Artiste/Groupe:

Mānbryne

CD:

Heilsweg : O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy

Date de sortie:

Avril 2021

Label:

Terratur Possessions

Style:

Black Metal bergmanien

Chroniqueur:

Mythos

Note:

17/20

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Bergman et le Black Metal, une longue histoire d’Amour, et de Mort.

Abigor, Funeral Mist, Pestkraft, Agalloch, Démonos, Délétère et à présent Mānbryne font, et continuent de le faire (par des samples, références, allusions directes ou indirectes) état de leur passion, admiration, fascination même - serait un terme plus juste - pour le cinéaste suédois.

Une fascination tout à fait légitime tant l’on connaît le poids et l’impact de ses films dans le monde entier (nulle exagération*), du point de vue de l’histoire du cinéma (La Nouvelle Vague par exemple, grâce à Monika), mais aussi de la culture en général : ouvrages, théories (le philosophe Gilles Deleuze et la représentation du visage dans l’Image-mouvement), pièces de théâtres etc.

Un monument.

Cette fois, Mānbryne va un peu plus loin que les autres, puisque l’album Heilsweg : O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy est un hommage, une œuvre dédiée à la mémoire de l’acteur masculin fétiche de Bergman, le dénommé Max von Sydow, décédé en mars 2020. Si vous ne voyez pas qui est « ce bon vieux Max », il vous suffit de jeter un œil à mon avatar un peu plus haut à gauche, qui représente l’acteur dans le très renommé Septième Sceau, autre monument du genre. À rattraper d’urgence (ou revoir) si ce n’est pas encore fait, et dignement remasterisé dans une très belle version récemment.

Max von Sydow c’est donc une douzaine de films avec Monsieur Bergman. Autant dire une épopée. Mes recherches universitaires de l’époque (on parle ici de 2012) m’avaient amené à travailler sur la représentation du visage au cinéma, avec un corpus de trois films de ces derniers : Le Septième Sceau, La Honte et l’Heure du Loup, où officie à chaque fois Von Sydow, jusqu’à l’annihilation totale (l’Heure du Loup est un excellent film d’horreur/d’angoisse).

Regardez aussi cette image promotionnelle de Heilsweg : O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy et comparez-la aux images que j’avais compilé sur un vieux Tumblr de l’époque (ici), vous verrez que la référence n’est pas que musicale pour le groupe polonais, elle est aussi visuelle, mentale et philosophique.

Troublant...

Bref, une très longue histoire entre Bergman, le Black Metal et… moi-même, évidemment, puisqu’il est question de chronique, d’une direction interprétative forcément personnelle.

Mānbryne persévère dans cette lignée avec un magnifique opus. Mélange d’allemand et de polonais, Heilsweg : O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy peut se traduire, de manière très barbare, comme suit : La route du Salut : Sur l’angoisse du corps et l’errance de l’âme. Un très bon titre, à la limite de l’essai de philo, qui correspond exactement au magnifique duo filmique Sydow-Bergman : entre la Mort, corporelle, et la crainte, l’angoisse de l’âme, de l’esprit face à la fatalité, l’aporie suprême, la séparation des deux à la fin du Tout.

Et il faut l’admettre, Pustka, Któr Znam, la première piste, enfile les perles à tout allure, à la manière de Söngur Heiftar des Islandais de Misþyrming (que j’ai eu la chance de rencontrer, mais c’est encore une autre anecdote). Précision, justesse, mélodie entêtante, dissonance d’une guitare sur le fil, sample introductif, tout est réuni pour me faire frétiller : « confess, confess, you have only a moment to live ! », et c’est parti. BRAAAM. Les tambours de l’apocalypse résonnent dans vos oreilles à tue-tête. Le septième sceau est ouvert, plus rien ne peut arrêter les Polonais (membres de Blaze Of Perdition pour les curieux). Pour vous faire réellement comprendre mon impression sur cette piste, je vous invite à jeter un œil à l’un de mes articles sur la question de Söngur Heiftar (ici), très proche donc de Mānbryne sur les sensations perçues, et donc de ma vision de ce nouvel opus.

Du Black Metal à l’état pur, brut.

Puissance, vitesse, explosion, transcendance, exaltation et extase : « sentiment intense et ineffable paraissant correspondre à une joie indicible teintée d’angoisse, qui fige le sujet dans une immobilité presque complète ». Voilà où se situe très précisément Mānbryne, entre décadence dionysiaque et pureté apollinienne. Qu’est-ce que tu veux rajouter de plus ? Un brin de spiritualité ? Oui. D’instabilité ? Oui. De violence ? Aussi. Alors quoi ? Rien. Profite.

Personnellement j’attends mon exemplaire vinyle, la voie est tracée.

* Petite anecdote personnelle, la chronique de From Sacred To Profane de Démonos avait amené le frontman d’origine indienne et vivant à Chennai à me contacter pour discuter cinéma justement. La bergmania est une secte tentaculaire dit-on…

Tracklist de Heilsweg : O Udręce Ciała I Tułaczce Duszy :

01. Pustka, Któr Znam
02. W Pogoni Za Wiar
03. Ostatni Splot
04. Majestat Upadku
05. Na Trupa Trup

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