spikey T. Smith, vieux de la vieille de la scène Anglaise qui jouait dès 1986 sur les premiers enregistrements des excellents Sacrilège et dont le jeu de batterie particulièrement audacieux apporte une touche très personnelle aux compositions du groupe, lui permettant de franchir une étape vers l’émancipation, vers un style et un son plus personnel. Respects éternels à la légende Karl Willets qui malgré ses cinquante six printemps, n’a rien perdu de son engagement et de sa fougue, son growl est certes moins profond qu’il ne l’était sur les illustres Realm of Chaos ou Warmaster mais il est toujours aussi puissant et imposant. Quant à Scott Fairfax, aussi talentueux soit-il, le garçon est encore beaucoup trop jeune, pensez, quarante-cinq ans, pour avoir droit lui aussi à ses quelques lignes de gloire dans cette chronique. J’y reviendrai dans une dizaine d’années.
Revenons donc à ce Rise To Power, prometteur, et une fois de plus drapé dans un artwork du plus bel effet signé Dan Sea Grave. Memoriam s’éloigne, lentement mais sûrement, de l’influence Bolt Thrower. Même si l’ombre menaçante du Lanceur de Boulons hante encore bon nombres de riffs, le groupe semble s’amuser à revisiter les grandes heures de la scène extrême Anglaise du début des 90’s, évoquant tour à tour My Dying Bride sur les premières mesures du solennel I Am The Enemy, Paradise Lost sur le refrain un brin too much du même titre ou encore le grand Carcass de Necroticism sur les excellents All Is Lost et Annihilition’s Dawn. Memoriam, s’il reste fidèle à sa formule originelle, lui injecte cette fois-ci une grosse dose de mélodie bienvenue qui permet à ce Rise To Power de s’envelopper d’une aura dramatique, de gagner en profondeur en dégageant une atmosphère clairement épique sur le final de Never Forget, Never Again, sur la magnifique partie centrale de Annihilation’s Dawn ou encore sur l’ultra puissant The Pain, lancinant et tout en émotion, qui clôture l’album de manière magistrale.
Autant d’approches différentes et de variété dans le jeu qui anéantissent tout début de monotonie, enrichissent considérablement le propos du groupe mais viennent aussi perturber cette cohésion d’ensemble que l’on aime entendre en se plongeant dans l’écoute d’un album. Memoriam semble ici être en équilibre entre deux périodes, ses débuts en forme d’hommage assumé au disparu Bolt Thrower et une suite en affranchi qui se dessine clairement sur ces huit compositions. Ainsi, si Rise To Power est un très bel album, il est surtout prometteur d’un avenir plus ambitieux et donne d’ores et déjà très envie de découvrir ce que le groupe va proposer par la suite. Si cet album est bien celui de la transition, le prochain pourrait bien être celui de la maturité (paie ton cliché !) qui permettrait à Memoriam de basculer dans une autre dimension et de devenir enfin un groupe majeur de la scène death metal.
Tracklist de Rise To Power :
01. Never Forget, Never Again (6 Million Dead) 02. Total War 03. I Am The Enemy 04. The Conflict is Within 05. Annihilations Dawn 06. All is Lost 07. Rise To Power 08. This Pain