Eh ben voilà, je dirais même les re-voilà, les Lofofurieux, qui en véritable spécialiste du contrepied, propose un nouvel album que personne n'attendait sous cette forme, en acoustique et dans le plus simple appareil, les coquins... Ah vous n’avez pas suivi, alors une petite explication s’impose : Les Lofos attendent désespérément le retour de leur batteur émérite, Vincent Hernault, parti faire un tour de bicyclette avec sa chérie. Alors pas un simple petit tour du dimanche, ils ont tous les deux décidé de partir en Asie, soit trente mille kilomètres, une paille en somme ! Et comme on ne se refait pas, Vincent part avec sous le bras un enregistreur et des baguettes (un comble lorsque l’on va en Asie !), histoire d’agrémenter ce périple de rencontres musicales.
Et pendant ce temps-là, les trois autres compères, que sont Reuno Wangermez au chant, Daniel Descieux à la guitare et Phil Curty à la basse, se retrouvent dans l’embarras. Alors les gars, pas de batteur, pas de souci, on fait un album acoustique ? Voici donc Simple Appareil, presque sans électricité, mais avec tout de même un batteur. Et quitte à prendre un batteur, autant prendre un des meilleurs, en la personne de M. Kevin Foley, batteur « couteau suisse » qui officie ou a officié chez Benighted, Abbath, Sepultura, Sabaton, Nostromo (la liste est longue) et qui vient prouver que l’animal n’est pas juste un blaster fou.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins, cet album est une perle. Une perle de plus à déposer dans le coffre à bijoux qui sert de carrière à Lofofora. Je ne vais pas vous cacher mon inquiétude sur la capacité du groupe à continuer son évolution, compte tenu que le groupe avait déjà abordé tant de genres, tant de styles et tant de sujets, d’autant plus avec un dernier album L’épreuve du Contraire qui me donnait l'impression d'être une sorte de synthèse de leur carrière. Mais c’est certain que je ne les attendais pas là, pas dans ce créneau et surtout pas avec un tel niveau de qualité. Merci les Lofos d’arriver après tant d’années de plaisir à encore me surprendre et à m’émouvoir.
Parce qu’ici, c’est l’émotion qui prime, le choix du titre de l’album est une évidence, Lofofora se met à nu, sans distorsion ni artifice. Les mélodies de Daniel peuvent se faire intimes, légères, discrètes (la Splendeur) ou plus directes (Les Boîtes) mais il n’y a pas ici de tentative de sonner comme du Lofo avec des guitares sèches. Les mélodies sonnent de manière naturelle et donnent l’impression que les musiciens sont des habitués de l’exercice. La section rythmique n’est pas en reste, Phil derrière sa basse électro-acoustique assure son soutien à la guitare. Il a toujours cette capacité à rajouter des phrases musicales qui ont le don de transcender la mélodie initiale, c’est encore une fois du grand art de sa part. Il a également créé au pyrograveur sur une planche de bois ce qui sert de support à la pochette de l'album... qu'est ce que vous voulez quant on a du talent ! Quant à Kevin, il est aussi discret qu’efficace et évite le piège de la démonstration, ce qui aurait été dommage compte tenu de l’intimité voulue par ce Simple Appareil.
Mais celui qui finit vraiment à nu, c’est Reuno, qui aborde comme à son habitude des thèmes qui lui sont chers, mais s’engage dans un exercice vocal risqué. La puissance et l’énergie qui le caractérisent habituellement sont totalement mises au placard, et c’est un chant posé, doux à la limite du crooner par instant, qu donne alors une autre dimension à ses textes qui, eux, frisent toujours la perfection. Seul bémol, et ce sera le seul de tout l'album, quelques fins de phrases tombent un peu à plat. C'est ce qui me fait dire que Reuno a pris des risques, il paraît à la limite de la timidité, peut-être est-il difficile d'assumer ce chant. Je ne sais pas si cela est justifié mais c'est la sensation que j'ai eu. Lorsque la chanson est dynamique, pas de souci, je le sens vaillant comme à son habitude (Troubadour) ; lorsque la mélodie et le texte sont plus intimes, il semble plus fragile (Les Anges). Est-ce sincère ou une manière d'accentuer les émotions transmises pas les textes ? Il n'y a que lui qui peut y répondre.
On savait déjà que le groupe était particulièrement influencé par le rock à la française, le second CD du Double des Lofos est là pour en témoigner. Mais si le morceau Sven n'est pas un hommage à Osez Joséphine de Bashung, je rends mon tablier dans l'instant. Les percussions, le gimmick à la guitare sont autant d’éléments qui me font dire qu'il y a un clin d’œil évident à l'un des cadors, malheureusement parti trop tôt. Et puis nous, petits Français, ce que l'on fait de mieux dans nos chansons, c'est parler d'amour et le titre Histoire Ancienne est une chanson dans laquelle chacun d'entre nous pourrait se reconnaître, tout comme le titre l'Eclipse paru sur Les Choses Qui Nous Dérangent, il touche à l'intimité de chacun. C'est totalement paradoxal, mais c'est une preuve supplémentaire de la qualité de l'écriture des textes.
Au moment de conclure, j'ai simplement envie de dire encore une fois merci à Lofofora. Merci de continuer le combat, de continuer à transmettre cette sincérité, ces émotions universelles dans lesquelles chacun peut se reconnaître... C'est finalement l'auditeur qui finit dans son plus simple appareil, c'est fort, très fort.
Tracklist de Simple Appareil :
01. Les Boites 02. L'appétit 03. La Splendeur 04. Théorème 05. Troubadour 06. Les Anges 07. La Dose 08. Sven 09. L'Histoire Ancienne 10. Day Off 11. Le Martyr
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