Depuis son retour à un thrash plus traditionnel avec Violent Revolution en 2001, après une décennie marquée par quelques albums plus expérimentaux, Kreator s’est montré assez constant. Constant dans la direction musicale de ses albums tout comme dans la qualité globale de ses productions, même si chacun aura ses petits préférés. D’album en album, les Allemands ont peaufiné leur art pour arriver à un résultat particulièrement convaincant, je trouve, sur l’excellent Phantom Antichrist qui a su mélanger l’énergie, la hargne ou l’agressivité propres à Kreator avec des passages ou éléments plus heavy ou mélodiques pour un résultat toujours aussi puissant mais plus accrocheur qu’auparavant. Ce disque, plutôt bien accueilli et suivi d’une immense tournée ainsi que d’un live terrassant (Dying Alive), est sorti en 2012… et ce n’est que maintenant, en ce mois de janvier 2017, que Mille Petrozza et ses collègues nous offrent enfin la suite de leurs aventures musicales. Gods Of Violence (tout un programme...) débarque donc et, devinez quoi, c’est encore une belle réussite !

Dans la série "on ne change pas une équipe qui gagne", on notera que le line-up est le même depuis 2001 et que, comme pour Phantom Antichrist, le groupe a fait appel à Jens Bogren pour la production… pour un résultat sonore, encore une fois, absolument impeccable (hyper puissant, dynamique et clair à la fois). Passons maintenant à la musique. Au programme : pas d’énormes bouleversements en vue, Kreator faisant toujours du Kreator, du thrash bien vindicatif donc, mais non dépourvu de plans plus mélodiques et quelques sonorités différentes disséminées par petites touches ici et là. En gros, Gods Of Violence suit les traces de Phantom Antichrist, avec un équilibre entre violence et mélodie bien respecté. C’est sûr, parfois, ça sent un peu la redite… la chanson titre, excellente au demeurant, avec sa belle intro acoustique, puis son tempo d’enfer, ses riffs meurtriers, ses "WE SHALL KILL" scandés avec détermination, ne fait pas de quartier. Et en même temps, le style et surtout le refrain feront penser à d’autres titres du combo allemand (United In Hate sur l’album précédent, par exemple). Super morceau tout de même, assez irrésistible malgré son faible apport de nouveauté. Certains groupes radotent et finissent par lasser, Kreator se répète aussi, c'est indéniable, mais arrive à faire en sorte que sa musique reste excitante... La recette est si maîtrisée et les compos tellement efficaces qu’il est difficile de ne pas prendre son pied. C'est du moins mon ressenti. Je précise tout de même que je ne possède (et ne connais) pas tous les albums du groupe, ceci explique peut-être ce que certains verront comme une forme d'indulgence de ma part.

Ceux qui aimeraient voir Kreator pratiquer du pur thrash pied au plancher et ultra-agressif de bout en bout devront se faire une raison et bouderont peut-être Gods Of Violence pour son aspect mélodique travaillé. Est-ce à dire que Petrozza et ses sbires ont laissé leur rage au vestiaire. Absolument pas. Du thrash speed et technique, à fond les ballons, livré avec sa dose de riffs tueurs et de parties de batterie décoiffantes, il y en a : World War Now, Totalitarian Terror, Gods Of Violence, Lion With Eagle Wings ou Side By Side sont là pour en attester. Mais certains de ces titres se sont vus agrémentés de breaks ou arrangements sortant un peu du cadre du thrash pur et dur... ce qui rend l'expérience plus intéressante. Les guitares lead (mentionnons au passage l'excellent travail de Sami Yli-Sirniö qui nous a pondu d'excellents solos) évoquent parfois les Anglais d'Iron Maiden... Et quelques orchestrations font de discrètes mais belles apparitions (le groupe a travaillé avec Fleshgod Apocalypse pour l'occasion), comme sur le break de World War Now ou le final de la mid-tempo Satan Is Real (quel riff !). Kreator enrichit donc son thrash et sait le rendre chiadé, accessible et plus épique mais sans sacrifier la patate pour autant. Les autres titres, s'ils ne franchissent pas le mur du son (surtout dans la seconde moitié de l'album, ceux-là), ne sont pas mal du tout et bien taillés pour la scène. Hail To The Hordes, un mid-tempo guerrier, à tous les atours de l'hymne fédérateur qui sera repris par les fans en concert. Et les Allemands continuent de placer une ou deux petites surprises en passant (une cornemuse s'invite sur le final de cette compo, par exemple). On parlait de Maiden quelques lignes plus haut, impossible de ne pas y penser sur l'épique Death Becomes My Light. Intro douce, accélération avec riff galopant, refrain puissant, duo de guitares lead, changements de rythme, final plus posé... Ce n'est certes pas le morceau le plus foudroyant de l'album mais il offre une belle conclusion à cet opus. 

2016 était plutôt une bonne année pour le thrash. Il est encore un peu tôt pour présager de ce que va donner 2017 mais on peut déjà dire que ça commence très fort avec ce disque ! Gods Of Violence est un véritable tour de force. Déjà, quand un groupe établi depuis plusieurs décennies et proposant quelques classiques dans son catalogue arrive à sortir un bon album, on n'en demande pas plus. Ainsi, beaucoup se sont réjouis des tous derniers Metallica, Megadeth, Testament ou Anthrax. On sait que ces offrandes ne viendront pas égaler les plus grandes réalisations de leurs créateurs mais les disques en question sont d'un niveau honorable et ce n'est déjà pas si mal. Avec le quatuor allemand qui nous intéresse aujourd'hui, c'est différent. La galette n'est pas juste de bonne facture ; elle peut, à mes yeux, rivaliser avec les meilleures productions du groupe ! Il est un peu tôt pour se prononcer, j'ai besoin de davantage de recul mais comme ça, à chaud, je serais bien tenté de dire que je viens de trouver mon album préféré de Kreator. 

Tracklist de Gods Of Violence :

01. Apocalypticon
02. World War Now
03. Satan Is Real
04. Totalitarian Terror
05. Gods Of Violence
06. Army Of Storms
07. Hail To The Hordes
08. Lion With Eagle Wings
09. Fallen Brother
10. Side By Side
11. Death Becomes My Light